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Justice des mineurs : une mise en garde des organisations syndicales

Paru dans Justice le mercredi 26 juin 2019.

L’intersyndicale des professionnels de la justice des enfants et des adolescents, comprenant des avocats, des magistrats, différents syndicats de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), des agents d’insertion et de probation, défense des droits de l’Homme, etc., a réuni la presse hier 25 juin pour présenter une "plate-forme commune", au moment où Nicole Belloubet, ministre de la justice, annonce avec un avant-projet d’ordonnance sa volonté de réformer la justice des mineurs. "Ouvrez une école, vous fermerez une prison." Citant Victor Hugo, Françoise Dumont présidente de la LDH a donné le la à la présentation "des valeurs communes" des organisations de l’intersyndicale et regretté que cette philosophie n’inspire pas la réforme en cours pour les mineurs.

La réalité de la démarche de la ministre elle-même, qui déclare s’appuyer sur des "concertations", est fortement contestée même si certains participants veulent prendre acte de ses propos : c’est l’écriture des décrets étalée dans le temps jusqu’en juin prochain qui permettra de juger de sa volonté de rénover l’ordonnance de 1945.

Pas d'augmentation de la délinquance juvénile

Pour l’intersyndicale, qui se range derrière les propositions rédigées par le Conseil national des barreaux (CNB) à l'issue des Etats généraux de la justice des mineurs tenus en mai dernier, "la justice des enfants est souvent sacrifiée au nom de critères comptables et de gestion de l’ordre public" et "si la délinquance juvénile n’a pas augmenté depuis 15 ans, il n’y a jamais eu autant d’enfants privés de liberté que ces dernières années".

Certains des dispositifs de l’avant-projet s’inscrivent dans la "césure" mise en place par Sylviane Taubira, et qui prévoit une réponse en deux temps pour les mineurs, la reconnaissance de culpabilité puis, plus tard, le jugement et la sanction. Mais les professionnels considèrent que les conditions matérielles de sa mise en place empêchent déjà le plus souvent que le mineur prenne conscience de son acte, alors même que Nicole Belloubet demande une accélération de la procédure : première audience entre 10 jours et 3 mois après la commission des faits et délai contraint de 6 mois pour le jugement.

La primauté de l’éducatif sur le répressif est réaffirmée ? "Sauf qu’actuellement les mesures de probations sont de plus en plus fréquentes et qu’il est envisagé que le juge des enfants prononce des peines en cabinet, or, rapidité ne signifie pas efficacité !" estime le CNB et avec lui les autres organisations de l’intersyndicale. "Ces mesures ne sont pas des mesures éducatives", et avec le délai éducatif contraint, pour Sophie Legrand (Syndicat de la magistrature), le risque serait de "ne pas aller dans la temporalité du jeune, mais dans le sens de la montée de la sévérité et certainement le nombre d’incarcérations". On pourrait même "aboutir à un régime moins favorable pour les mineurs que pour les majeurs" qui ont notamment droit à un jugement collégial.

Redéployer les moyens dédiés à l'enfermement

Pour le CNB, c’est la procédure de césure qui ne doit pas être généralisée, "les professionnels demandent qu’il soit possible de continuer de recourir à la procédure actuelle de mise en examen, suivie d’un jugement lorsque des investigations sur des faits sont nécessaires". Sophie Legrand ajoute : "les victimes elles-mêmes n’ont souvent pas le temps d’établir le préjudice, et demandent le renvoi."

Pour l’intersyndicale, "la réponse pénale nécessite du temps et des moyens". Elle ajoute qu'il est "nécessaire de redéployer les moyens dédiés actuellement à l’enfermement au profit des services éducatifs de milieu ouvert, d’hébergement et d’insertion" et pour Sonia Ollina du SNPES-PJJ, enfonçant le clou, "il faudrait un code de l’enfance où le jeune délinquant est d’abord un enfant en danger, qui n’a pas la responsabilité de ses actes mais avec qui on est en apprentissage".

Allemagne, Italie, Suisse et neurosciences

Dominique Attias, avocate au barreau de Paris, fait d'ailleurs part des conclusions d’une conférence tenue la veille avec des magistrats italiens, allemands et suisses qui prennent en compte les apports des neurosciences pour débattre de la question de l’âge minimum pour la responsabilité pénale. Ces pays l'ont fixée à 14 et 16 ans, sans possibilité de prononcer une peine d’emprisonnement supérieure à 1 an (4 ans pour les 18 - 21 ans), puisque le cerveau n’a pas fini "d’être fabriqué avant 25 ans et notamment sa partie frontale où siègent émotions et compréhension des actes".

Les organisations signataires : CGT – FSU – Solidaires - Syndicat des Avocats de France - Syndicat de la Magistrature, Syndicat National des Personnels du Social et de l’Education-PJJ/FSU - SNUTER FSU - SNUAS FP FSU - SOLIDAIRES Justice - Ligue des Droits de l’Homme - Conseil National des Barreaux - Barreau de Paris - Conférence des Bâtonniers - Observatoire International des Prisons Section Française

 

Michel Delachair

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