Faut-il être compétent pour être parent ? (Le Sociographe)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le dimanche 24 mars 2019.
"Faut-il être compétent pour être parent ?". C’est la question posée par Eric Miano, éducateur spécialisé, lorsqu’il débute un module de formation sur le "travail avec la famille" ou le "soutien à la parentalité" et, quel n’est pas son étonnement d’entendre son auditoire répondre régulièrement et massivement : "oui !". Pour Eric Miano qui est l’un des contributeurs du nouveau numéro de la revue Le Sociographe dont le dossier s’intitule : "Fêtes et défaites de familles", pas question de réduire la parentalité à "un ensemble de compétences et de techniques éducatives qu’il s’agirait de connaître et d’appliquer".
De l’épopée de Gilgamesh (-4000 avant JC) qui recommandait à l’homme de prendre soin de son petit à Marcel Sanguet, l’auteur, en 2014, de " Familles je vous Haime", tous ces textes "montrent et illustrent que la mythique famille et l’être parent, lieu de toutes les complexités et de toutes les ambivalences ; révèle et relève de bien d’autres choses que d’une simple affaire de compétences acquises ou à transmettre". Et pourtant, "le registre réducteur des compétences parentales a bonne presse", constate Eric Miano. "Il est devenu l’alpha et l’oméga de bien des discours et pratiques".
Vers un "baccalauréat parental" ?
A contrario, il choisit "d’aborder la position professionnelle et les missions d’accueil, d’accompagnement ou de soutien à la parentalité comme relevant surtout, et avant tout, du subtil travail de l’artisan […] plus sûrement que d’une position d’expert évaluateur ou de vendeur de compétences". Sinon, poussant "la réflexion jusqu’à l’absurde" il propose de créer "un baccalauréat parental" avec, en cas d’échec, "des interdictions de devenir parent" et pour les "déjà parents", "un système de déchéance définitive de parentalité pour compétences inexistantes".
Absurde ? Peut-être pas tant que ça puisqu’Eric Miano rapporte que "ces pratiques déjà existantes en Angleterre, conduisent les services sociaux, sur injonction ministérielle et de crise du budget, en lien avec des agences privées, à monétiser le retrait d’enfants de familles dites incompétentes pour les proposer à l’adoption". Un exemple à fuir à un moment où "les sirènes du marché, les violons de la performance du futur citoyen consommateur et le brouhaha des vendeurs de recettes miracles, brouillent les pistes et perdent des auditeurs désemparés, prêts à se ranger derrière la énième redécouverte de la roue par le dernier neuro-scientologue à la mode".
Dans ce numéro, les professionnels de l’intervention sociale s’interrogent aussi sur la notion même de famille, sur cette impression "qui donnerait à penser que chacun cherche sa famille, pas celle du Code civil, celle des alliances classiques, plutôt l’autre, la vraie, la famille ordinaire, celle qui fait du bien et du lien, celle qui nous ressemble et nous rassemble", ils se demandent si on assiste aujourd’hui à un "recours ou un retour aux familles".
Le Sociographe, "Fêtes et défaites de familles", N°65, mars 2019.
Colette Pâris