L'ICEM-pédagogie Freinet demande au chercheur Franck Ramus de retirer ses propos sur C. Freinet. Sa réponse
Paru dans Scolaire le jeudi 14 mars 2019.
L'ICEM – Pédagogie Freinet demande au ministre de l'Education nationale, dans un courrier dont ToutEduc a eu copie, que "les propos calomnieux de Franck Ramus sur Freinet soient retirés de YouTube". Le chercheur, dans le cadre d'une conférence donnée à l'ESEN sur l'enseignement de la lecture, "lire et écrire en classe de CP" le 5 octobre 2018, conférence accessible sur l'Internet (ici), présente un état de la science sur l'apprentissage de la lecture, en conclut qu'il faut rejeter les méthodes non phoniques, qu'il faut enseigner de manière systématique les correspondances graphèmes mais que sur bien des points, "la messe n'est pas dite", notamment sur la lecture "globale" de quelques "mots outils".
Au passage, le conférencier prend deux citations de Célestin Freinet, "Il y a seulement une façon pour l'enfant d'apprendre à parler, selon le seul processus naturel et général de tâtonnement expérimental” et "en adaptant à l'acquisition de lecture-écriture une méthode identique, nous retrouvons le processus intime, nous établissons des connexions sensibles, permanentes et indélébiles". Il commente, "Pour Freinet, l'enfant apprend à parler de manière spontanée par simple exposition..." et il ajoute “On en conclut que l’enfant apprend à lire de façon spontanée par simple exposition”. Pour lui, sur ce point, "Freinet a "tout faux" car on n'apprend pas à lire comme on apprend à parler.
Or ce n’est pas ainsi que les pédagogues de l’ICEM-Pédagogie Freinet comprennent ces formules. "C’est méconnaitre profondément la 'Méthode naturelle d’écrit-lecture' que penser qu’elle serait uniquement un 'bain' sans interaction avec le milieu, le groupe classe et sans actions fortes du professeur." Ils font de plus remarquer que la méthode initiée par Freinet a depuis été approfondie par les "praticiens-chercheurs" qui "n’abandonnent pas les entrainements et exercices nécessaires à l’automatisation de la lecture et de l’écriture".
L'ICEM demande à Franck Ramus "de s'informer sur la Méthode naturelle d’écrit-lecture" et se met "à sa disposition pour répondre à toutes ses questions", d'autant que son statut de membre du conseil scientifique placé auprès du ministre lui donne une position d'autorité auprès des IEN (inspecteurs de circonscription) auxquels il s'adressait, et qui à leur tour répercutent ses propos auprès des enseignants.
En ce qui concerne la méthode naturelle, d'écrit-lecture, "elle n’est ni une méthode globale, ni une méthode syllabique, ni une méthode idéovisuelle, ni une méthode mixte", l'enfant est producteur de textes qui constituent "la source de nombreuses activités de recherche" pour entrer dans un processus de "compréhension progressive du système orthographique et du code alphabétique grâce au travail du groupe coopératif" (Dictionnaire de la pédagogie Freinet, 2018, éditions ESF et ICEM). Le mouvement pédagogique fait également valoir le travail mené à Mons-en-Baroeul par l'équipe d'Y. Reuter dans une école "Freinet" dont les résultats sont largement supérieurs à ceux d'autres écoles (Une école Freinet, Editons L'Harmattan).
Dans sa réponse, dont ToutEduc a également eu copie, F. Ramus refuse toute censure de ses propos et il estime cette plainte "tout à fait infondée", même s'il admet "un raccourci qui ne rend pas justice à la pensée et aux préconisations de Freinet". Il signale d'autre part qu'il a, dans cette même conférence, indiqué que le pédagogue "avait dit des choses très intéressantes". Il ne peut en revanche "rien dire" de la méthode Freinet, "faute d’évaluation rigoureuse". Quant aux travaux de l’équipe d’Yves Reuter à Mons-en-Baroeul, "le niveau de preuve apporté est très faible" du fait d'un défaut méthodologique. Il est "prêt à rediscuter" de ces sujets avec l'ICEM, "notamment des conditions dans lesquelles une véritable évaluation pourrait avoir lieu".