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L'enseignement agricole prend le risque des "questions socialement vives" (Dossier de l'IFE)

Paru dans Scolaire le jeudi 27 juin 2019.

"Les modalités mises en place dans l’enseignement agricole peuvent être le point de départ de réflexions et de transformations dans bien d’autres formations", estime Anne-Françoise Gibert au terme du dossier de veille "Enseignement agricole : enseigner autrement" que publie l'IFE. L'auteure montre en effet, tout au long de son dossier, à la fois l'originalité historique de cet enseignement et les nouvelles questions auxquelles il est confronté avec l'agro-écologie. Celles-ci sont loin d'être purement techniques.

Depuis 2014, l’enseignement agricole est en effet devenu "le vecteur d’une nouvelle politique agricole", caractérisée par plusieurs transformations, il s'agit de "produire avec le vivant et non contre lui" et de passer "à une logique locale complexe, incertaine, dans laquelle les conditions de production sont soumises au débat avec des jeux d’acteurs multiples (associations, scientifiques, politiques, économistes,etc.)". Dès lors, s'il faut toujours enseigner des savoirs, il faut aussi "enseigner à utiliser des savoirs pour raisonner" par "essais, anticipation, vérification". Or cette "approche systémique" va dans le sens qu'avaient initié les enseignant.e.s d’éducation socio-culturelle (ESC) "pétri.e.s de culture d’éducation populaire", avec "les pédagogies de projet".

 60 % d'internes

Anne-Françoise Gibert rappelle que l'enseignement agricole "regroupe plus de 6% des lycéen.ne.s et apprenti.e.s français.es", lesquels "sont désormais issu.e.s à 85% de milieu non agricole". Les établissements accueillent 60% de leurs élèves en internat, ce qui les a fortement conduits à porter "une attention particulière vis-à-vis de l’éducation de l’élève dans sa globalité", ce qui explique la création de l’éducation socio-culturelle (ESC) et de l’éducation sociale et familiale (ESF). "L'éducation à la citoyenneté se fait dans le cadre d’une pédagogie de projet, favorisée par une réelle vie scolaire (...). Chaque établissement comporte une association des élèves, est doté d’un internat et d’un groupe socioculturel et sportif, comportant un foyer pour les élèves et un amphithéâtre auditorium polyvalent (...)." La place croissante prise par les questions socialement vives contribue à la construction de l’élève citoyen.ne".

Mais c'est au risque d'entrer "en concurrence avec les objectifs de formations professionnelle" tandis que les enseignant.e.s de biologie et d’agronomie ainsi que les directeur.rice.s d’exploitation peuvent à leur tour "entrer en concurrence" ou en alliance selon l'approche "pragmatique liée à des exigences de production" ou écologique qu'ils privilégient.

Projets et interdisciplinarité

Traditionnellement, les savoirs ont "des finalités pratiques", mais l'enseignement agricole est amené "à évoluer vers une posture plus critique". Celle-ci, semble dire l'auteure, s'inscrit dans la tradition pédagogique de l'enseignement agricole : "Les équipes problématisent les savoirs en termes de compétences, diversifient les actions, font travailler les compétences non disciplinaires via des activités pédagogique innovantes, font participer l’élève aux choix pédagogiques, à la démarche et à l’évaluation et le valorisent pour en faire un.e citoyen.ne responsable (...) Il y a une inter-relation forte entre projet et interdisciplinarité." Les établissements peuvent d'ailleurs prendre l'initiative de mettre en place des EIE, des "enseignements à l’initiative des établissement", "sans programmes ni disciplines", qui "constituent une extension de la liberté pédagogique au niveau collectif".

L’observation des stagiaires de l’Enseignement agricole et de l’Éducation nationale montre que "les scénarii construits par les premiers se caractérisent par leur plus grande authenticité, dans la mesure où ils intègrent plus facilement des acteur.trice.s extérieur.e.s. Les stagiaires des ESPE sont soucieux.ses de rester neutres dans leur enseignement" alors que le traitement des QSV (questions socialement vives) "est émancipateur". Il "reconnait que les élèves, en tant que futurs professionnels, sont des agents du changement de la société".

Les filles évincées des travaux techniques les plus valorisés

Toutefois, la description que fait l'auteure de l'enseignement agricole n'est pas totalement enthousiaste. Elle souligne notamment que "l'apprentissage en situation", les chantiers-écoles, les stages en milieu professionnel, les stages sur le site de l’exploitation ou de l’atelier du lycée, peuvent "renforcer des hiérarchies sociales et de genre existantes". Les filles en paient le prix, elles sont "assignées à des tâches subalternes d’entretien censées être moins dures physiquement" et "évincées de travaux techniques plus valorisés".

Par ailleurs, "la réforme prévue pour 2020 inquiète les syndicats d’enseignant.e.s qui redoutent d’une part que la place prépondérante accordée aux compétences ne permette pas une éducation suffisante pour assumer ultérieurement des responsabilités sociales, et que d’autre part le moindre nombre d’heures dévolues aux cours entraine un regroupement des classes en apprentissage et des classes hors apprentissage, alors que les élèves n’ont pas les mêmes rythmes." La certification par contrôle continu en cours de formation (CCF) est à présent centrée "sur des capacités transdisciplinaires" et l'acquisition de "démarches de méthodes, de savoirs être et de savoirs faire" aux dépens des contenus. Mais les pratiques pédagogiques ne correspondent pas toujours aux référentiels.

L'enseignement agricole, carte d'identité

L’enseignement agricole compte 210 000 élèves et étudiant.e.s de la 4e au supérieur dans 806 établissements dont 590 privés, 135 centres de formation d’apprenti.e.s (CFA), 452 centres de formation professionnelle continue, 19 écoles d’enseignement supérieur agricole, 192 exploitations agricoles; 4 ateliers technologiques et centres équestres.

Les EPLEFPA, Établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole, sont généralement composés d’un lycée, d’un centre de formation d’apprenti.e.s (CFA) et/ou d’un centre de formation professionnel agricole (CFPPA), ainsi que d’une exploitation ou d’un atelier.

Les établissements privés sous contrat avec l’État représentent les trois quarts des établissements avec trois mouvements, les MFR, Maisons familiales et rurales (créées en 1937, ce sont des mouvements associatifs issus de l’Éducation populaire, le réseau des CNEAP, Conseil national de l’enseignement agricole privé (catholique), l’UNREP "base son projet pédagogique sur la formation et l’insertion professionnelle de jeunes en difficultés scolaires, sociales ou médicales.

Anne-Françoise Gibert, "Enseignement agricole: enseigner autrement", Dossier de veille de l’IFÉ, n°130, juin. Lyon : ENS de Lyon. ici

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