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Justice des mineurs : une circulaire détaille les modalités de mise en œuvre de nouvelles mesures alternatives à l'incarcération

Paru dans Scolaire, Justice, Orientation le jeudi 02 mai 2019.

Quelques semaines après l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi de programmation et de réforme pour la Justice 2018-2022, une circulaire, parue au BO n°2019-04 du 30 avril 2019, détaille les modalités de mise en œuvre des nouvelles mesures instaurées pour les mineurs, pour la plupart des modifications ou extensions de mesures existantes inscrites dans l'ordonnance de février 1945. Ces nouvelles dispositions visent, écrit, la Garde des sceaux, à "proposer davantage d'alternatives à l'incarcération", "dans un contexte d'augmentation sensible du nombre de mineurs incarcérés". Elles prennent deux formes : le développement du dispositif des centres éducatifs fermés (CEF), non concerné par cette circulaire, et la diversification des modes de prise en charge des mineurs délinquants.

La circulaire définit notamment les modalités de mises en œuvre d'une toute nouvelle mesure, la mesure éducative d'accueil de jour (MEAJ), qui sera expérimentée durant trois ans dans 20 sites qui seront déterminés par arrêté le 30 août 2019 au plus tard. "Intermédiaire entre le placement et l'accompagnement en milieu ouvert", cette mesure pourra être proposée "en alternative à l'incarcération ou en sortie de détention comme en préalable ou préparation de certains placements". Elle consiste en une prise en charge globale, pluridisciplinaire, en journée, collective. À partir "d'un emploi du temps individualisé, adapté aux besoins spécifiques du mineur", elle vise "à favoriser l'insertion de chaque jeune dans l'ensemble des dispositifs existants (formation, scolarité, accès à l'emploi, accès aux droits, accès aux soins notamment)".

Autre nouvelle disposition : la possibilité de prévoir un accueil temporaire, pour ceux qui sont placés en CEF, mais, dans la dernière phase du placement, dans un lieu distinct et sur des durées courtes, afin d'organiser, "de manière préparée et progressive, la sortie du centre éducatif fermé". L'objectif, explique la circulaire, est de mieux accompagner "le moment de fragilité que constitue le passage d'un cadre très contenant et contraignant à un cadre plus souple" et de "favoriser" ainsi "la réussite de cette dernière étape délicate de l'accueil en CEF".

Extension du travail d'intérêt général mais qui ne peut être prioritaire sur une mesure éducative

La circulaire s'étend aussi sur l'extension "des possibilités de prononcer un travail d'intérêt général (TIG)". Si cette extension a aussi été pensée comme une alternative à l'incarcération et en vue de "favoriser l'insertion des jeunes condamnés", la circulaire précise qu'on ne peut y avoir recours "lorsqu'une mesure éducative apparaît adaptée". En outre, alors que la réforme a durci la justice pénale pour les mineurs puisque la sanction pourra désormais être prononcée en tenant compte de l'âge au moment du jugement et non au moment des faits (dès lors que ces derniers se sont déroulés à 13 ans révolus), cette mesure est néanmoins assortie de la nécessité d'apprécier la "maturité personnelle" du jeune, "à un autre moment de la procédure". Disposition qui apparaît importante parce que le non respect de cette obligation de TIG "peut entraîner in fine une incarcération", "au regard notamment des conséquences légales du défaut d'exécution du travail d'intérêt général".

La circulaire pose également des gardes-fous concernant les durées des peines, sachant que la durée maximale du TIG a également été augmentée (elle passe de 280 à 400 heures). Comme cette augmentation a "essentiellement" été pensée "pour les majeurs", la mesure "ne doit pas conduire à une aggravation des peines actuellement prononcées à l'égard des mineurs", écrit encore la Garde des Sceaux, et le nombre d'heures "doit être déterminé en tenant compte des possibilités du mineur au regard de son âge et de sa situation scolaire, ainsi que de sa capacité à s'inscrire dans les contraintes d'un environnement professionnel".

Enfin, la circulaire rappelle que l'entrée en vigueur de la loi rend immédiate l'application de la mesure qui consiste à réduire la durée du maintien en détention provisoire des mineurs de 13 à 15 ans responsables d'un délit. La détention provisoire a ainsi été réduite à une durée de deux mois, renouvelable une seule fois pour une durée d'un mois, soit trois mois maximum, au lieu des six mois prévus par l'article 179 du code de procédure pénale.

Le SNPES critique sur les mesures et la méthode

Rappelons que si la Garde des Sceaux affirme, par ce présent texte, vouloir "renforcer la réponse éducative afin de développer les alternatives à l'incarcération", vouloir "mieux accompagner les mineurs délinquants", et dit "réaffirmer que la détention provisoire d'un mineur doit être prononcée en dernier recours", le SNPES-PJJ (Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée – protection judiciaire de la jeunesse) s'est montré à plusieurs reprises très critique, à la fois à l'égard des mesures, mais aussi à l'égard de la méthode. Même si dans une déclaration récente, en date du 28 avril, le SNPES estimait que ce texte témoignait d'une prise de conscience par la ministre "de la situation indigne que représente la détention provisoire des mineurs" et que certaines des dispositions proposées allaient "dans un sens positif" (lire ici), celui-ci a dénoncé à plusieurs reprises la "voie autoritaire" dans laquelle s'engage la ministre de la Justice. Une logique qui poursuit, selon lui, celle engagée par les lois Perben de 2002-2003 qui avaient mis en place des centres fermés et créé de nouvelles prisons pour enfants (les établissements pénitentiaires pour mineurs, dits EPM), "renforçant" ainsi "la dimension répressive au mépris de la primauté de l'éducatif".

Pour le syndicat, "un jeune qui est poursuivi pour un acte de délinquance est avant tout un enfant en danger, il reste un enfant et doit l'être dans toute sa complexité aux yeux de la justice". Une notion mise à mal par la création d'un code de la justice pénale des mineurs, selon lui, puisqu'elle réduit l'adolescent à son seul passage à l'acte et "inscrit les professionnels de la PJJ dans une dynamique strictement répressive".

"Ignorance" de la Garde des Sceaux

La méthode, quant à elle, a été aussi très fortement contestée par le syndicat qui a dénoncé un projet adopté, lui aussi, "en catimini, par voie d'ordonnance", donc "sans débat". Deux grands points ont été critiqués : les délais très courts, 6 mois, qu'impliquent cette modification par voie d'ordonnance pour produire et présenter un code pénal des mineurs, et une consultation jugée "de façade". Le syndicat indiquait début février que l'ensemble des professionnels intervenant dans le domaine de la protection de l'enfance et de la PJJ étaient sollicités par mail pour donner leur avis "dans un délai très court", que les organisations syndicales n'avaient pas été consultées et que le questionnaire, "quatre pages de questions fermées, simplistes", était "accessible à tous" et pouvait "être rempli tout autant par des professionnels que par des personnes extérieures". La démarche démontrait, selon le SNPES, l' "ignorance du travail éducatif" par la Garde des Sceaux. Celui-ci avait également ironisé sur la "reconnaissance" accordée à ce texte, adopté dans la nuit du 18 au 19 février 2019 par seulement 31 voix pour et 11 contre.

À noter qu'une autre circulaire, en date du 23 avril 2019, a été publiée dans le même JO. Celle-ci détaille les modalités qui encadrent, au regard des textes législatifs adoptés entre 1983 et 2017 mais aussi de la jurisprudence, la protection fonctionnelle des agents de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, et celle des "bénéficiaires indirects" pour lesquels cette protection a été élargie en 2016. Cette circulaire revient ainsi, sur une trentaine de pages, sur les principes généraux qui l'encadrent, ses conditions d'octroi, les limites et le déclenchement de la protection (demande par l'agent, instruction, prise en charge juridique, des frais de procédure, etc.).

La circulaire du 23 mars 2019 ici

La circulaire du 23 avril 2019 ici

Camille Pons

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