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Il faut un motif sérieux pour s'opposer à "base élèves 1er degré" (Conseil d'Etat, une analyse d'André Legrand)

Paru dans Scolaire le vendredi 05 avril 2019.

La fronde de certains parents d’élèves contre le traitement automatisé de données à caractère personnel concernant leurs enfants vient de donner lieu à un nouvel arrêt du Conseil d’Etat, rendu le 18 mars 2019. L’article L. 131-6 al. 3 du code de l’éducation, issu d’une loi du 5 mars 2007, autorise en effet l’administration à mettre en œuvre un tel traitement pour procéder au recensement des élèves soumis à l’obligation scolaire et améliorer le suivi de l’assiduité scolaire. Deux bases ont été créées : la base élèves 1er degré (BE1D) dont l'objet était d'assurer la gestion administrative et pédagogique des élèves du premier degré (inscription, admission, radiation, affectation dans les classes, passage dans une classe supérieure) et la base nationale des identifiants des élèves (BNIE), qui recense au niveau national l’ensemble des identifiants des élèves, numéros uniques internes au ministère attribués lors de la première inscription et suivant l’élève jusqu’au terme de sa scolarité.

La loi prévoyait un décret en Conseil d’Etat pour son application. C’est en fait un arrêté du 20 octobre 2008 qui est intervenu pour créer BE1D, devenue ONDE (outil numérique pour la direction d’école) depuis un arrêté du 13 janvier 2017. L’arrêté de 2008 a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir dès sa parution et il a été annulé dans la mesure, en particulier, où il interdisait expressément aux personnes concernées de s’opposer à l’enregistrement des données personnelles les concernant (arrêt du CE du 19 juillet 2010, Fristot et Mme Charpy). A la suite de cet arrêt, le ministère a été amené à préciser, dans des réponses à des questions parlementaires, que le droit d’opposition était désormais réouvert, sous réserve de s’appuyer sur des motifs légitimes.

Par la suite, dans un arrêt du 18 novembre 2015, le Conseil d’Etat a été amené à apporter deux précisions importantes. D’une part, compte tenu des conditions de gestion de l’enseignement du premier degré, la compétence en matière d’exercice du droit d’opposition relève du niveau départemental. De l’autre, cet exercice doit reposer sur des raisons prépondérantes et légitimes tenant à la situation particulière de l’opposant. En l’espèce les requérants s’inquiétaient des conséquences éventuelles de la mention relative à l'adoption de leur fille née en Russie sur son intégration dans son milieu scolaire et dans son pays. Mais, constatant que, si le lieu de naissance de l'élève est bien inscrit dans la base, aucune mention relative à ses origines n'y figure, le Conseil d’Etat a estimé que cet argument ne pouvait pas constituer un motif légitime d’opposition.

Ces différents principes viennent d’être repris dans un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 18 mars 2019. Une mère d’élèves s’était opposée à l’enregistrement et à la conservation de données concernant ses enfants, scolarisés dans une école du 18ème arrondissement. Sa demande avait été rejetée par l’inspecteur d’académie de Paris et le TA avait confirmé la légalité de ce refus. En appel, la CAA de Paris avait annulé ce jugement, en estimant que la compétence pour rejeter l’opposition n’appartenait qu’au ministre et que l’intervention en la matière de l’IA ou du recteur était constitutive d’illégalité.

La Cour s’est vue désavouer par le Conseil d’Etat dans un arrêt de juin 2016 : estimant qu’aucune disposition n’empêchait le ministre de déléguer sa compétence, comme il l’avait fait, le Conseil a annulé l’arrêt de la Cour et il lui avait renvoyé le soin de juger l’affaire. Sur ce renvoi, la CAA annule à nouveau le jugement du TA, mais, jugeant l’affaire au fond, elle rejette la requête.

Elle estime d’abord qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur le rejet de l’opposition de données personnelles dans la BN1D : l’arrêté du 20 octobre 2008 impose en effet l’effacement de ces données à intervalles variables selon leur nature, et en tout état de cause au terme de l’année civile au cours de laquelle l’élève n’est plus scolarisé dans le premier degré. Une fois les données effacées, comme c’était le cas en l’espèce, le recours n’a plus d’objet.

La mère de famille a alors saisi le Conseil d’Etat en cassation. Celui-ci rejette sa requête en estimant que la CAA n’avait entaché sa décision ni d’erreur de droit ni de dénaturation des faits. Même si aucune des parties n’avait conclu au non-lieu à statuer, son prononcé dans les circonstances de l’espèce ne prive en rien la requérante de son droit au recours.

S’agissant de la BNIE, la Cour, dit le Conseil d’Etat, a constaté que la requérante se bornait à invoquer des craintes d’ordre général concernant notamment la sécurité du fonctionnement de la base. Elle ne faisait état d’aucune considération qui lui serait propre ou serait propre à ses enfants. Elle ne justifiait donc pas, comme l’a constaté la Cour, d’un motif légitime de nature à justifier son opposition et n’était pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué.

La décision n° 406313 du 18 mars ici

 

André Legrand

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