Petits déjeuners gratuits et déjeuners à 1€ : le jugement très sévère de la FCPE et de plusieurs élus
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 24 avril 2019.
"C'est de l'amateurisme", "Encore un effet d'annonce"... La FCPE et les trois élus qu'elle avait invités à réagir aux annonces de Jean-Michel Blanquer et de Christelle Dubos sur la cantine à 1€ et le petit-déjeuner gratuit n'avaient pas de mots assez durs, ce 24 avril, pour dénoncer deux mesures pour lesquelles ils n'obtiennent aucune information sur les modalités de mise en oeuvre.
En ce qui concerne la cantine à 1 €, Olivia Hicks, adjointe (écologiste) au maire de Paris 2ème, se demande où est le progrès, sachant que les familles qui ont les revenus les plus faibles paient 13 cts par repas. Lionel Benharous, adjoint (socialiste) au maire des Lilas (Seine-Saint-Denis), où les tarifs vont de 30 cts à 4,70€ s'interroge de même. Ludovic Toro, maire (UDI) de Coubron (Seine-Saint-Denis) fait remarquer que le coût du repas pour la collectivité, si on prend en compte les charges de personnel pour l'ensemble de la pause méridienne, serait plutôt de 12 €, "entre 16 et 17 €" aux Lilas, et non pas de 4,5 € comme l'avait indiqué la secrétaire d'Etat. Et surtout, s'agit-il d'un prix unique ? Dans ce cas, le tarif augmenterait pour les familles qui en ont le plus besoin, et diminuerait pour les familles avantagées ! La mesure suppose le volontariat des municipalités. Celles-ci, si elles refusent, apparaîtront aux yeux des électeurs comme les "méchantes". Les élus dénoncent une "inversion de culpabilité", le Gouvernement se donnant le beau rôle.
Le petit déjeuner gratuit pose également des problèmes de faisabilité. Est-il organisé sur le temps scolaire, sous la responsabilité des enseignant.e.s qui en font un moment d'éducation à la nutrition ? Ou dans le cadre d'un accueil avant le début de la journée de classe ? avec quels personnels et quel budget ? Mais surtout, il pose une question d'ordre sanitaire. L'ANSES dans un avis de 2016 sur les collations, avait recommandé "de ne distribuer qu'aux seuls enfants qui ne l'auraient pas pris un petit-déjeuner équilibré" (ici). En effet, s'ils prennent deux petits déjeuners, les enfants prennent de mauvaises habitudes alimentaires qui peuvent se traduire à l'adolescence par de l'obésité. Va-t-on trier les enfants selon qu'ils prennent ou ne prennent pas de petit déjeuner à la maison?
La FCPE fait remarquer que cette annonce n'a été précédée d'aucun débat avec les associations de parents. Certaines familles peuvent l'entendre comme un propos insultant, "vous ne nourrissez pas vos enfants" et beaucoup d'autres peuvent penser que l'Etat s'introduit dans leur intimité, et entend les priver d'un moment convivial.
Enfin les élus font remarquer que ces deux annonces s'ajoutent à beaucoup d'autres, s'agissant de la natation alors que les communes qui n'ont pas de piscine à proximité doivent affrêter des cars pour le transport des élèves, les classes dédoublées... "Avant de faire des annonces, il faut chiffrer", s'exclame L. Toro.