"Les enseignant.e.s de maternelle sont inquiet.e.s, pas nous, nous sommes dans nos convictions" (AGEEM, interview exclusive)
Paru dans Petite enfance, Scolaire le lundi 08 juillet 2019.
Le 92ème congrès des enseignants des écoles et classes maternelles publiques s'est achevé le 5 juillet à Port-Marly (Yvelines), il avait pour thème "Osons les arts, semons des graines de culture" et il a notamment vu intervenir Viviane Bouysse (IGEN), Jean-Marie Schaeffer (EHESS), Christine Bolze (Lyon-2), Anne-Diaz-Chiaruttini (université de Nice-Sophia Antipolis), Cora Cohen-Azria (université de Lille), Alain Kerlan (Lyon-2), Marie-Eve Penancier, Yves Soulé (université de Montpellier), Joëlle Gonthier (plasticienne). Maryse Chrétien est présidente de l'AGEEM (voir ToutEduc ici).
ToutEduc : A quoi servent ces congrès ?
Maryse Chrétien : Outre notre assemblée générale statutaire, c'est pour tous nos collègues un temps de formation. Ils - elles sont des gens passionnés par leur métier, militants d'une école maternelle de qualité, ils sont exigeants, et demandeurs de formation. Notre congrès est d'ailleurs reconnu ... jusqu'au Japon puisqu'une enseignante japonaise a obtenu de son administration de venir tous les ans pendant 5 ans avant de former à son tour ses collègues. Cette année, chacun peut construire son parcours entre conférences, salon des éditeurs, agora, discussions sur les travaux et les productions exposées et avec nos collègues venus d'Algérie, du Cameroun, de Belgique.
ToutEduc : Les enseignants de maternelle sont-ils inquiets ?
Maryse Chrétien : Oui, mais pas nous, nous sommes toujours dans nos convictions et nous leur faisons confiance pour continuer d'accorder toute leur importance aux démarches artistiques que nous avons mises au coeur de notre congrès cette année, et pour ne pas tomber dans des apprentissages fondés sur des listes de sons ou de mots, sur des leçons de phonologie ou de vocabulaire, mais au contraire faire en sorte qu'ils aient toujours du sens.
ToutEduc : Pouvez-vous préciser ?
Maryse Chrétien : Travailler sur les sons, oui, bien sûr qu'il le faut, mais avec des comptines ; sur le vocabulaire, également, mais à l'occasion d'activités. Deux écoles ont interprété une production musicale et théâtrale avec les structures Baschet, d'ailleurs devant la rectrice de Versailles qui a été sidérée du degré d'autonomie acquis par ces enfants, depuis la toute petite section jusqu'à la grande section. Les enfants ont travaillé sur des costumes et ils savent ce qu'est une redingote, et quel est le métier du costumier...
ToutEduc : Est-ce conforme aux "recommandations" que vient de publier le ministère ?
Maryse Chrétien : Nous faisons confiance aux enseignants pour s'en emparer avec bon sens, sans "primariser" l'école maternelle. Mais nous ne sommes pas dans la polémique. Nous comptons sur "la quinzaine de l'école maternelle" pour montrer ce que nous faisons. Les deux dernières semaines de novembre, chacun.e trouvera la bonne forme, portes ouvertes, conférences, tables rondes, invitation aux élus, aux parents... pour expliquer nos démarches, pour dire et démontrer par l'exemple.
ToutEduc : Tout va dépendre des inspecteurs, selon qu'ils vont souhaiter voir mises en oeuvre les "recommandations" à la lettre ou non...
Maryse Chrétien : Nous ferons une synthèse au mois de janvier des remontées que nous aurons du terrain.
ToutEduc : L'abaissement à 3 ans de l'obligation d'instruction vous inquiète-t-il ?
Maryse Chrétien : Le problème posé est celui de la qualité de l'accueil l'après-midi. Si c'est pour faire la sieste dans le couloir, les enfants sont mieux chez eux. Les conditions varient d'une école à une autre. Certains aménagements demandent l'intervention de la collectivité locale, en termes de locaux, de matériel, de formation des ATSEM. Il est urgent de se mettre autour de la table, de discuter avec les élus, les parents, pour trouver ensemble des solutions.
ToutEduc : Cela prend du temps....
Maryse Chrétien : J'en ai assez qu'on aille trop vite ! A vouloir gagner du temps, on en perd.
ToutEduc : Comment se porte l'AGEEM ?
Maryse Chrétien : L'association générale des enseignants des écoles maternelles publiques se porte bien. Elle garde le même nombre d'adhérents, quelque 50 % des enseignants de maternelle, auxquels s'ajoutent cette année quelque 600 stagiaires des ESPE, ce qui est très important pour l'avenir. Et chaque année, notre congrès donne une image de la réalité de l'école maternelle française. Le G7 éducation aurait été le bienvenu, si les ministres des autres pays développés voulaient avoir une idée de ce que peut réussir la pré-scolarisation.