Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

École de la confiance, l'esprit de la loi : formation et recrutement des enseignants, retour aux fondamentaux et gestion de la pénurie

Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 04 mars 2019.

Avec le projet de loi "pour une école de la confiance" que l'Assemblée nationale a adopté le 19 février 2019 en première lecture (lire ici), les organismes en charge de la formation des enseignants ne font pas que changer de nom. La loi opère aussi une réforme des contenus avec un retour à une formation centrée sur l'enseignement des fondamentaux, fondamentaux dont Jean-Michel Blanquer a fait sa priorité pour l'école, et introduit des dispositions importantes en matière de recrutement, comme celle de pouvoir faire appel à des assistants d'éducation (AED) en L3 pour remplacer des enseignants. Certaines de ces mesures sont bien accueillies par les Républicains, comme le retour aux fondamentaux, mais la politique visant à pallier la pénurie d'enseignants fait grincer des dents. Les opposants y voient, non pas une politique visant à renforcer l'attractivité du métier, mais une façon de "gérer la pénurie" de candidats.

L'une des rapporteures de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Fannette Charvier (La République En Marche, LREM), indiquait que cette pénurie se traduisait par la perte de pratiquement la moitié du nombre de candidats au concours de recrutement des professeurs des écoles entre 2005 et 2018, alors que le nombre de postes offerts avait augmenté de près de 75 %.

Formation : retour aux fondamentaux mais la majorité maintient la possibilité de recours à des méthodes innovantes

C'est le ton donné à la réforme du contenu de formation des enseignants : la "priorité" des futurs INSPE (Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation), qui remplaceront les actuelles ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l'éducation) créés par la loi Peillon de 2013, sera d'assurer "la maîtrise des savoirs fondamentaux et l'apprentissage de leur transmission", même si ce ne sera "pas leur seule finalité".

Si la majorité confirme ainsi le cap donné dès le début de la mandature par le ministère qui a remis au centre des apprentissages au primaire ces fondamentaux, notons qu'elle n'a pas souhaité enfermer la liberté pédagogique des enseignants comme le souhaitait le Groupe des Républicains (LR). Ces députés demandaient, entre autres, à mettre en place un outil de certification des "méthodes qui ont fait leur preuve" (Frédéric Reiss, LR) pour transmettre les savoirs fondamentaux et "éviter ainsi le recours "libre" des enseignants aux méthodes qu'ils souhaitent", notamment à des "méthodologies innovantes". Fannette Charvier justifiait l'avis défavorable émis envers ces amendements en soulignant le rôle de la recherche à laquelle doivent s'adosser les établissements de formation et l'importance de ne pas "se priver de tous les progrès des sciences cognitives".

Recours aux AED en L3 pour remplacer les profs : une logique de moindre coût ?

Au-delà des contenus et des non-adhésions au changement de nom des organismes de formation, jugé par certains comme injustifié alors que rien n' "empêchait de proposer des changements de contenu au sein des organismes actuels", comme le relevait Michèle Victory (Socialistes et apparentés), c'est surtout la mesure instaurant un nouveau dispositif de pré-recrutement qui a suscité le plus de réactions négatives. La nouvelle mesure vise à permettre à des étudiants en L3 qui exercent des fonctions d'AED et souhaiteraient se destiner au métier d'enseignant, d'effectuer des remplacements et de "percevoir une rémunération en contrepartie des quelques heures de professionnalisation, cumulable avec les bourses auxquels ils peuvent avoir droit par ailleurs". "Très beau dispositif", selon Fannette Charvier, "l'un des plus beaux" de la loi, selon Jean-Michel Blanquer parce que "éminemment social", il a, selon eux, "vocation à améliorer l'attractivité du métier, en particulier à destination de jeunes issus de milieux modestes, pour lesquels la perspective d'un recrutement à bac plus cinq pourrait se révéler décourageante". Les opposants, comme Elsa Faucillon (Gauche Démocrate et Républicaine, GDR), y voient plutôt l'instauration de "brigades de remplacements sans formation".

Car c'est sur la dimension de formation - ou fr son absence - que se sont concentrées les plus violentes critiques, même si le ministre assure que ces étudiants pourront "être accompagnés pédagogiquement" en parallèle d'une familiarisation progressive "avec des gestes et une culture professionnels". Ainsi, observe Sabine Rubin (La France Insoumise, LFI), les AED en L3 pourront "se voir confier une classe, sans que cela leur garantisse en aucune manière de bénéficier d’une formation de nature à leur permettre de dispenser un enseignement de qualité". "Le métier d'enseignant est difficile et ne s'improvise pas", poursuivait-elle. "Ce n'est pas parce que l'on suit des cours d'histoire à l'université que l'on est capable d'enseigner à une classe de troisième. Il faut être formé, savoir prendre du recul par rapport à sa matière, connaître les outils pédagogiques, le programme." Celle-ci ne voit pas non plus en quoi la mesure est sociale puisque ces étudiants gagneront globalement le même revenu qu'en tant qu'AED, en continuant de suivre leurs études.

Refus d'opter pour un dispositif plus encadré sous condition d'engagement des étudiants à travailler ensuite dans l'Education nationale

Un système "bien loin" du dispositif de pré-recrutement de type IPES (Institut de préparation aux enseignements de second degré), "où des fonctionnaires stagiaires percevant un vrai salaire et bénéficiant d’un engagement de longue durée se trouvaient en situation de professionnalisation, et non de simple remplacement de personnels titulaires", et qui s'apparente, selon la députée, "non à un pré-recrutement, mais à une façon de boucher les trous".

Les députés hostiles à cet article qui ne dessine pas, selon eux, les contours, le statut et les missions des assistants d'éducation amenés à être sollicités, ce qui "ne permet pas d'écarter le risque d’une précarisation", ont soumis à l'Assemblée d'autres propositions qui ont été retoquées. Ces amendements, déposés par Elsa Faucillon et Bastien Lachaud (LFI), prévoyaient que les étudiants qui se destinent à la carrière enseignante puissent voir leurs études financées en contrepartie de leur engagement à rejoindre l'Education nationale. Bastien Lachaud y mettait une condition de "critères sociaux" et Elsa Faucillon une condition de temps - 5 ans au moins à travailler pour l'État après le concours -. La députée suggérait aussi la création d'un statut de fonctionnaire-stagiaire pour ces étudiants.

Le détail des comptes-rendus des débats ici

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →