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Et si tous les élèves faisaient la sieste à l'école ? (Recherche, universités de Pennsylvanie et de Californie)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le lundi 12 août 2019.

Six chercheurs de l'université de Pennsylvanie et de l'université de Californie à Irvine, issus de plusieurs unités et départements différents (écoles de médecine, d'infirmiers, départements de biostatistique, épidémiologie et informatique, de criminologie, psychiatrie et psychologie, de sciences cognitives) ont mesuré les effets de la sieste, en milieu scolaire, non sur des enfants de maternelle, mais sur des élèves âgés de 10 à 12 ans. Les résultats de cette recherche plutôt originale ont été publiés le 28 mai 2019 au nom de la Sleep Research Society 2019 par Oxford Journals. Au regard des résultats observés sur une large partie des élèves concernés par l'étude, une sieste régulière augmenterait les capacités cognitives, favoriserait un meilleur bien-être psychique et réduirait les problèmes de comportement et affectifs. Pour eux, il serait intéressant d'intégrer la sieste dans l'horaire scolaire à tous les niveaux (préscolaire, primaire et même secondaire).

L'étude a été réalisée en s'appuyant sur les données d'une étude longitudinale chinoise (China Jintan Preschool Cohort Study), menée depuis 2005. Celle-ci vise à comprendre comment des éléments de santé précoce peuvent impacter dans la durée la santé physique et mentale d'enfants et d'adolescents observés depuis la maternelle. Les six chercheurs ont analysé les données du sommeil nocturne et de la sieste post-déjeuner (fréquences et durées hebdomadaires) collectées entre 2011 et 2013 chez 2928 enfants chinois, scolarisés en écoles élémentaires dans les trois derniers niveaux que celle-ci inclut (avec une répartition équilibrée garçons-filles et dans deux écoles rurales et deux en zone urbaine). En croisant également avec des variables socio-démographiques (sexe, âge, niveaux d'éducation des parents), le temps de sommeil la nuit, des tests de QI conduits en laboratoire, des auto-évaluations d'élèves faites en classe sous la supervision d'un assistant de recherche et des questionnaires remplis par les enseignants, ils ont analysé quatre principaux effets : sur l'émotion et le comportement, sur les capacités cognitives, sur le bien-être psychologique et sur le métabolisme.

L'étude en Chine était pertinente car la sieste y est une pratique habituelle, pour tous les groupes d'âge, et la plupart des établissements scolaires publics (et toutes dans le district où les enfants ont été observés) offrent une large coupure au temps du déjeuner (11h10-13h25) pour fournir un temps suffisant pour la sieste, compris en moyenne entre 1h et 1h30 (même si ce temps varie selon les individus). L'ensemble de la démarche a été conduite sans que ni les élèves, ni les enseignants ne soient informés des hypothèses posées au départ.

Dormir souvent dans la semaine et au moins une demi-heure améliorerait les capacités cognitives

Parmi les principaux résultats, les chercheurs observent que la fréquence (au moins trois fois par semaine), comme la durée des siestes (au moins une demi-heure) ont des impacts bénéfiques sur les capacités cognitives, notamment la compréhension orale, et sur les résultats scolaires, dans toutes les classes. Et ces bénéfices augmentent lorsque fréquence et durée sont combinées. À titre d'exemple, les bénéfices les plus importants concernant la réussite scolaire sont observés chez les élèves en dernière classe d'élémentaire. Ainsi, les enfants qui font la sieste au moins 3 fois par semaine et en moyenne plus d'une demi-heure, augmentent leurs résultats de 7,6 %, par-rapport aux "non-dormeurs". Ce meilleur rendement peut même atteindre +8,2 % chez des élèves qui dorment 5 à 7 fois par semaines. Des résultats qui "restent significatifs", écrivent les chercheurs, même après avoir ajusté les mesures en prenant en compte leur niveau de classe, le niveau d'éducation des parents et les écoles.

En revanche, rien ne permet de faire d'association évidente entre fréquence et durée des siestes et performances aux tests de QI. L'effet moins important ou nul sur les caractéristiques de l'intelligence individuelle (tests au QI) que sur les capacités cognitives ou "l'intelligence appliquée", (sur les résultats scolaires au quotidien), pourrait s'expliquer, de manière relative, par le fait que la première dépend davantage de la contribution génétique par rapport à l'autre, écrivent les chercheurs qui évoquent d'autres facteurs possibles. Ces derniers pointent également du doigt les mesures approximatives du sommeil (absence d'un électroencéphalogramme qui aurait permis de repérer les fuseaux de sommeil), alors que des études antérieures ont montré des corrélations entre fuseaux de sommeil et mémoire verbale, mémoire visuelle et spatiale, l'attention...

Des effets sur le bien-être jusque là rarement étudiés

Les chercheurs se sont aussi intéressés aux effets de la sieste sur le bien-être, notamment sur la maîtrise de soi ou self-control, sur la joie, et sur l'endurance ou le courage (dernier aspect jamais étudié selon eux). De manière globale, ils observent des liens significatifs entre faire la sieste et être plus joyeux, plus endurant, la maîtrise de soi, la réduction des problèmes de comportement à l'école (cette dernière l'étant d'autant plus chez ceux qui font aussi de longues nuits de sommeil). Ces effets sont d'autant plus importants, comme pour les aspects cognitifs et de réussite scolaire, lorsque sont combinées fréquence de sieste importante et durée égale ou supérieure à 30 minutes.

Alors qu' "en Chine, faire la sieste est une pratique courante et reconnue comme étant une manière de faciliter aux enfants l'acquisition de connaissances et de construire leurs propres ressources", les chercheurs regrettent que dans les pays de l'ouest, la sieste chez les enfants plus âgés soit "perçue négativement". Et ce, d'autant que la sieste ne présente apparemment pas de risques d'augmenter des problèmes de santé, même si des mesures, sur des élèves en dernière classe, d'indices de masse corporelle et de concentration de glucose, n'ont pas permis d'obtenir de résultats significatifs concernant les apports ou les risques de faire la sieste sur le métabolisme.

Selon les chercheurs, le manque de sommeil est un sujet de santé publique important. Il y aurait, dans le monde, un tiers d'enfants qui ont des difficultés avec le sommeil. Environ 15 à 20 % d'enfants rapporteraient avoir de très fortes envies de dormir en journée, taux qui semble être similaire chez les adolescents, voire plus élevé.

Les chercheurs soulignent néanmoins que leur étude comporte des limites et la nécessité "de mener des recherches approfondies et à plus grande échelle pour déterminer l'influence décisive des effets de la sieste".

La recherche "Midday napping in children: Associations between nap frequency and duration across cognitive, positive psychological well-being, behavioral, and metabolic health outcomes", en anglais ici

Camille Pons

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