Au XXè siècle, les pédagogies alternatives (déjà) au cœur de l’actualité (ouvrage collectif aux PUG)
Paru dans Scolaire, Culture le dimanche 17 mars 2019.
"Les acteurs de l’Éducation nouvelle au XXè siècle", ouvrage collectif sous la direction de X. Riondet, R. Hofstetter et H.L. Go "revisite un épisode marquant du monde de la pédagogie pendant l’entre-deux guerres (…). Les trajectoires et itinéraires (de vie, de formation, etc.) de Montessori, Claparède, Decroly, Freinet, Piaget, Makarenko, et d’autres moins célèbres sont ainsi mis en lumière" nous avertissent les auteurs dans la quatrième de couverture sans évoquer l’autre dimension de leur travail : la description des relations et des tensions entre personnalités de terrain et les institutions, ici surtout internationales.
Cette recension érudite des itinéraires pionniers de l’Éducation nouvelle met en lumière les continuités et les ruptures occasionnées par la Première guerre mondiale sur un mouvement qui, au début du siècle, se centre d’abord sur l’ambition de former une jeunesse "bien armée pour la vie" pour ensuite "faire œuvre de paix et de vérité", via notamment la construction d’un outil, le Bureau international d’éducation (BIE) qui ne cherchera d’ailleurs pas tant à diffuser un modèle pédagogique que de permettre une circulation des différents modèles sans négliger les particularités de systèmes nationaux.
Dans un monde encore meurtri où les relations internationales sont grosses de divisions : "Compte tenu du contexte de culpabilité lié au grand conflit mondial, on estime qu’il incombe désormais à la jeunesse, dans le cadre d’une responsabilité construite (solidarité, coopération, fraternisation, etc.) d’entreprendre de sauver le monde." Et "après avoir eu pour visée fondatrice de libérer l’enfance et la jeunesse d’un monde injonctif et coercitif", nous expliquent Rita Hoffstetter et Frédéric Mole, "l’Éducation nouvelle les regarde désormais investies d’une mission historique : réaliser la paix mondiale".
Piaget lui-même, devenu directeur du BIE "opère une transformation des éléments discursifs qui fondent l’Éducation nouvelle", "certes elle a toujours fait le pari d’une enfance porteuse d’une puissance libératrice de l’humanité. Mais celle-ci tenait, sous les auspices de Rousseau, à la réaffirmation de la spontanéïté naturelle de l’enfance." Désormais le maître mot est "coopération pour la solution des principales questions humaines", et donc sortie de l’égocentrisme ; une "coupure épistémologique" en quelque sorte avec les premiers fondements, ceux de Montessori, Elise Freinet, Madeleine Guéritte qui voyaient l'éducation "comme cure" ou encore comme "culture de soi". Ce nouvel universalisme se heurtait toutefois à d’autres forces dont l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE) issue de la révolution russe, ce qui n’a pas empêché des échanges entre cercles d’influence d’origine différente. C'est ainsi que les instituteurs de la section française de l’ITE "préparent un manuel d’histoire dans l’esprit international, à un moment où le BIE entreprend de participer lui aussi à l’éradication des tendances bellicistes dans les manuel scolaires", l’ITE fournissant même au BIE une liste de correspondants.
Les acteurs de l’Éducation nouvelle au XXè siècle, sous la direction de X Riondet, R Hoffstetter et H.L. Go, Presses universitaires de Grenoble, prix : 23 euros.
Michel Delachair