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Difficulté scolaire : des aides dispersées, dont l'efficacité est impossible à mesurer (thèse)

Paru dans Scolaire le dimanche 23 juin 2019.

La difficulté scolaire est comme l' "Arlésienne dont tout le monde parle, constate et déplore les effets", mais "c’est un concept mal appréhendé", écrit Manuel Buttard dans sa thèse en sciences de l'éducation consacrée aux "dispositifs de prise en charge de la difficulté scolaire à l’école élémentaire". Son examen des divers dispositifs ne lui permet pas une conclusion tranchée : "Les aides sont réellement efficaces auprès de certains enfants tandis qu’elles produisent des effets négatifs auprès d’autres." Il conviendrait donc de "mieux définir et normaliser le concept de difficulté scolaire afin que la sélection des enfants soit moins dépendante des lieux, des structures ou des professionnels. Il conviendrait notamment de déterminer un seuil au-delà duquel le risque de voir les effets pervers dépasser les bénéfices devient trop important."

L'auteur estime d'ailleurs que "l’existence des évaluations nationales et les observations des enseignants permettraient d’opérer une première sélection" avant que "psychologues, enseignants spécialisés et médecins de l’Éducation nationale" ne viennent "préciser les diagnostics".

Des règles implicites qui ne sont pas respectées

En effet, si "le fonctionnement du système global de remédiation n’est pas optimal", c'est notamment dû à une ventilation des élèves dans les dispositifs selon des règles implicites et "fréquemment transgressées" du fait de "la pénurie de places", "des difficultés à caractériser certaines situations", "les recouvrements dans les attributions des différents acteurs", "la méconnaissance des actions entreprises par les partenaires ne permet pas de proposer un processus d’orientation rigoureux (...). Malgré les besoins explicites, certains enfants ne sont pas pris en charge tandis que d’autres sont aidés sans que les difficultés ne soient manifestes." Bien souvent, ajoute-t-il, "les enfants fréquentent plusieurs structures, successivement voire simultanément, sans que les différents acteurs en soient toujours informés, alors que la plupart des services semblent sous-dimensionnés pour satisfaire toutes les demandes."

"Notre système de lutte contre l’échec scolaire est insuffisamment doté" bien que l'Éducation nationale se soit "attachée à introduire des dispositifs de prévention et de remédiation (...). Certains sont apparus, ont disparu, ont été remplacés sans même avoir été évalués. Ils se sont parfois additionnés sans que leur complémentarité ne soit questionnée." Manuel Buttard distingue les dispositifs inclusifs, "dans le cadre de l’école, proposée par les maîtres des classes ou par un personnel spécialisé" et les dispositifs ségrégatifs, "hors de ses murs". Il n'a pas pris en compte les structures ASH (adaptation et scolarisation des élèves handicapés), les Programmes de réussite éducative, la contribution des enseignants surnuméraires, les autres aides et projets type "coup de pouce"...

Un système alambiqué

Il estime que les études, "finalement peu nombreuses", portent sur les GAPP devenus RASED, le redoublement, l'aide personnalisée, mais "ne considèrent presque jamais le système dans son ensemble". Le pourraient-elles ? "Le système est trop alambiqué. Il faudrait tenir compte des liens entre les différentes formes d’aides, de leur cumul simultané ou successif, de l’ordre dans lequel il a lieu, des modalités et de la durée respective des différentes prises en charge... Les configurations seraient très nombreuses, et il serait probablement difficile de pouvoir attribuer à l’une ou à l’autre des mesures mises en place, les différences constatées." De plus, les résultats moyens cachent "des variations inter-individuelles importantes qui se contrarient."

Certains résultats sont pourtant à mettre au crédit des aides spécialisées proposées dans le cadre scolaire, mais elles "semblent plus efficaces en cycle III", car, contrairement aux idées reçues, "l’évolution n’est pas meilleure lorsque les prises en charge ont commencé de façon précoce". De plus, "les aides relevant des maîtres semblent plus efficaces en mathématiques quand les dispositifs extrascolaires le sont plutôt en français".

Mais "le défaut de gouvernance et de régulation est patent puisque tous les éléments de cet ensemble hétéroclite ne dépendent pas des mêmes hiérarchies, ni d’un unique ministère de tutelle (...). Pour permettre un meilleur échange des informations, un réel travail en partenariat, il faudrait que les différentes interventions soient moins isolées les unes des autres, que les partenaires puissent communiquer et coordonner leurs actions." Et l'auteur estime que "la gestion des dossiers devrait reposer sur la présence d’un référent pour chaque élève, assurant un suivi longitudinal. Ce faisant, on limiterait probablement les doublons, les interventions 'anarchiques', la reproduction ou l'empilement de projets qui se sont révélés peu efficaces. Ce sont autant de moyens d’optimiser non seulement la prise en charge, mais aussi la gestion des flux d’élèves dans des structures qui aujourd’hui ne parviennent plus à faire face à l’inflation des demandes."

La thèse, soutenue à la fin de l'année dernière, a été "préparée à l'IREDU (Institut de recherche sur l’éducation : sociologie et économie de l’éducation), université de Bourgogne Franche-Comté, elle est téléchargeable ici, elle est signalée par l'IFE ici.

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