Un tour du monde pour comprendre que l’éducation n’est pas une science exacte (Ouvrage)
Paru dans Scolaire le jeudi 05 septembre 2019.
Partir en Islande, en Finlande, au Danemark et en Suède, au Canada, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis, en Inde, à Singapour, à Hong Kong, au Japon et en Corée du Sud pour "faire le tour du monde de l’éducation", telle est l’aventure à laquelle Juliette Perchais, une jeune enseignante de français dans un collège de la banlieue parisienne, nous associe dans un livre intitulé "L’éducation n’est pas une science exacte".
Au bout de quelques années d’enseignement, Juliette Perchais a le sentiment d’avoir "à peu près tout testé" sans succès avec ses élèves, elle veut voyager pour "trouver ce que la France ne lui apporte pas". Le départ n’est pas facile puisqu’on lui refuse plusieurs fois de prendre un congé sans solde. Elle commente : "Malheureusement le manque d’enseignants mène à ce genre de réaction de court terme, ‘il faut garder nos professeurs en poste peu importent les raisons’, qui à long terme, contribuent précisément au désamour que connaît cette profession pourtant pleine de sens."
Montessori à la japonaise
On la retrouve dans une école Montessori à Tokyo : "La salle de classe est spacieuse, lumineuse et aérée. Les murs sont vierges de tout affichage, les ateliers sont rangés avec soin sur de petits plateaux en bambou… Les élèves évoluent dans cet environnement feutré avec calme et confiance." Et soudain, elle constate que l’enseignante apprend aux élèves à lire et à écrire comme dans l’enseignement traditionnel. Elle réalise qu’elle n’assiste "ni plus ni moins qu’à un cours magistral pour un nombre réduit d’élèves", loin de sa vision d’une "pédagogie de la libre découverte".
Son voyage l’emmène dans les pays scandinaves où "l’école se charge d’éduquer les enfants autant que de les instruire". Elle s’intéresse plus particulièrement au "cas suédois" : "Il y a une vingtaine d’années, ce pays suscitait l’attention et l’envie en symbolisant la réussite d’un système éducatif progressiste, dynamique et humain" mais depuis, l’école s’est ouverte à la privatisation, les Suédois ont y ont vu "l’occasion de faire progresser l’innovation pédagogique et les salaires des enseignants par la mise en concurrence". Erreur ! "Quelques années plus tard, la performance es élèves suédois s’écroule, faisant de son système éducatif un contre-modèle et un garde-fou contre la libéralisation de l’école".
PISA à quel prix ?
Comme le souligne Juliette Perchais, "le bien être des élèves n’est pas une priorité" à Singapour, Hong Kong, au Japon et en Corée du Sud. Transmission verticale du savoir, disposition traditionnelle des tables dans la classe, autorité et prestige de l’enseignant "extrêmement bien payé", pression "immense et constante sur les élèves"… L’auteure rapporte le commentaire d’une enseignante hongkongaise : "Nous préparons les jeunes à passer des tests tout au long de leur scolarité – bien sûr qu’ils réussissent PISA ! Mais à quel prix ?"
Autant dire que ce tour du monde de l’éducation pose plus de questions qu’il n’en résout et permet aussi à l’enseignante de s’interroger sur le système français et ses dernières tendances : "Si, comme l’appelle de ses vœux Stanislas Dehaene, on peut espérer qu’un jour les enseignants soient des experts en pédagogie, s’appuyant sur les données de la recherche fiables, comme les médecins sont des experts en médecine s’appuyant sur les données de la recherche en biologie, on peut se demander si cette analogie n’a pas ses propres limites". Elle s’étonne : "Comment expliquer que ce conseil scientifique créé par Jean-Michel Blanquer se dispense de l’avis d’enseignants en activité ?" Et d’en conclure : "Selon la formule, la connaissance c’est de reconnaître qu’une tomate est un fruit, la sagesse c’est de ne pas la mettre dans une salade de fruits. Le conseil scientifique lui, s’est arrêté à la connaissance ! L’expertise de terrain aurait pu le conduire à la sagesse..
"L’éducation n’est pas une science exacte", Juliette Perchais, Editions Kero, 17,50€.
Colette Pâris