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Mineur non accompagné : la France condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme

Paru dans Justice le jeudi 14 mars 2019.

La France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt du 28 février 2019, Khan c/France, pour défaut de prise en charge d’un mineur non accompagné.

Un jeune Afghan était arrivé seul en France à l’âge de 11 ans, en septembre 2015. Désireux de passer en Angleterre, il s’était installé dans une cabane de la zone Sud de la lande de Calais, sans être pris en charge par les autorités malgré son jeune âge. Un an plus tard, la zone Sud ayant été démantelée, il s’était installé, comme nombre d’occupants de la "jungle", dans un abri de fortune de la zone Nord. Ce changement, constate la Cour, a aggravé la promiscuité dans laquelle il vivait, le plaçant "dans un environnement totalement inadapté à sa condition d’enfant, que ce soit en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture ou aux soins, et dans une précarité inacceptable au regard de son jeune âge". Le démantèlement ajoute la Cour, renforçait la nécessité de sa prise en charge, compte tenu de la dégradation de ses conditions de vie.

C’est d’ailleurs ce qu’avait conclu, sur requête d’associations humanitaires, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, dont l’ordonnance du 22 février 2016 ordonnait que le mineur soit confié aux services de l’aide à l’enfance en placement provisoire, ordonnance qui n’a jamais été exécutée. Cette inexécution, indique la Cour, jointe au caractère particulièrement grave des circonstances de l’espèce, représente un manquement caractérisé aux obligations qui pèsent sur l’Etat concerné, s’agissant d’un mineur isolé âgé de douze ans, "c'est-à-dire d’un individu relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société".

La France soutenait que le requérant était en grande partie responsable de l’absence de prise en charge du fait de son manque de coopération : il ne s’était pas présenté devant le juge des enfants et n’avait fait aucune démarche pour obtenir sa prise en charge et elle en déduisait qu’il était plus motivé par son souhait de se rendre au Royaume-Uni que par l’envie d’obtenir un accueil. La Cour rejette l’argument, compte tenu de l’âge de l’intéressé et de sa faible connaissance de la langue française.

S’appuyant sur sa jurisprudence antérieure, la Cour rappelle que "la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal". Elle se déclare convaincue qu’en l’espèce, les autorités françaises n’ont pas fait ce qu’on était en droit d’attendre d’elles pour répondre à leur obligation de prise en charge et de protection de ce mineur.

L’inertie des pouvoirs publics constitue en l’espèce un traitement dégradant pour lequel le seuil de gravité requis par l’article 3 de la convention européenne  des droits de l’Homme est atteint. La Cour rappelle que le caractère inhumain ou dégradant d’un traitement dépend de facteurs multiples liés à l’ensemble du dossier d’espèce (durée du traitement, effets physiques ou mentaux, éventuellement sexe, âge ou état de santé de la victime). Mais il ressort de sa jurisprudence que constitue un traitement dégradant celui qui est de nature à inspirer à la victime des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à l’humilier ou à l’avilir. En l’espèce, conclut la Cour, compte tenu de la gravité de la situation et à la vulnérabilité de la victime, la France s’est bien rendue coupable d’une violation de cet article 3 et elle est condamnée à verser à la victime une indemnité de 15 000 euros.

André Legrand

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