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Le tribunal administratif de Limoges annule la sanction d'un enseignant accusé de prosélytisme mais juge son enseignement inadapté à l'âge des enfants et au programme

Paru dans Scolaire, Justice le lundi 12 août 2019.

Un enseignant accusé de prosélytisme et déplacé d'office par son rectorat voit sa sanction annulée par le tribunal administratif de Limoges. Cette décision, dont ToutEduc s'est procurée une copie, a été lue en audience publique le 12 juillet 2019. En 2017, un professeur des écoles, Matthieu Faucher, avait été accusé par un courrier anonyme, "rédigé par des parents et grands-parents d'élèves" et envoyé en janvier 2017 à l'inspecteur chargé de sa circonscription, de "prosélytisme religieux" dans le cadre de ses cours donnés à des élèves de CM1 et CM2. Ce courrier avait donné lieu, dès le lendemain de sa réception, le 31 janvier 2017, à une inspection, puis à sa suspension le 27 février 2017, avant que la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours ne prononce à son encontre un déplacement d'office, de son école élémentaire de Malicornay (Indre), école à classe unique faisant partie d'un regroupement pédagogique intercommunal, à l'école élémentaire Condorcet à Issoudun. Une sanction que le tribunal administratif a jugé "disproportionnée par rapport aux faits reprochés et, par suite, entachée d'une erreur d'appréciation".

Le professeur des écoles a donc saisi le tribunal administratif pour demander l'annulation des arrêtés du 2 juin 2017 (le premier fait état de la sanction de déplacement d'office, le second de sa nouvelle affectation). En annulant le premier, le TA confirme aussi "l'illégalité" du second.

Un enseignement pour partie inapproprié en CM1-CM2 qui justifierait néanmoins des sanctions

C'est l'accusation de prosélytisme que fait notamment tomber le tribunal. Outre le nombre d'heures "modeste" consacrées à l'étude "des textes litigieux", celui-ci constate, au regard de la note d'intention pédagogique de l'enseignant qui détaille le contenu et les objectifs du cours dispensé, "que, pour l'essentiel, les questions posées par l'enseignant sur les textes bibliques étudiés avaient uniquement pour but de s'assurer de la bonne compréhension écrite des élèves et de situer ces textes dans un contexte historique, géographique ou philosophique". En outre, Matthieu Faucher avait indiqué lors de réunions de parents "son intention d'utiliser certains textes de la Bible comme support de son cours, projet qui n'avait alors fait l'objet d'aucune opposition".

Pas de prosélytisme mais en revanche le tribunal juge certaines présentations inappropriées pour des enfants de ce "jeune âge", manquant d'une mise en perspective, ou qui outrepassent le cadre des programmes, et constituent, à ce titre "des fautes justifiant une sanction disciplinaire". Ces observations concernent l'ensemble des textes bibliques que le professeur a exploité pendant son cours : un document composé de certains des premiers textes de l'ancien testament et de courts extraits des évangiles qui a servi comme "principal support" à des séances de cours de 7h au total en 2017 et l'année scolaire précédente, trois dictées de textes bibliques, 6 pages tirées du livre de l'exode parmi les extraits de littérature et de poésies à étudier au cours du cycle 3. Le TA rappelle dans son jugement que "si les principes de laïcité et de neutralité du service public de l'éducation nationale ne font pas obstacle, par eux-mêmes, à l'utilisation (...) d'un document à caractère religieux dans le cadre d'un enseignement s'inscrivant dans une approche historique, culturelle philosophique, littéraire ou artistique, ou portant sur l'étude du fait religieux, c'est sous réserve que cette utilisation soit adaptée à l'âge des élèves, qu'elle soit conforme aux contenus et objectifs des programmes scolaires".

Pas d'invitation préalable à modifier le contenu de son cours

Autre reproche du tribunal, le fait que cet enseignement "était circonscrit à la seule religion chrétienne et a outrepassé le cadre des programmes scolaires", même "s'ils ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à révéler que [Matthieu Faucher] a méconnu son obligation de neutralité ou a porté atteinte au principe de laïcité de l'enseignement public".

La sanction est également jugée disproportionnée au regard du parcours de l'enseignant. Celui-ci n'avait jusque là jamais fait l'objet d'une mesure disciplinaire et les trois rapports d'inspection précédents qui le concernent, tout comme les témoignages produits par des parents d'élèves et d'élus "relèvent de manière constante et concordante les grandes qualités professionnelles du requérant dans ses fonctions d'enseignant". Le tribunal s'étonne en outre que la rectrice n'ait pas, avant toute sanction, "invité [l'enseignant] préalablement à modifier le contenu de son cours". Si celle-ci est dès lors enjointe de réintégrer l'enseignant dans cette école (demande faite dans la requête), elle n'y est pas contrainte si cet emploi a été supprimé ou "substantiellement modifié" ou encore si l'intéressé y "renonce expressément". Le rectrice n'aura pas un délai de 10 jours demandé par le requérant, mais 2 mois pour exécuter cette injonction, et ne sera pas non plus soumise à une astreinte en cas de retard (l'enseignant demandait 150 euros par jour de retard).

Camille Pons

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