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"On joue ensemble" : un "lieu passerelle" dans l'école invite parents et enfantsà reprendre confiance en l'institution

Paru dans Scolaire le lundi 01 juillet 2019.

Depuis 9 ans maintenant, tous les jeudis de 8h30 à 9h30, un préfabriqué de l'école maternelle de Villard-Benoît à Pontcharra, dans l'Isère, est ouvert non pas à des cours, non pas à des réunions ou encore à des temps d'études ou de soutien, mais aux jeux, à partager entre parents, enfants et un réseau de professionnels coordonné par la rééducatrice du RASED (Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté) qui est à l'origine du dispositif, Maryse Charmet. "On joue ensemble" est un rendez-vous singulier : parce que n'importe qui peut venir jouer, sur du temps scolaire, sans s'inscrire au préalable et rencontrer ainsi, hors de moments plus formels, d'autres parents et des professionnels, notamment médico-sociaux, comme la rééducatrice ou des assistantes sociales, et échanger progressivement sur ses difficultés, ses attentes... C'est ce qui a motivé le dispositif d'ailleurs, qui était présenté vendredi 28 juin 2019 à l'occasion du 34e congrès de la FNAREN (Fédération nationale des associations des rééducateurs de l'Éducation nationale), qui s'est déroulé à Limoges du 26 au 29 juin 2019 : rapprocher les parents de l'école et de l'aide médico-sociale, dans un cadre ludique et informel, alors qu'il y a 10 ans, Maryse Charmet, qui travaillait en prévention, notamment avec les 4 ans (moyennes sections) observait "un gros problème d'absentéisme" et "donc un gros décalage au niveau des apprentissages et un problème d'accès à la langue française, et ce d'autant que ce n'était pas obligatoirement leur langue maternelle".

Expérimenté dès la rentrée 2010, 10 ans plus tard le dispositif a permis une baisse des "informations préoccupantes" (alertes faites au président du conseil départemental sur la situation d’un mineur), constatée depuis déjà deux ans par les services sociaux, rapporte la rééducatrice. Il a aussi permis de "pacifier les relations école-famille".

À l'origine, le constat d'infrastructures d'aide éloignées

C'est un réseau de partenaires médico-sociaux qui va faire vivre le dispositif, réseau né lui aussi d'un contexte particulier : "dans une ville marquée par une histoire ouvrière, où des usines ont fermées, où il y a des logements sociaux, où chaque école a son étiquette, dans une école qui regroupe une population très hétérogène, qui aurait pu être classée REP mais ne l'est pas parce que le collège ne l'est pas, et où toutes les infrastructures d'aides ont fermé et ne sont accessibles qu'à 20 ou 30 km de là, alors que les familles ne se déplacent pas", décrit la rééducatrice. Pour tenter de pallier ce problème d'accès, celle-ci initie un travail avec les partenaires encore présents à l'époque, au travers de rencontres régulières : personnels du RASED, assistantes sociales du Conseil départemental, PMI, médecine scolaire, aide sociale à l'enfance.

"C'est là qu'a été portée la situation de l'école et fait le constat que des familles avaient besoin d'aide et de conseils, pour faire respecter les temps de sommeil, pour l'autorité, poser des limites, etc.", raconte Maryse Charmet. "Mais même en les orientant vers les permanences de la PMI, nous savions qu'elles n'iraient pas y discuter des difficultés qu'elles rencontraient à la maison. Il fallait créer un lieu passerelle, un espace de rencontre qui désacralise l'institution." S'il existait déjà les Cafés des parents, l'idée n'est pas retenue, "parce que cela correspond davantage à des gens déjà capables de s'asseoir ensemble et de discuter". Quant à l'idée du jeu, elle est liée au métier de la rééducatrice à l'origine du dispositif, dont la médiation passe principalement par le jeu. Et "parce qu'on peut oser, sans trop se montrer, se dévoiler", explique la rééducatrice. D'où sa place au congrès de la FNAREN consacré cette année au thème "Jouer, rejouer, déjouer… enjouer : le jeu au cœur de l'aide rééducative / relationnelle à l'école".

Ce qui a marché ? "Le plaisir", répond Maryse Charmet. "C'est un espace où l'on rencontre des professionnels mais sécure, et où on ne va pas être jugé. En jouant, on est en confiance et on va pouvoir aborder des questions difficiles à aborder à l'école. C'est aussi une façon de se reconnaître dans la difficulté de l'autre, donc de dédramatiser. On a construit un espace où on s'essaye à d'autres relations avec les autres. Cela permet la diversité des rencontres, de tisser et renforcer des liens sociaux." Et la parole s'est libérée progressivement.

Dépôt de marque pour que le rôle essentiel du rééducateur y soit préservé partout

D'abord organisé par roulement, une section par trimestre jusqu'au cycle 2, "On joue ensemble" s'est ouvert à la 3e rentrée à toutes les sections toute l'année, soit les familles de 6 classes, face à une forte demande des parents. La même année, il était intégré au projet d'école. Le réseau de professionnels présents s'est ouvert à des bibliothécaires, des techniciens de l'intervention sociale et familiale (TISF), la directrice de l'école depuis 4 ans qui, depuis cette année, prend la classe de l'une des six enseignantes une fois par mois pour que l'une d'entre elles puisse participer à la rencontre. En moyenne, plus d'une trentaine de parents, enfants et professionnels, participent à divers jeux de table, pâte à modeler, construction, jeux d'imitation, puzzles... Le temps de jeu se finit par un temps de lecture d'une histoire qui réunit tout le monde.

Au-delà de la "disparition des situations préoccupantes", la rééducatrice cite plusieurs indicateurs qui montrent que "les relations école-familles ont vraiment changé" : "les parents s'investissent davantage dans les activités, pour accompagner ; dans les réunions, ils ont vraiment pris leur rôle de parents d'élèves ; on constate aussi une évolution aux participations aux élections, où même des parents éloignés de l'école se sont inscrits sur les listes ; on le voit à travers les témoignages des parents ; les enseignantes sont unanimes, les relations avec les parents ont changé, ils évoquent avec elles des problèmes plus facilement, la confiance est installée ; et en dehors de l'école, la ludothèque a vu sa fréquentation augmenter en masse !"

Alors qu'il avait déjà essaimé dans d'autres départements, y compris jusqu'à Tahiti, le dispositif a eu son nom déposé à l'INPI (Institut national de la propriété industrielle) en avril 2018. "Pour qu'il garde sa singularité : qu'il soit dans l'école, sur le temps scolaire, que l'on conserve les rééducateurs qui sont l'âme du dispositif, qu'il réunisse tous les partenaires et qu'il ne soit pas piloté depuis un bureau", explique Maryse Charmet. La rééducatrice avait notamment été auditionnée pour le rapport de Jean-Paul Delahaye "Grande pauvreté et réussite scolaire", et elle a reçu en 2013 le grand prix du public au 6e forum des enseignants innovants.

Camille Pons

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