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12es Assises de la Protection de l'Enfance : faut-il créer une nouvelle agence pour améliorer la gouvernance du système ?

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Justice, Orientation le lundi 08 juillet 2019.

Faut-il créer une nouvelle agence pour améliorer le pilotage et la gouvernance de la Protection de l'Enfance ? Cette question a été soulevée par le président de la commission Solidarités et affaires sociales de l'Assemblée des Départements de France (ADF) et président du Conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, ce jeudi 4 juillet 2019. Celui-ci réagissait à l'intervention du secrétaire d'État à la protection de l'Enfance, Adrien Taquet, qui a déclaré souhaiter "développer une culture de l'évaluation et de la performance", culture qui concernera notamment "la qualité des prises en charges" et, à ce titre, vouloir mettre en œuvre un organisme d'appui technique pour notamment faciliter le partage de référentiels, d'outils et de pratiques. Le secrétaire d'État est venu présenter ses orientations et les mesures en cours et à venir aux 12es Assises de la Protection de l'Enfance, qui se sont déroulées du 4 au 5 juillet à Marseille et ont réuni quelque 2000 participants. "Il ne faut pas réinventer la Lune", estime Frédéric Bierry. "Si une nouvelle agence permet d'avoir les moyens de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) - qui dispose d'un budget de 26 milliards d'euros - alors que le budget de la Protection de l'enfance est de 8 milliards, je signe tout de suite ! Dès qu'on a un problème en France, on crée une agence. Aujourd'hui nous avons 1200 agences qui coûtent 50 milliards d'euros."

C'est en effet l'une des orientations que le secrétaire d'État juge prioritaires : "réformer le pilotage et la gouvernance de la protection de l'enfance", afin de "réduire l'hétérogénéité des pratiques de prises en charge". Dans ce cadre, il souhaite réfléchir à la mise en place d'un "organisme d'appui technique" qui pourrait notamment œuvrer à l'élaboration de référentiels et outils communs, et à diffuser les connaissances et les bonnes pratiques. Il a déclaré à ce titre avoir demandé à l'ARS de "conduire une démarche similaire à celle installée à l'hôpital". Pour Frédéric Bierry, en revanche, il serait plus judicieux de s'appuyer sur les institutions existantes "qui ont du sens", et "d'optimiser les outils" dont on dispose déjà "pour répondre à une bonne partie des questions".

Cette annonce a en revanche été bien perçue par le président de l'Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES), Jean-Marie Vauchez. "Un travail sur la qualité me semble être de nature à nourrir nos repères", a-t-il déclaré. "Et cela permettrait de dire ce que l'on fait, et clairement." Pour lui, il serait également "intéressant d'avoir un pilotage adossé à une formation". "On a besoin de spécialistes", estime le président de l'ONES, pour qui ce serait l'occasion alors de "construire ce fameux corpus propre à la Protection de l'Enfance sur lequel on pourrait s'asseoir".

Des professionnels qui ont besoin de mieux connaître les effets de leur intervention

Quant aux questions auxquelles répondre, comme le souligne Frédéric Bierry, ce sont celles qui ont été soulevées lors de ces assises organisées sur le thème "#besoinderepères" : des repères à construire dans le cadre de la nouvelle loi de 2016, qu'ils soient identitaires, affectifs, juridiques... du côté des enfants qui doivent être protégés, qu'ils donnent un sens à l'action, un cadre de réflexion et d'intervention, des outils, des référentiels... du côté des adultes qui doivent protéger. Un thème justifié par le contexte, souligne le directeur général de l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale), Didier Lesueur, alors que "la loi du 16 mars 2016 demande de centrer les interventions à partir des besoins de l'enfant" et que la protection de l'enfance a pour "toile de fond" une société "en profonde mutation", ce qu'elle n'a jamais connue dans son histoire, "à la fois par son ampleur et sa rapidité".

Une enquête de l'ODAS, présentée par la chargée d'études Marie-Agnès Féret, confirme ce besoin de repères. Les sondés - 1300 répondants, principalement des travailleurs sociaux, sur 10 000 destinataires de questionnaires - remontent en effet que "ce qui vient brouiller les repères" aujourd'hui sont "les modes de management" et "les réorganisations internes". L'enquête montre aussi, au-delà du fait que "la question des moyens financiers est devenue essentielle pour tous", le besoin d'un cadre et d'un référentiel, y compris en termes législatif et réglementaires, ainsi que de ressources documentaires, et qu'ils sont quasi-unanimes à vouloir mieux connaître les effets de leur intervention. Un dernier "besoin" qui constitue, selon la chargée d'études, "une bonne raison de se rapprocher de la recherche".

Prioriser les budgets vers les PPE ?

Les problèmes de moyens ont été soulignés lors des échanges : les professionnels de l'ASE, par exemple, font aussi des entretiens téléphoniques pour le suivi des enfants, des enfants "sans solution" comme dans le Bas-Rhin, où cela touche 100 d'entre eux, faute de places en ITEP (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) ou encore en IME (Institut médico-éducatif), des budgets non priorisés selon Jean-Marie Vauchez qui estime qu'on devait notamment les flécher vers le PPE (Projet pour l'enfant), "outil qui est censé donner le fil rouge". Celui-ci a calculé qu'il faut, pour celui-ci, 10 heures de mise en place et 20 minutes ensuite par semaine pour le suivi. À ce titre, il faudrait donc, selon lui, que l'on multiplie globalement par deux les services de l'ASE. S'ajoutent d'autres difficultés : des injonctions paradoxales faites aux travailleurs sociaux ; la difficulté réelle à mettre en œuvre des textes alors que l'on observe des délais de deux ans entre la remontée d'informations préoccupantes et les mesures judiciaires ; des "déstabilisations" introduites par la loi de 2016. Ainsi, le Département devient chef de file, "belle étiquette mais extrêmement difficile à mettre en œuvre", observe Jean-Marie Vauchez, car il faut avoir une connaissance fine du territoire et une organisation managériale, et les associations, "qui avaient une place d'initiatrices des politiques publiques depuis la guerre", vont occuper désormais une "place d'opératrice" via l'instauration du principe d'appel à projets, transformation qui, selon lui, "impacte le sens" de leur travail.

D'autres mesures en cours ou à venir ont été présentées ce jour là par Adrien Taquet (lire ici). Renforcer la formation commune des professionnels ou encore, toujours dans le domaine de la formation, "permettre aux magistrats, par une spécialisation, de mieux être armés pour veiller à la protection de l'enfance", figurent également parmi les orientations prioritaires du secrétaire d'État. Celui a également lancé il y a deux mois, pour tenter de corriger "un système qui prévient mal" et "une intervention avant le placement insuffisamment développée", une conférence de consensus qui donnera lieu à des recommandations en la matière dès décembre 2019. En novembre, un comité de mise en œuvre sera installé pour assurer le suivi de toutes ces mesures.

Camille Pons

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