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Les futurs enseignants doivent être placés dans des situations authentiques sur le web pour être plus lucides pour évaluer l'information et l'enseigner à leurs élèves (recherche, G. Dumouchel, T. Karsenti)

Paru dans Scolaire le lundi 19 août 2019.

Les enseignants sont "majoritairement critiques face à l'information qu'ils trouvent sur le web", ils "l'évaluent avec une bonne diversité de critères", mais il faudrait les former à cette évaluation en les plaçant davantage "dans des situations authentiques sur le web où ils doivent se débrouiller et comprendre peu à peu les mécanismes de l'écosystème informationnel dans lequel eux et leurs élèves évoluent" : telles sont les observations que font deux chercheurs de l'université de Montréal qui se sont penchés sur les pratiques d'enseignants pour évaluer l'information sur le web. Gabriel Dumouchel et Thierry Karsenti, titulaire de la chaire de recherche sur les technologies en éducation au Canada, ont publiés en 2019 un article qui présente les résultats de cette étude intitulée "Comment les futurs enseignants du Québec évaluent l'information trouvée sur le web : une étude des pratiques déclarées et effectives".

L'étude de ces pratiques a concerné, au cours de l'année universitaire 2012-2013, des futurs enseignants issus des différents baccalauréats en enseignement de la faculté des Sciences de l'éducation de l'université de Montréal. Les chercheurs ont analysé les critères employés par ces futurs enseignants pour évaluer l'information, au regard de 16 critères d'évaluation qu'ils ont retenus comme pertinents au vu de la littérature scientifique sur le sujet. Les critères utilisés par ces futurs enseignants ont été observés par le biais de questionnaires mais aussi d'exercices de recherche et de traitement de l'information sur le web (ces derniers ont été réalisés par neuf volontaires finissants du BEPEP, baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire), et dont les réflexions orales ont été enregistrées dans le cadre de ces exercices. Deux modes de collecte qui permettait de pouvoir comparer des pratiques "déclarées" à celles qui sont réellement mises en œuvre en situation.

Des différences de pratiques selon s'ils se posent en étudiants ou en enseignant

Ce sont les différences observées entre ce que les enseignants disent mettre en pratique et ce qui a été observé à l'occasion des exercices, mais aussi leur analyse au regard d'autres travaux de recherche, qui ont motivé les principales recommandations des chercheurs. Si dans les deux cas, les futurs enseignants emploient fréquemment au moins 9 des 16 critères identifiés pour l'étude, ce ne sont globalement ni les mêmes, ni à la même fréquence dans les deux cas de figure. Ainsi, dans la partie "pratiques déclarées", la vérifiabilité, c'est-à-dire le fait de comparer une information avec d'autres, domine leurs réponses, suivies de près par l'utilisation de critères liés à l'auteur de l'information : son identification, sa crédibilité "réputée", c'est-à-dire vérifier son affiliation (par exemple si c'est une association reconnue ou un site gouvernemental), l'expertise de celui-ci (du point de vue de sa formation et de ses réalisations) et l'autorité de contenu, c'est-à-dire le fait d'accorder une plus grande confiance envers des documents comme les livres et les revues scientifiques. Cette propension à vouloir évaluer l'information selon ces critères est jugée d'ailleurs "encourageante" au regard de résultats obtenus par d'autres études à ce sujet où les futurs enseignants n'y faisaient pas appel.

Du côté des pratiques effectives, les futurs enseignants évaluent en revanche en premier lieu si une information peut servir en classe et, si oui, comment. Le critère de la "crédibilité réputée" n'arrive qu'en 5e position et celui de la vérifiabilité en 8e place, et ce sont les deux seuls critères communs avec ceux qui étaient "déclarés" être les plus fréquemment utilisés.

Pour les chercheurs, cette différence de critères employés reflète "la dualité informationnelle de leur formation initiale, où l'information évaluée doit servir tant dans leurs cours universitaires que dans leurs stages en enseignement" (les pratiques déclarées concernaient des critères s'appliquant davantage à leurs besoins dans des travaux de nature universitaire alors que les pratiques effectives s'appuyaient principalement sur "des aspects pratico-pratiques", tels que leur utilité à des fins d'enseignement et d'apprentissage).

Être confronté en formation à l'infopollution

Un "pragmatisme dont il faut tenir compte dans le cadre de leur formation", poursuivent les auteurs, qui estiment également utile de mener d'autres études. Par exemple, étudier comment les futurs enseignants évaluent l'information trouvée par l'entremise des médias sociaux parce que ces derniers placent des individus "dans un circuit d'information fermé (…) où règne une vision incomplète et biaisée de la réalité" (réseau d' "amis" qui partagent opinions et valeurs et à qui un algorithme offre un fil d'information conforme à leurs intérêts), et parce que ces médias sociaux sont souvent utilisés "en tant que vecteurs de faux contenus à des fins politiques ou mercantiles".

À ce titre d'ailleurs, Gabriel Dumouchel et Thierry Karsenti estiment nécessaires, dans le cadre de la formation, de davantage confronter futurs enseignants aux "infopollutions" et de leur apprendre "à en créer à des fins éducatives" pour qu'ils sachent mieux les "déceler" et soient "mieux préparés à enseigner comment les détecter". Il faudrait aussi qu'ils apprenent à maîtriser certains outils du web, comme Wikipédia, "afin de savoir comment l'information peut être créée puis diffusée et ainsi démontrer à leurs futurs élèves à quel point il importe d'être critique face à l'information qui se trouve sur le web".

Étudier les pratiques des enseignants en matière d'évaluation de l'information sur Internet répond à un enjeu important. Car les élèves, en très grande majorité depuis plus d'une décennie, passent "en premier lieu par le web et, plus particulièrement par Google, pour chercher de l'information dans le cadre de leur formation". Gabriel Dumouchel et Thierry Karsenti citent les résultats d'une étude internationale qui avait été réalisée auprès de 35 000 enseignants du secondaire en 2014. Si 92 % des répondants avaient affirmé se sentir compétents pour trouver des ressources utiles pour leur enseignement sur le web, la moitié à peine ont signalé "enseigner à leurs élèves comment évaluer la pertinence, la crédibilité et l'exactitude de l'information trouvée sur Internet". Et de "nombreuses études", dont une de Thierry Karsenti (et Simard, en 2016), "démontrent que leurs compétences réelles sont plutôt lacunaires puisqu'ils utilisent peu de critères quand ils doivent faire l'évaluation d'une information trouvée sur le web".

Les résultats de la recherche "Comment les futurs enseignants du Québec évaluent l'information trouvée sur le web : une étude des pratiques déclarées et effectives" - Gabriel Dumouchel et Thierry Karsenti, université de Montréal ici

Camille Pons

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