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"Conditions de la réussite des réformes en éducation" : J-M Blanquer défend la cohérence de son action

Paru dans Scolaire le mercredi 12 juin 2019.

Intervenant en ouverture du colloque international consacré aux "conditions de réussite des réformes en éducation" ce 12 juin, Jean-Michel Blanquer a posé le cadre de son action : Nous sommes dans une période de changement de civilisation. Alors que l'information était rare, nous sommes confrontés à "une abondance de savoirs". L'éducation doit donc se donner pour objectifs la transmission de la culture générale, mais aussi la formation à la logique et elle doit "personnaliser davantage la pédagogie" pour "faire de chacun une personne".

Pour éclairer les politiques éducatives, outre les comparaisons internationales et les expérimentations, le ministre peut s'adresser à la science, "à l'ensemble des savoirs sur l'Homme", et non pas uniquement aux sciences cognitives, même si celles-ci sont à l'origine de "grands bouleversements". Il se défend de tout "scientisme", il n'attend pas de "réponses toutes faites" de la recherche qui "n'a pas de baguette magique".

Il ne pense pas non plus qu'on puisse importer un modèle d'un autre pays, mais souhaite qu'on s'en inspire, comme l'a fait Singapour qui a puisé dans sa tradition confucéenne tout en empruntant des éléments aux pays scandinaves. De plus, les pays qui réussissent sont ceux qui ont su créer "du consensus" sur l'éducation qui est un "sujet de long terme", "constitutionnel" dans la mesure où il participe à la constitution de la nation. Jean-Michel Blanquer en appelle à la sérénité et fait remarquer que, sur la réforme du bac par exemple, "les élèves en comprennent le sens". 

Jean-Marie de Ketele (université de Louvain) pose les termes du débat des deux jours à venir. Lui aussi situe cette réflexion dans le cadre de grands changements, avec "la montée des polarisations" entre les régions du monde, entre les pays, entre les métiers à forte et à faible valeur ajoutée... Mais qu'est-ce qu'une réforme ? Es-ce ce qui est prescrit ? faut-il considérer uniquement les changements attendus ? Ou ceux qui sont observés ? Ou ceux qui sont latents ? Et comment les évaluer ? L'efficience est-elle un critère par elle-même ? Quelles sont les valeurs sous-jacentes ? "On n'évaluera jamais assez l'impact du curriculum caché !", s'exclame-t-il, évoquant ces pédagogies qui font que l'enfant est en réalité conditionné à satisfaire les attentes de l'enseignant. Et il nous renvoie à Dewey, pour qui l'éducation devait permettre à chaque élève de développer ses capacités distinctives, mais "au service du groupe".

Antonio Novoa, ambassadeur du Portugal auprès de l'Unesco, va plus loin et se demande même si la notion de réforme, pensée comme une intervention du haut vers le bas et planifiée, est encore pertinente. Il s'inquiète de voir une nouvelle génération de décideurs éviter la dimension idéologique des débats pour se concentrer, au nom du pragmatisme, sur "ce qui marche". Il s'inquiète également de "la poussée sans précédent" des sciences cognitives et des neurosciences. Ne vont-elles pas proposer de remplacer les écoles par des hôpitaux, l'éducation devenant une technique inspirée par la médecine ? Il décrit sans complaisance les conférences auxquelles il participe. Les unes sont dans l'avenir, comme à Beijin où elle s'est conclue par un consensus sur l'intégration de l'intelligence artificielle dans l'éducation (voir ToutEduc ici) tandis que les autres sont l'occasion de conflits sur le maintien de l'existant. Or l'Ecole se métamorphose, mais elle doit d'abord être vue comme un bien commun.

Mamadou Ndoye, ancien ministre de l'éducation du Sénégal, souligne pour sa part combien toute réforme déçoit. Celles qui sont quantitatives, quand des millions d'enfants ne sont pas scolarisés, sont nécessaires, mais ne sont pas immédiatement qualitatives. La Corée du Sud est parvenue à la réussite scolaire des élèves, mais pas à la réussite éducative, les enseignants n'étant pas préparés à faire en sorte que des valeurs se traduisent en attitudes. Enfin, les réformes qui visaient à faire advenir un nouveau type d'hommes ont échoué, du point de vue de leurs promoteurs, comme en Allemagne de l'Est, où ils ne pensaient pas que les citoyens qu'ils formaient démoliraient le mur...

Pour sa part, Xavier Pons (Paris-Est Créteil) met en garde contre les généralités, du type le système français est centralisé, alors qu'il est en réalité, fragmenté, ou le système anglais est décentralisé, alors que le cadrage est important. D'ailleurs, faut-il dénoncer systématiquement les politiques "top - down" ? Il porte surtout un regard critique sur la politique des "petits pas", des réformes "pragmatiques", engagées au nom de "ce qui marche" sans idéologie, mais qui débouchent toujours sur une forme de complexification, tandis que les systèmes peinent à capitaliser les résultats, d'autant que les aléas politiques peuvent y mettre fin. Et il propose une définition d'une réforme réussie, "une réforme qui enclenche une action partielle aux effets indésirables limités, et qui permet à un groupe d'acteurs de se coordonner, que les résultats soient positifs ou non".

Le colloque est organisé par le CIEP et la Revue internationale d'éducation de Sèvres (ici) et les plénières sont filmées et diffusées sur la chaîne YouTube du CIEP

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