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Enfants tués par leurs parents: la responsabilité et les difficultés de tous les professionnels, y compris enseignants (Rapport d'inspections générales)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le jeudi 23 mai 2019.

"Un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours", constatent les inspections générales des Affaires sociales, de la Justice et de l'Education nationale (IGAENR) qui, dans un rapport commun au terme d'une mission sur "les morts violentes d'enfants au sein des familles", préconisent notamment d' "intégrer systématiquement un module de formation spécifiquement dédié au dispositif de la protection de l’enfance dans la formation initiale des ESPE (écoles supérieures de professorat et d’éducation)". 

La lecture du rapport est éprouvante : plus de la moitié de ces enfants avaient moins d’un an, un tiers d'entre eux étaient en âge d’être scolarisés, "plus de la moitié des enfants concernés par l’étude avaient subi avant leur mort des violences graves et répétées". Or, "souvent, des signes de violences avaient été repérés par des professionnels", et "dans bon nombre de situations, la maltraitance ou son risque aurait pu être détectée si l’on avait rapproché plusieurs signaux d’alerte visibles pour en faire la synthèse". Les auteurs concluent à "l’impérative nécessité de mieux organiser l’échange des informations au sein de chaque service médico-social, de l’éducation nationale, de la police ou de la justice et entre ces services", mais aussi à la nécessité d'une "augmentation des moyens alloués à la prévention et à la protection de l’enfance".

"Leur prise en compte aurait pu déclencher une meilleure protection de l’enfant"

Il ne sera pas possible d'éviter tous ces crimes. Dans un certain nombre de cas, "l’issue fatale était pour ainsi dire imprévisible pour les professionnels et l’entourage des familles", dans d'autres, "des signaux faibles n’ont pas été pris en compte", mais la mission évoque aussi, dans certains cas, "une déperdition d’informations entre différents services", ASE (aide sociale à l'enfance), services médico-sociaux, crèche, justice, police, école, centre de loisirs... Dans un cas sur trois en effet, "des traces de violences physiques avaient été vues", par l’entourage ou par des professionnels qui n’ont pas réagi : "une bosse remarquée par une directrice d’école ; des ecchymoses sur le crâne et le visage d’un enfant qui ne sont pas traitées par l’ASE bien que remarquées par l’assistante maternelle (...); des traces dans le dos d’un enfant de quatre ans vues par la directrice du centre de loisirs et des traces suggérant des brûlures sur le visage du même enfant vues par le médecin, l’orthophoniste et la directrice de l’école (...) Certes, ces constats, pris isolément, ne justifiaient pas nécessairement un signalement, mais, placés dans le contexte dégradé de chaque situation, leur prise en compte aurait pu déclencher une meilleure protection de l’enfant."

 Il arrive que les violences aient été connues, ou, au moins, suspectées, par l’entourage familial, amical, professionnel. "Pourtant, les proches n’ont pas donné l’alerte ou l’ont fait tardivement", parce qu'ils n'imaginaient pas que l’enfant pouvait être en danger. "Outre la difficulté de 'penser l’impensable' et la méconnaissance du dispositif de protection de l’enfance, on peut imaginer que les proches répugnent à donner l’alerte par crainte des conséquences qui pourraient en résulter pour eux-mêmes et/ou pour la famille (placement, poursuites judiciaires, etc.)."

Les travailleurs sociaux entre deux exigences

La mission reconnaît la grande difficulté qu'il y a à agir pour les proches comme pour les travailleurs sociaux. Ceux-ci en effet doivent "trouver un équilibre entre la confiance à établir avec la famille et (leur) mission de protection de l’enfance". Les auteurs décrivent une manière de faire "qui conduit à s’abstenir de tout jugement des usagers, a fortiori de toute stigmatisation, et qui se caractérise par l’écoute, l’empathie, la confiance, la mise en valeur de ressources et la spécification d’un projet", qui est "certes pertinente" mais qui "trouve ses limites quand l’enfant est en situation de danger".

Les personnels médicaux sont également en cause. La plupart de ces enfants "avaient été vus, voire examinés, par un professionnel de santé dans les trois mois précédant leur décès. Cependant, dans certains cas, le diagnostic médical de maltraitance (ou de risque de danger) n’a pas été posé ou, en tous cas, pas communiqué aux services sociaux ou aux autorités judiciaires." 

Le rôle de l'Ecole

Quant à l'école, elle constitue un lieu privilégié d’observation du comportement des enfants. "Cependant la maltraitance est fréquemment difficile à diagnostiquer chez les jeunes enfants qui expriment peu leur souffrance, d’autant plus lorsqu’ils sont violentés par leurs propres parents. Aussi, les personnels doivent détecter les signes inquiétants, souvent répétés, plus ou moins visibles, émis par l’enfant et les analyser." Il est arrivé qu'ils préfèrent se fier à la parole des parents. "Si elle est nécessaire à l’accompagnement de l’enfant, la proximité entre parents et enseignants peut en effet conduire à sous-évaluer une situation ou à ne pas en apprécier l’urgence."

Parmi les signaux à ne pas négliger, les auteurs citent l’absentéisme scolaire et évoquent un cas précis : "les absences de l’enfant coïncidaient le plus souvent avec les moments où celui-ci était violenté par son beau-père et où des signes de maltraitance étaient perceptibles par des personnes extérieures." Mais d'autres éléments peuvent entrer en ligne de compte. "Dans la plupart des cas spécifiquement étudiés, les élèves souffraient de différents troubles, parfois cumulatifs − retards dans les apprentissages (langage notamment), troubles du comportement (agressivité, violence, sexualité, etc.) ou d’autres troubles (énurésie, encoprésie, etc.) − et étaient suivis par différents professionnels (orthophoniste, pédopsychiatre, psychomotricien, psychologue, etc.)."

Et, ajoutent les auteurs, "les équipes éducatives ne disposent donc pas de l’expertise sociale nécessaire pour procéder à une évaluation complète de la situation et pour rédiger de manière argumentée l’information préoccupante ou le signalement. Pour autant, cela ne doit pas les dispenser d’agir en cas de doute."

Ils font une trentaine de recommandations, parmi lesquelles

- "Rappeler qu’en cas de suspicion de maltraitance, les médecins scolaires peuvent examiner l’élève sans l’accord des parents, hors leur présence et sans obligation de les informer, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant."

- "Étendre à l’ensemble des écoles du premier degré les actions de conseil et de prévention des assistants de service social dans le domaine de la protection de l’enfance, notamment un soutien technique aux enseignants, aux directeurs d’école et aux inspecteurs de l’éducation nationale et des actions collectives destinées aux enfants et aux familles (...)."

- "Renforcer la prévention de l’absentéisme scolaire en classe maternelle (...)."

- Prévoir "la désignation d’un référent social pour chaque école et établissement au sein des services du conseil départemental (...)".

- Afin d'éviter l’absence de communication des informations lors du passage de l’école au collège ou du déménagement de la famille, "mettre en place (...) une réflexion sur les modalités d’archivage et de transmission des informations préoccupantes et des signalements par les responsables des établissements scolaires (...)".

- "Mieux affirmer le rôle des inspecteurs de l’éducation nationale dans le pilotage du dispositif de la protection de l’enfance à l’échelle de la circonscription" (ceux-ci sont les interlocuteurs des directeurs et professeurs des écoles mais aussi des services départementaux).

- "Mieux accompagner les personnels dans les démarches de signalement (...) et faciliter la communication au sein de l’institution, à chaque niveau d’enseignement en lien avec les crèches et les centres de loisir, et entre les différentes structures concernées par l’enfance."

- "Afin de favoriser la création d’une culture commune entre les administrations concernées, prévoir (...) des formations pluri-institutionnelles, ouvertes également aux personnels des crèches (...) sous la coordination du président du conseil départemental."

Le rapport ici

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