"Toute intelligence exige une culture qui ne s’hérite que si on la recherche" (D. Kambouchner, ouvrage)
Paru dans Culture le mercredi 04 septembre 2019.
Comme l’écrit dans l’avant-propos de son livre "Quelque chose dans la tête", Denis Kambouchner, (Paris-I, spécialiste de Descartes), "ce livre se compose de deux essais qui se font écho l’un à l’autre. Le premier s’adresse à de jeunes lecteurs en même temps qu’à des plus âgés. Il part de l’expression courante 'avoir quelque chose dans la tête' et cherche sur plusieurs plans ce que cette expression peut vouloir dire (…) Le second essai, plutôt destiné aux aînés, parents, éducateurs s’intéresse à la transmission (…). Peut-on parler de crise de la transmission ?".
Une expression triviale donc reprise sur plusieurs plans et référencée différemment selon les différents lecteurs auxquels l’auteur s’adresse, c’est autant de touches possibles pour finalement approcher d’un "sens commun" que l’expression pourrait prendre. Les points de départs pour former son intelligence (sa tête) sont pluriels et les inégalités existent, il existe a fortiori non pas une mais des cultures. Un point commun les font toutefois se retrouver : "toute intelligence exige une culture qui ne s’hérite que si on la recherche." Cette recherche d’une "tête bien faite plutôt que bien pleine" a des points d’appui que sont les formes de l’intelligence dans tous les domaines et l'auteur évoque différents types d’intelligence (musicale, spatiale, kinesthésique, interpersonnelle et intrapersonnelle). "On a tort d’avoir uniquement mis en avant celles qui se rapportent à la logique et au langage".
En écho à cela, dans son second essai "Vous avez dit transmettre ?", Denis Kambouchner revient sur la notion de la fonction "surtout sélective" de l’école telle que l'a décrite Bourdieu et vise à déculpabiliser l’action pédagogique. II donne l'exemple, à propos de l’enseignement des lettres, de cette formule : "En montrant la richesse d’un texte, on renforce l’écrivain de génie et paralyse la faculté d’écriture ou de réécriture d'élèves qui manient mal les idées et plus encore les outils logiques." Pour D. Kambouchner au contraire, "une manière pédante de parler des œuvres est (certes) une injustice en soi (elle ne peut être acceptée que de quelques-uns), mais il y a aussi de l’injustice dans le fait d’en parler mal, comme dans celui de ne pas en parler du tout ; et montrer la richesse d’un texte revient à en parler bien." Il conclut : "Identifier les injustices est donc une chose ; autre chose, de faire porter sur 'l’action pédagogique' en général une suspicion indifférenciée".
"Quelque chose dans la tête, Nous avons perdu la culture de la mémoire : avons-nous gagner celle du jugement ?", Denis Kambouchner, éd. Flammarion, 140 p., 16 euros.
Michel Delachair