Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Pour une école de la confiance, l'esprit de la loi : l'école inclusive, beaucoup de mots, mais pour quelles réalités ?

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le jeudi 21 février 2019.

"Faire que tous les enfants dont le handicap est diagnostiqué – on en dénombre 340 000 aujourd'hui dans notre système scolaire – soient pris en charge le plus rapidement et, surtout, le plus efficacement possible. (…) Faire véritablement émerger un grand service public du handicap à l'école, avec la création de 80 000 postes d'agents publics répartis au sein de différents pôles sur tout le territoire et qui, en toutes circonstances, sur le temps scolaire et périscolaire, accompagnent les enfants en situation de handicap." Tels sont les grands objectifs concernant ce public affichés dans le projet de loi "pour une école de la confiance" que l'Assemblée nationale vient d'adopter, ce mardi 19 février 2019 en première lecture (lire ici). À côté, méthodes qui ont prévalu à sa rédaction, orientations proposées puis retenues, interrogations et critiques émises par ailleurs à l'occasion de son examen dans l'hémicycle, en disent davantage sur l'esprit qui "anime" cette "école inclusive". Ce chapitre, ajouté tardivement au projet, ne fait pas grincer des dents que par les délais contraints imposés de ce fait aux parlementaires pour étudier les mesures.

Le chapitre rassemble l'ensemble des dispositifs pour une école inclusive qui ont commencé à être adoptés dans le cadre de la proposition de loi de Christophe Bouillon (Socialistes et apparentés), votée par l'Assemblée le 31 janvier dernier, parmi lesquels : la présence d'un l'accompagnant ; des contrats de trois ans dès le premier contrat à durée déterminée pour les AESH ; une formation initiale renforcée pour les professeurs ; une attention au bâti lors de constructions ou de rénovations. Principale nouveauté, la création de PIAL, pôles inclusifs d'accompagnement localisés qui coordonneront les moyens humains dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap au sein des établissements publics et privés sous contrat en vue d' "une meilleure prise en compte des besoins éducatifs particuliers".

"Oubliée" dans le premier projet de loi 

Difficile de ne pas commencer par ce qui a fait l'objet de l'une des critiques les plus importantes dans l'hémicycle et parce que cela soulève la question de la place du handicap dans cette nouvelle "École de la confiance" : "oublié" dans la première mouture, l'intégralité du chapitre (intitulé "Le renforcement de l'école inclusive") a été ajouté par le Gouvernement sous forme d'amendement après le dépôt du projet en décembre 2018, donc privé de son examen par le Conseil d'État et par la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Cet ajout tardif ajoute à la difficulté, dénoncée par de nombreux députés, d'étudier des mesures et axes essentiels sur des temps aussi courts.

Sur la méthode, se greffe une deuxième grande critique partagée par nombre de députés, des modifications proposées par la majorité qui s'attardent surtout sur des éléments de langage au détriment de mesures plus concrètes, à l'instar de l'amendement n°832, qui invite, en tenant compte des observations du Conseil national consultatif des personnes handicapées, à abandonner dans le code de l'éducation le terme "inclusion" au profit de l'adjectif "inclusif", comme dans les expressions "environnement inclusif" ou "société inclusive". 

Une "modernisation" des éléments de langage au détriment de mesures de fond ?

"Personne ne verra d'inconvénient à ce que nous préférions 'inclusif' à 'inclusion' ou 'intégration' mais ce n'est là qu'un millimètre du chemin que nous avons à parcourir dans ce domaine", commentait Aurélien Pradié (LR). Des discussions "futiles", selon lui, et "symptomatiques d'une manière très superficielle d'aborder le sujet", alors que "les familles qui nous regardent attendent autre chose que des discussions accessoires et sémantiques !"

Certes, les éléments de langage contribuent à faire reconnaître une situation, une problématique, un public, et à "changer le regard sur la différence" voulu par le ministre. Ils peuvent avoir beaucoup de sens quand il s'agit par exemple, c'était l'objet d'un amendement qui a été adopté, d'intégrer des éléments relatifs à un environnement inclusif dans le règlement intérieur de l'établissement scolaire. Mais beaucoup estiment que les propositions, notamment en faveur des AESH ne sont pas assez "ambitieuses" pour "extraire" ces derniers de la précarité salariale.

AESH : la poursuite de ce qu'avait engagé Najat Vallaud-Belkacem

Les objectifs fixés et adoptés dans le projet étaient résumés Jean-Michel Blanquer à l'Assemblée : "nous créerons à la rentrée prochaine 12 400 postes d'AESH, qui se substitueront aux contrats aidés. En 2020, nous aurons réussi à généraliser les postes d'AESH, faisant disparaître les contrats aidés. Les sommes consacrées au handicap dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 représentent 2,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 45 % depuis 2016." Autres évolutions à venir, "pour la première fois, en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap, nous aurons uniquement, en France, des AESH et non des contrats aidés". Pour ces derniers est également prévu un volet formation et garanti un premier contrat d'une durée minimum de 3 ans.

Soulignons néanmoins au-delà des annonces et comme l'a fait le député Christophe Bouillon, qu'une partie de ces objectifs n'est pas et ne sera pas atteint grâce à ce projet de loi. Ainsi, rappelait le député, "la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République a introduit l'inclusion scolaire dans le code de l'éducation. (…) Le projet de loi de finances pour 2014 prévoyait la création des AESH. En 2016, la décision a été prise de faciliter le basculement de postes d'AVS – qui sont des contrats aidés – vers des postes d'AESH, qui sont des contrats de droit public."

Derrière la mutualisation des moyens, une gestion de la pénurie ?

Enfin, concernant l'organisation, la décision de généraliser des pôles inclusifs d'accompagnement localisés ou PIAL (qui coordonnent les moyens humains dédiés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap au sein des établissements publics et privés sous contrat), a constitué l'un des principaux points d'achoppement. D'abord parce que le dispositif n'est expérimenté que depuis la rentrée 2018 dans toutes les académies, délai qui ne permet pas de rendre compte d'observations et de résultats probants, qu'il n'est pas assorti d'une étude d'impact et que, parce qu'introduit par amendement, le sujet est privé de l'avis du Conseil d'État.

Surtout, ces dispositifs sont "davantage perçus comme des outils de gestion de la pénurie de ressources humaines que comme des instruments de coopération des acteurs autour de l'enfant", commente encore Aurélien Pradié, qui indique par ailleurs que "le développement d'accompagnants mutualisés au détriment d'accompagnants individualisés est particulièrement redouté sur le terrain", notamment des familles et des collectifs d'AESH. Pour répondre à cette inquiétude, un amendement proposait d'ailleurs de donner le pouvoir à la famille, dès lors qu'une aide mutualisée est attribuée à un enfant, de demander à tout moment, avec l'équipe éducative, un retour à une aide individualisée. Proposition néanmoins retoquée.

La députée Elsa Faucillon (Gauche Démocrate et Républicaine) plaidait, elle, pour des propositions visant à "renforcer l'attractivité du métier" d'AESH confronté à un vrai "manque" en la matière, propositions qui permettraient de "franchir l'obstacle par le haut" plutôt que d'opter "pour la gestion de la pénurie", logique à laquelle répond, selon elle, la création des PIAL, et qui risque d'aboutir "à des mutualisations forcées".

Quels moyens ?

Concernant le nombre annoncé, sur lequel beaucoup n'ont pas caché leur scepticisme, Patrick Hetzel (LR) s'interroge sur les conséquences de l'instauration de l'obligation d'instruction à 3 ans. Le député indiquait que les enfants handicapés, au regard des informations données par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), représentent un grand nombre des 25 à 26 000 enfants actuellement non scolarisés à cette tranche d'âge et amèneront donc, de ce fait, un besoin supplémentaire en accompagnement. Ces derniers, interrogeait-il, disposeront-ils réellement tous d'un AESH, alors qu' "à la rentrée dernière déjà, la disponibilité d'un AESH pour chaque élève en situation de handicap n'était pas assurée" ?

Au final, la plupart des amendements émanant de l'opposition sont restés "lettres mortes", alors que certains pouvaient avoir un impact sur le fonctionnement et la sensibilisation : à l'instar de ceux qui visaient à prévoir une formation continue des enseignants avant la rentrée sur les troubles dys, à assurer aux AESH la possibilité de bénéficier d'une formation au BAFA, à ce que que soit défini dans la loi le cadre des missions des AESH référents et le degré d'expérience requis pour prétendre à cette fonction (afin, aussi, d'éviter le recours à des acteurs administratifs) ou encore ceux qui proposaient d'introduire dans l'EMC la prévention des discriminations notamment à l'égard des personnes handicapées.

Néanmoins, l'Assemblée a inscrit dans la loi une disposition qui vise à garantir, au plus tard quarante-cinq jours avant la rentrée scolaire, l'assistance d'un AESH aux familles qui auront déposé un dossier à la MDPH cinq mois auparavant. Une décision importante, alors que la commission et le ministre ont émis sur beaucoup d'autres sujets des avis défavorables dès lors qu'il s'agissait de légiférer pour imposer des règles et des délais à l'administration. L'Assemblée a également adopté un autre sous-amendement qui vise à faire reconnaître la complémentarité des expertises des personnels qui se côtoient (enseignants, divers personnels : AESH, professionnels du secteur médico-social, éducateurs spécialisés, orthophonistes ou psychologues), "car chacun concourt à la sécurisation et à la réussite des parcours de formation des élèves en situation de handicap".

Le détail des comptes-rendus des débats ici

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →