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Peut-on penser orientation sans sélection ? (Cercle des Amis de Jean Zay)

Paru dans Scolaire, Orientation le dimanche 13 octobre 2019.

Les Amis de Jean Zay organisaient ce jeudi 10 octobre leur première Soirée-débat de l’année sur le thème "sélection et orientation", un thème particulièrement d’actualité, comme le soulignaient les organisateurs "au moment de la réforme du lycée et des difficultés rencontrées par Parcoursup".

Les orateurs, Jérôme Martin et Jérôme Krop, spécialistes de l’histoire de l’éducation pour le premier et de l’orientation pour le second, ont rappelé qu’à la question initiale de la transition primaire-emploi, se sont ajoutées plusieurs autres problématiques, d'où, en 1937 les premières classes d’orientation de Jean Zay, avec comme ligne force "si on veut encourager tout le monde il faut des critères objectifs de sélection".

Ces premières réponses institutionnelles à la question de l’orientation arrivent tardivement en comparaison d’autres pays. Nouveau tournant en 1968, comme le rappelle l'historien Antoine Prost, avec le conflit De Gaulle - Pompidou, le premier souhaitant que le Plan définisse les besoins par filière quand le second souhaitait plutôt une transition naturelle entre orientation scolaire et orientation professionnelle dans un cadre scolaire. "Mai 68 balaiera le projet autoritaire" précise l’historien de l’Éducation. Avec "l’idée de projet", à partir des années 80 et la démocratisation, de nouveaux acteurs entrent en scène, notamment les parents puisqu'on en arrive récemment à leur laisser "la décision finale". Le projet est mis en avant, mais en réalité, les procédures restent administratives.

Un retour aux années 60

Le système français fait "qu’il n’y a pas de pratiques pédagogiques liées aux orientations" ajoute Jérôme Martin. À quoi s’ajoute pour cet auteur des inégalités et une orientation fortement sociales, "une démocratisation ségrégative fortement hiérarchisée (…) avec des académies où il est plus facile d’accéder au bac que d’autres."

Parcoursup et l’instauration d’un continuum -3, +3 amènent à faite interagir plusieurs acteurs (lycées-région-université) avec une orientation qui commence en seconde. Mais J. Martin estime qu' "on revient aux années 60 avec une orientation en fonction des notes et des bulletins. Tout le monde sait pourtant que les notes correspondent à un dispositif extrêmement fragile". Et il s'interroge : "les enseignants vont continuer avec la 'fiche avenir’, ce document destiné à approuver ou nuancer les vœux des lycéens ?"

Ces vœux s’inscrivent, selon une intervenante psychologue de l’université de Nanterre dans "l’idée que l’élève soit maître et non pas orienté, les CIO accompagnant l’élève dans ses choix. Beaucoup de jeunes sont aujourd’hui informés des stratégies, mais finalement les étudiants peuvent-ils vraiment choisir leur orientation ? Des parcours, des filières existent, des gens font psycho par exemple, ils arrivent à faire ce qui leur plaît sauf lorsqu’ils arrivent au niveau master et se heurtent au couperet de l’accueil ; c’est bien beau de leur permettre de faire des choix à partir de tests et de la prise en compte des leurs intérêts … mais la sélection arrive et ils doivent aller en Belgique pour poursuivre leurs études. Il y a aussi les 'sans fac' qu'on n'a pas les moyens d'accueillir (...). Qu’est-ce qu’une société qui forme dans l’accompagnement et qui en réalité ne donne pas les moyens de réaliser leur projet ?"

Une question posée à la société française

Avec la massification, l’orientation a changé. En 1958, c’est à 17 ans en moyenne que la question ne se posait plus pour l’institution scolaire. "Aujourd’hui, quand on pense jeunesse, on pense jeunesse scolaire, et pourtant des millions de jeunes ne sont pas en système scolaire. S’agissant des flux pour les bac pro et techno, la question de la poursuite d’études est posée. Une étude de cohortes montre que la proportion de ceux qui poursuivent en STS ou IUT diminue. Est-ce qu’on parie sur l’avenir ou est-ce qu’on va limiter la poursuite d’études ?" Quoi qu'il en soit, nous assistons à une profonde transformation de la société française. Le caractère évolutif des projets personnels est-il pensable à la même aune pour tous ?

Michel Delachair

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