"Grand oral" : le plaidoyer de Cyril Delhay (rapport au ministre)
Paru dans Scolaire, Culture le mardi 25 juin 2019.
"L’attribution d’un fort coefficient à l’épreuve du grand oral est incitative et exprime l’importance qui lui est accordée", elle est d’autant plus nécessaire que les arbitrages en matière d’orientation dans l’enseignement supérieur auront été "pour la plupart rendus au moment où se déroule l’épreuve et ne dépendent donc plus de cette évaluation finale", souligne Cyril Delhay, "professeur d’art oratoire à Sciences Po", dans le rapport qu'il a remis à Jean-Michel Blanquer. Le ministère de l'Education nationale a publié, hier 24 juin, ses "recommandations pour le grand oral du baccalauréat et l’enseignement de l’oral, de l’école maternelle au lycée". Il s'agit de faire "du grand oral un levier d’égalité des chances", de "travailler mieux chaque discipline grâce à l’oral et de développer les compétences orales grâce à chaque discipline".
Pour l'agrégé d'histoire, ancien bras droit de Richard Descoings pour les "Conventions éducation prioritaire", "il sera profitable de mettre en place, de façon explicite, un corpus de supports au service de l’oral depuis l’école primaire, et enrichi dans chaque discipline au collège et au lycée". Y participent de nombreuses disciplines, les SVT "avec le programme concernant le corps humain et la santé", l’enseignement moral et civique, les lettres, la pratique théâtrale, l’éducation musicale et le chant choral, "sans exclusive des autres disciplines (...). La préparation physique au grand oral pourrait être assurée dans le cadre des cours d’éducation physique et sportive (EPS) (...)." A chaque niveau d’enseignement, des référents "auraient la charge de coordonner les projets de l’établissement". L'auteur encourage les établissements à dédier chaque année "deux fois deux demi-journées à une mise en pratique concrète de l’oral".
Cet enseignement porte sur la respiration, la gestion du stress, le rôle des cordes vocales, la compréhension du "système miroir" et du fonctionnement des neurones miroirs, mais il va au-delà puisque, "par l’oral, l’élève doit apprendre à être l’auteur et l’interprète de ce qu’il dit (...), à tisser et adapter sa parole à son auditoire, à faire évoluer son propos en fonction de la compréhension et des émotions de ses interlocuteurs (...) L’apprentissage par coeur est le préalable à cette étape." Autre préalable, la prise de parole "sans la sanction d’une notation (...). La prise de parole est une prise de risque et une façon de s’exposer devant les autres. L’erreur et l’imperfection sont des passages vertueux de l’apprentissage."
5 minutes pour "s’engager et convaincre"
Quant à l'épreuve elle-même le jour du baccalauréat, elle devrait se dérouler en trois temps, 5 minutes pour "s’engager et convaincre", dire "en quoi le sujet pose une question vive", "debout et sans notes", 10 minutes pour "dialoguer", 5 minutes pour "revenir sur sa réflexion et exprimer une pensée en acte". Le propos initial "demande de nombreux entraînements préalables pour être réussi et sans doute plusieurs dizaines d’heures de travail".
Reste à former les enseignants. Cyril Delhay propose que soit constitué au préalable "un collège de cinq experts" qui assurera "la cohérence à l’échelle nationale du recrutement des formateurs de formateurs" venus de la scène ou de l’enseignement de la parole et de la voix. Le rapport préconise notamment que soient noués des partenariats avec les 38 centres dramatiques nationaux, "ou encore avec les conservatoires d’art dramatique et de chant".
Le rapport comporte aussi des éléments sur la prise en compte de divers handicaps.
Il est téléchargeable sur le site du ministère (ici) qui indique que le ministre rendra ses arbitrages "après la rentrée de septembre"