Comment "enseigner avec les erreurs des élèves" ? (Jean-Michel Zakhartchouk)
Paru dans Scolaire le jeudi 05 septembre 2019.
"Voilà un livre particulièrement utile-il fourmille de propositions concrètes-mais qui n’est en rien "utilitariste" : loin de sacrifier à la mode de "l’école efficace"-qui fait l’impasse sur les finalités-, il fournit de nombreuses pistes pour l’action, mais en les articulant étroitement à un projet éducatif fort, un projet d’émancipation, aussi exigeant que particulièrement d’actualité." Ces quelques lignes concluent l’avant-propos de Philippe Meirieu au livre Enseigner avec les erreurs des élèves que publie Jean-Michel Zakhartchouk, agrégé de lettres modernes, qui a notamment exercé en collège ZEP, formé des enseignants et est membre du Cercle de recherche et d’action pédagogiques (CRAP—Cahiers pédagogiques).
Jean-Michel Zakhartchouk a bâti en grande partie "cet ensemble de réflexions et propositions" en s’appuyant sur de très nombreux témoignages d’acteurs sur leur façon de faire, de la maternelle au lycée et en formation d’enseignants. Les contributions d’acteurs, parfois échos d’un vécu très concret, parfois déclinaisons de séquences de classes, sont insérées dans un tout cohérent. À savoir que, loin de voir l’erreur comme une catastrophe, on "retourne le stigmate" et on en fait un levier pour apprendre. Et ce, en sachant que, d’une part, on ne peut travailler sur les erreurs des élèves sans considérer également le rapport des enseignants à l’erreur, rapport qui doit être l’objet de formations et de prises de recul. Et que, d’autre part, il convient de distinguer les cas où il faut en amont prévenir les erreurs, entre autres en mettant en place des automatismes et des alertes, des cas où il faut retravailler des erreurs conçues comme des étapes dans un apprentissage durable.
Pour l’auteur, concevoir autrement l’erreur a des implications majeures sur la manière d’enseigner et d’évaluer et un tel travail doit s’effectuer à la fois dans chaque discipline et de manière transversale. Il indique que c’est par commodité qu’il a découpé en plusieurs chapitres le "fil des disciplines", ce qui a conduit à en isoler certaines, ce qui ne veut pas dire qu’elles sont plus importantes. Mais, pour lui, il est vrai que le français et les mathématiques sont les matières qui connaissent un trop fort taux d’échec et où ce travail sur l’erreur est décisif.
Il est nécessaire, poursuit-il, d’intégrer à la réflexion sur l’erreur ce qu’apportent les sciences cognitives et de prendre en compte les phénomènes de désinformation et la dangerosité des fake news et des post-vérités.
Si , pour Jean-Michel Zakhartchouk, l’importance de la pédagogie est incontournable car elle implique la réflexivité et la mise permanente en question des façons d’enseigner, il tient à rappeler qu’il n’y a pas de recette magique et qu’il se refuse à fonctionner par slogans qui proclameraient qu’il suffit de changer le statut de l’erreur ou d’énoncer le droit à l’erreur pour que tout change, alors que les choses sont bien plus complexes.
Il s’agit bien, affirme-t-il, d’être exigeant, sans complaisance pour les erreurs. Mais avec bienveillance envers ceux qui se trompent, dont font partie les enseignants qui, à chaque heure de cours, peuvent faire des erreurs d’appréciation, de timing, d’organisation de l’espace, etc. Et il l’affirme aussi : le domaine éducatif, plus que jamais, doit échapper aux "solutions simples" qui sont, la plupart du temps, de fausses routes, donc… des erreurs.
"Enseigner avec les erreurs des élèves", Jean-Michel Zakhartchouk, ESF sciences humaines, 15,90€
Arnold Bac