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Connaître les résultats de la recherche permet-il aux enseignants d'être plus efficaces ? (Revue)

Paru dans Scolaire le mercredi 18 septembre 2019.

"La conception des formations d’enseignants repose en général sur l’idée qu’y faire connaître les savoirs issus de la recherche, qu’il s’agisse des contenus à enseigner ou des savoirs utiles pour enseigner - ceux qui concernent par exemple le développement des enfants et des adolescents, les facteurs qui influencent les divers apprentissages des élèves, l’enrôlement de ceux-ci dans les tâches, la réussite et l’échec scolaires -, inspirera ou modifiera leurs pratiques pour les rendre plus efficaces." Pour les coordonnateurs du dossier du dernier numéro de la revue de l’IFE-ENS, Jacques Crinon (Université Paris-Est-Créteil) et Alain Muller (Université de Genève), s'y ajoute souvent l’idée que la formation a pour mission de faire connaître les prescriptions institutionnelles qui traduiraient en "bonnes pratiques" l’état des savoirs à enseigner et pour enseigner. Mais, écrivent-ils, les travaux antérieurs sur ces questions obligent à être circonspect quant à l’appropriation des résultats de recherche et à l’adhésion aux préconisations qui en résultent : la circulation des savoirs entre l’univers de la recherche, la formation et le monde scolaire passe par des processus complexes de sélection, de "traduction" et d’ "intéressement".

Pour les deux universitaires, en ce qui concerne les savoirs ou les connaissances des enseignants, il a été démontré, depuis au moins 20 ans, qu’ils sont très loin de se réduire à ceux dispensés dans les instituts de formation. On a affaire à un véritable amalgame de savoirs de provenances diverses –vécu personnel, vécu scolaire, formation disciplinaire, formation professionnelle, textes institutionnels, expérience du métier, etc. -, dont l’hétérogénéité aboutit à la production bricolée par chacun d’un "univers syncrétique" de connaissances.

Selon Jacques Crinon et Alain Muller, la manière dont les praticiens, à titre individuel ou en tant que groupe(s) professionnel(s), se donnent implicitement leurs propres normes est le double fruit de processus de renormalisation ou de transformation des normes institutionnelles ou personnelles en fonction des contraintes, des situations et de compromis entre des normes concurrentes. Ainsi, les praticiens peuvent mettre plus ou moins l’accent sur des aspects différents de leur mission : socialiser les jeunes générations, transmettre les savoirs, faire des enfants des sujets. Ces processus de travail sur les normes trouvent aussi leur source dans les diverses modalités de prise en compte des élèves : sur quel "élève – modèle" cale-t-on son activité ? Mais également dans la façon de se situer par rapport aux autres acteurs de la scène scolaire et dans la nécessité de se faciliter les conditions d’exercice du métier.

Si donc les pratiques enseignantes quotidiennes reposent sur des savoirs et sur des normes, la nature de ces savoirs en usage et de ces normes redéfinies, leurs écarts avec les savoirs savants et avec les normes institutionnelles, le "comment" ils se constituent et se pérennisent, en lien avec des valeurs, avec la perception de ce qui est possible et de ce qui peut faciliter l’exercice du métier ou permettre d’être reconnu, méritent d’être analysés.

Cependant, ils préviennent : une telle entreprise ne va pas sans soulever plusieurs problématiques incontournables et entremêlées. Parmi les problématiques qu’ils mentionnent, on peut retenir celle de la dimension historico-sociale. Pour eux, toute enquête, qu’elle soit conceptuelle ou empirique, sur les normes et les savoirs à enseigner se déploie en un moment historique et, concernant le nôtre, dans une période de transformation profonde de la forme scolaire, d’effacement de sa clôture symbolique, de désinstitutionnalisation de l’école, de mutation des rapports à l’enfant au sein des familles, ayant pour conséquences une délégitimation des normes et des savoirs scolaires. D’autre part, normes et savoirs sont des objets socialement constitués. En quoi les normes varient–elles en fonction des différents groupes socio-professionnels : enseignants, formateurs, inspecteurs ... L’élève idéal ou l’enseignant idéal sont-ils les mêmes pour les enseignants et pour les inspecteurs ?

Quant à la formation, a-t-elle pour fonction "d’informer" les professeurs en formation des processus compliqués dans lesquels ils sont pris ? S’agit-il, plus profondément, de faire de ces processus des objets de formation, de travailler les conflits de normes et de savoirs en formation ? Les résultats des recherches sur les normes et les savoirs pour enseigner militent-ils pour une transformation des contenus de formation ou, plus fondamentalement, pour une transformation plus structurelle des institutions de formation et de leurs curriculums, trop souvent encore décalqués de la forme scolaire ? Permettent-ils de repenser l’alternance, les rôles des divers agents de la formation et ce serpent de mer qui hante les formations professionnelles depuis plus de 30 ans : l’articulation théorie – pratique ?

Savoirs et normes pour enseigner (revue Recherche et Formation, Ecole normale supérieure de Lyon-Institut français de l’éducation, ici)

Arnold Bac

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