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Enseignement agricole : "atteindre 200 000 apprenants" (Didier Guillaume)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 31 octobre 2019.

"L'ambition : reconquérir les effectifs et atteindre 200 000 apprenants. Nous allons gagner le pari des effectifs et faire que l'enseignement agricole ne soit pas un second choix mais un primo choix". C'est le grand objectif que se fixe Didier Guillaume pour l'enseignement agricole, "le deuxième système éducatif français avec ses 800 établissements, ses 19 écoles qui forment des cadres (ingénieurs agronomes, paysagistes...), plus de 120 formations". Un enseignement "riche de sa diversité aussi", poursuit le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, avec aussi ses établissements privés, ses MFR (Maisons Familiales Rurales) et qui, pourtant, jusqu'à cette rentrée, se vidait considérablement de ses effectifs. Celui-ci intervenait hier, mercredi 30 octobre 2019, à l'occasion d'un débat sur le thème "Quel avenir pour l'enseignement agricole ?", organisé au Sénat à la demande du groupe groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste (CRCE). Il a aussi répondu à certaines inquiétudes exprimées par divers sénateurs, portant notamment sur les conditions d'accueil des élèves, la nécessaire évolution des formations, la place et la reconnaissance des personnels... À côté de cet enjeu de "reconquête des effectifs", ce sont aussi d'autres enjeux que vise le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation : réussir la transition écologique, la rénovation des formations et la promotion sociale.

"Il faut sortir d'une logique de conservation pour aller vers une logique d'expansion", poursuit le ministre, qui justifie, à ce titre, le choix fait cette année "d'augmenter le seuil de dédoublement de certaines classes", alors que c'est la première rentrée qui se solde par une augmentation d'effectifs. Celle-ci est en effet passée de -4000 élèves en 2018 à +750 à cette rentrée. Car, "le problème", estime-t-il, "ce ne sont pas les classes trop chargées, mais les classes trop faibles". Les 200 000 apprenants constituent, selon lui, un objectif "atteignable", car au-delà de cette augmentation des effectifs, la campagne de communication du ministère lancée en février 2019 au Salon international de l'agriculture semble aussi avoir un impact. Le ministre cite à ce titre deux chiffres : 10 millions de vues enregistrées sur Snapchat et 18 600 visites sur le site « laventureduvivant.fr », principaux outils qui accompagnent cette campagne. Un "formidable signal adressé au monde agricole", auquel s'ajoutent, indique-t-il encore, 12 000 jeunes qui se sont installés l'an dernier, "malgré les difficultés et l'agribashing". Compte tenu de cet indicateur et si les 200 000 élèves sont atteints, l'agriculture française devrait, selon lui, réussir le "pari du renouvellement des générations", alors que le pays compte 450 000 agriculteurs aujourd'hui et que 150 000 d'entre eux, soit un tiers, "vont prendre leur retraite dans les prochaines années".

L'enseignement agricole : "le moteur du tracteur"

Atteindre cet objectif passe par quatre engagements, précise Didier Guillaume : "rénover toutes les formations pour y intégrer l'éco-écologie et le bien-être animal", donc le développement de nouvelles formations "adaptées" pour lequel un "plan" doit être "préparé" ; faire que 100 % des 19 000 hectares qui appartiennent à l'enseignement agricole soient cultivé en agriculture bio ou certifiée ; mettre des jeunes référents éco-responsables dans tous les établissements ; et être "exemplaire" au niveau de l'alimentation servie dans les cantines, en atteignant 50 % de produits bio.

Ces orientations doivent à la fois répondre aux enjeux économiques et de développement durable de l'agriculture, mais aussi à des enjeux d'attractivité, alors que ce domaine souffre actuellement de "bashing" comme l'ont souligné divers sénateurs. Elles doivent permettre "de répondre aux demandes des employeurs qui offrent des emplois majoritairement non délocalisables", mais aussi "aux besoins des jeunes peu mobiles", poursuit le ministre qui indique que l'accueil des jeunes défavorisés est aussi au cœur des objectifs, alors que le système accueille déjà 35 % d'élèves boursiers, "grâce à l'importance du maillage territorial".

Réforme du bac : peu d'établissements proposent l'enseignement optionnel spécifique à l'enseignement agricole

Le ministre a voulu être rassurant par ailleurs par rapport aux inquiétudes soulevées concernant les récentes réformes, notamment celle du bac. Pour le sénateur Pierre Ouzoulias (CRCE), "il n'est pas du tout sûr que cette réforme renforce l'enseignement agricole". Des "indicateurs", au contraire, montreraient qu'il risquerait de perdre en attractivité au profit d'autres établissements, notamment parce que très peu d'établissements ont choisi de proposer l'enseignement optionnel spécifique à l'enseignement agricole "Écologie agronomie, territoire et développement durable" (EATDD), en classe de seconde. Le sénateur évoque aussi un autre indicateur négatif, l'exclusion "massive" des bacheliers technologiques et professionnels de la procédure Parcoursup, sans que l'on sache ce qu'ils sont devenus.

Le ministre a déclaré ne pas partager les inquiétudes concernant les enseignements de spécialité, même si, reconnaît-il, il n'y a que 100 places pour la spécialité EATDD. Car pour lui, l'attractivité se joue également à travers d'autres possibilités offertes dans l'enseignement agricole, comme, par exemple, celle de pouvoir concilier études et sport de haut niveau. C'est également une "école inclusive", affirme Didier Guillaume. Ainsi, l'accueil des élèves handicapés, en augmentation, serait "largement supérieur à celui de l'Éducation nationale". 6 % des élèves, selon lui, bénéficient d'aménagements d'études, et depuis 2010, les élèves suivis dans le cadre d'un PPS (Projet personnalisé de scolarisation) ont été multipliés par 3, le nombre d'AVS (Auxiliaires de vie scolaire) par 10 et les crédits alloués pour le suivi des élèves handicapés par 7. Crédits qui doivent être augmentés de 27 % en 2020, indique-t-il, pour tenir compte des transformations en contrats AESH (Accompagnants d'élèves en situation de handicap). Par ailleurs, ce sont 210 classes et 850 postes qui ont été ouverts en 6 ans et l'enseignement agricole consomme 40 % du budget du ministère de l'Agriculture et "absorbe" 60 % des fonctionnaires de ce même ministère. "L'enseignement n'est pas la cinquième roue du tracteur mais le moteur du tracteur", a-t-il répondu à Pierre Ouzoulias.

Revoir le statut des directeurs d'établissements

Pourtant, la question des moyens a fait l'objet de plusieurs critiques de la part de la sénatrice Céline Brulin. Celle-ci a évoqué la suppression de 35 postes cette année, "qui va entraîner la dégradation des conditions d'accueil", "alors même que le nombre d'élèves augmente après des années de baisse", qui s'ajoute aux 20 supprimés à la rentrée 2018. En matière de moyens, celle-ci indique aussi, pour le domaine de formation de marin pêcheur, que seuls 12 lycées en France "permettent de recruter en pension complète". De même, "les exigences en termes de pêche durable ne sont abordées en formation qu'au travers des réglementations à respecter ou d'une courte sensibilisation en seconde, alors qu'elles devraient être pleinement intégrées au programme", regrette encore la sénatrice, qui a aussi critiqué la possibilité de "saucissonner" le stage de 5 semaines prévu dans le cadre du baccalauréat technologique "Sciences et technologies de l'agronomie et du vivant" (STAV). "Vous vous étiez engagés à revaloriser la grille indiciaire des enseignants de catégorie 3 et à ouvrir davantage l'accès aux concours. Or, je ne vois rien sur la grille indiciaire et seuls 50 postes ont été ouverts au concours ?", interroge de son côté la sénatrice Dominique Vérien (Union centriste, UC).

La question du statut des directeurs d'établissements a également été soulevée par divers sénateurs. Statut pour lequel le ministre dit avoir lancé une réflexion. Sur la question des personnels, le sénateur Pierre Ouzoulias a évoqué aussi "un besoin de reconnaissance", des personnels "trop nombreux dans la précarité" et dont les statuts d'emplois "leur interdisent toute mutation".

Pour travailler sur tous ces points, la sénatrice du groupe socialiste et républicain (SOCR), Marie-Pierre Monier, a de son côté suggéré la mise en place d'un groupe de travail pour produire un rapport qui serait basé sur un travail collectif et sur des retours du terrain.

Camille Pons

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