Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

L'orientation "moins ambitieuse" des lycéens des quartiers prioritaires s'explique davantage par leur surreprésentation en filière professionnelle que par un "effet quartier" (note d'information, MESRI)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 01 août 2019.

Les lycéens des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) émettent moins souvent un vœu de poursuite d'études supérieures sur APB (plateforme "Admission Post-Bac", modifiée et devenue depuis ParcourSup) que les autres, ils choisissent moins souvent une CPGE comme premier vœu, le BTS est la première des filières auxquelles ils postulent et, à filières de baccalauréat identiques, ils postulent plus souvent pour une licence que ceux des autres quartiers, seule filière post-bac à l'entrée non sélective. Une étude, publiée dans la note d'information de juillet 2019 du SIES (Systèmes d'information et des études statistiques), a analysé les différences de stratégies d'orientation vers le supérieur entre élèves issus de ces quartiers, qui montrent visiblement "des aspirations plus faibles pour [leur] orientation scolaire et [leurs] études supérieures" et les autres. L'étude a surtout cherché à déterminer si cette différence d'orientation est "seulement liée au cursus scolaire" ou si d'autres facteurs, notamment l'origine sociale et le lieu de résidence au moment du lycée, peuvent exercer "également une influence". Des "effets" quartiers semblent être effectivement à l'œuvre dans l'orientation mais c'est surtout le cursus scolaire, notamment une tendance plus forte que les autres élèves à investir la filière professionnelle au lycée, qui semble impacter davantage sur les choix d'orientation.

La situation sociale peut en effet expliquer en partie certains écarts, observe le service statistique du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et de l'Innovation (MESRI). Ainsi, la proportion plus importante de ces jeunes à ne pas émettre de vœu sur APB par rapport aux lycéens des autres quartiers des unités urbaines englobantes (12 % contre 6,8 %) pourrait s'expliquer par "des coûts supplémentaires, en plus des frais d'inscription, notamment lorsque l'établissement est éloigné du logement familial (coûts de logement ou du transport importants)" que peuvent impliquer des études supérieures. Le frein financier peut également expliquer en partie la prévalence d'une orientation en BTS - tous baccalauréats confondus, le BTS est la première des filières visées par les lycéens des QPV, à hauteur de 40 % - parce que ces études "paraissent plus 'sûres' et 'à débouchés', par opposition aux filières universitaires plus longues".

Moins de postulants en CPGE : moins bonne estime scolaire, freins financiers ?

Situation sociale ou effet quartier peuvent aussi expliquer en partie l'écart observé dans les candidatures aux CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles). Les lycéens des QPV choisissent en effet moins souvent une CPGE comme premier vœu (8,6 % contre 15 %). Si le plus faible niveau scolaire pourrait expliquer en partie cette d'orientation plus "rare" - alors que cette filière post-baccalauréat est la plus sélective, seuls 12,2 % des élèves des QPV ont une mention "bien" ou "très bien" au baccalauréat, contre 26,6 % chez les autres -, la tendance ne saurait ce réduire à cet "unique" indicateur, peut-on lire dans la note. Car même les bons élèves des QPV postulent moins pour ces cursus que les autres (20,2 % contre 24,4 % pour les bacheliers mention "bien" et 36,8 % contre 44,9 % pour les bacheliers mention "très bien"). Or, les CPGE "peuvent impliquer des frais de scolarité trop élevés" et préparent à l'entrée des grandes écoles et sont donc sont synonymes d'études longues.

Le SIES identifie aussi un phénomène d'auto-censure lié à une "moins bonne estime de soi scolaire" dont souffrent ces élèves alors que la CPGE "peut être perçue comme une classe 'd'élite' ". Ce frein social pourrait aussi expliquer qu'à filières de baccalauréat identiques, en général et technologique, les lycéens des QPV postulent plus souvent vers une licence que ceux des autres quartiers qui vont plus fréquemment que les premiers opter pour des formations sélectives (DUT par exemple).

Les effets de la surreprésentation en filière professionnelle sur leurs choix et les propositions qu'on leur fait

Mais au-delà de ces effets, ces orientations seraient davantage imputables, selon le SIES, aux cursus scolaires. Ainsi, l'une des caractéristiques fortes de ces élèves est qu'ils sont surreprésentés en filière professionnelle. D'où le choix plus fréquent de candidatures en filière de BTS car "elle permet de spécialiser ses étudiants à court terme dans une voie professionnelle précise". Cette surreprésentation serait aussi de nature à expliquer un plus fort taux d'absence de vœux car cette dernière est plus fréquente chez les lycéens en bac professionnel.

De même, "plus qu'un 'effet quartier', c'est d'abord leur surreprésentation dans ces filières professionnelles (…) qui contribue au risque plus important pour un jeune des QPV de se retrouver sans proposition à l'issue de la procédure normale", écrit encore le SIES (35,7 points de chance en moins d'avoir une proposition). Ainsi, "une fois contrôlées les caractéristiques individuelles des élèves - notamment les effets liés à la filière du baccalauréat ou au niveau scolaire -, un lycéen résidant dans un QPV a autant de chance, à l'issue de la procédure normale, de se voir proposer au moins une filière, par rapport à un élève d'un autre quartier".

Moins diplômés et davantage au chômage

La note d'information rappelle que dans ces quartiers caractérisés par une concentration urbaine de la pauvreté, les jeunes sont moins diplômés (54 %, en 2013, atteignent un niveau d'études au moins équivalent au bac contre 77 % de ceux des quartiers des unités urbaines englobantes) et que leur taux de chômage à la sortie de formation initiale, même s'il diminue lorsque le niveau d'études s'élève, reste supérieur à celui des autres.

Cette étude a été réalisée à partir des vœux émis sur la plateforme APB et des propositions obtenues en 2016, en comparant les élèves résidant dans ces quartiers et ceux vivant "en unités urbaines englobantes" et en s'appuyant sur divers travaux, dont ceux de l'ONPV (Observatoire national de la politique de la ville). Le champ d'étude a porté sur 625 000 inscrits de France métropolitaine (sur près de 628 000 élèves qui étudiaient en terminale). Les données exploitées contenaient aussi les critères sociodémographiques des candidats (âge, sexe, lieu de naissance...), les informations sur leur scolarité dans le secondaire (telles que leur filière et leur réussite au baccalauréat). Le SIES a utilisé la modélisation logistique, méthode qui permet de déterminer les facteurs qui ont une influence propre sur un phénomène et de mesurer l'effet de chaque facteur de façon isolée.

Si l'étude conclut à une stratégie "essentiellement attribuable au cursus scolaire", il serait intéressant de voir, à travers une autre étude, si des "effets quartier" peuvent jouer aussi sur l'orientation dans le secondaire, donc sur la surreprésentation de ces jeunes en filière professionnelle.

La note d'information de juillet 2019 ici

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →