Jouer aux jeux vidéos: Un nouveau rite de passage vers l’âge adulte?
Paru dans Périscolaire, Justice le lundi 29 mars 2010.
"Les médias mettent communément en avant les risques d’addiction qui guettent le jeune accro aux jeux vidéos. Par ailleurs, ils agitent le spectre d’un accès facilité à la violence, voire d’une incitation à des comportements violents. En propageant ces thèmes, notre société perd la compréhension profonde du phénomène", a estimé vendredi 26 mars Benoît Virole, psychologue et psychanalyste. Son intervention s’inscrivait dans le cadre du colloque Adolescences, quels futurs?, organisé à l’université Paris VII par Catherine Zittoun et les 11è et 3è secteurs de psychiatrie infanto-juvénile de l’EPS Maison Blanche.
Benoît Virole a estimé que les jeux vidéos remettaient au goût du jour des comportements de rituels. Il a précisé qu’au sein de nombreuses tribus, le rituel de passage à l’âge adulte passait par l'exil (le jeune se retire dans la forêt), le combat de guerriers et un phénomène de mascarade (totems et peintures corporelles…).
Premier point: Les jeux vidéos offriraient aux adolescents la possibilité même d’un exil. "Nous n’avons plus d’île au trésor à découvrir avec la globalisation du monde. Plus de terre inconnue. Les jeux vidéos sont un exutoire du désir d’aventure, de découverte."
Deuxième point: Ils offriraient une réponse à un besoin structurant de combat. "Affronter l’autre, c’est reconnaître ses limites, se situer dans la société. On peut considérer que le besoin d’affrontement physique est un corrélaire du passage à l’âge adulte, ce qui est puissamment exprimé dans les rites de passage des sociétés primitives. Or, notre société contemporaine occidentale refuse toute dimension de violence et n’offre pas de cadre pour sublimer cette violence." Pour Benoît Virole, les jeux vidéos viendraient pallier un refoulement collectif des instincts agressifs.
Troisième point: Le virtuel permettrait au jeune de se présenter à l’autre suivant un souhait particulier, dans un certain intérêt, ce qu‘il a précisément résumé sous la notion de "mascarade". "Les jeux vidéos en réseau remplissent le rituel de présentation de soi. Le sujet se présente masqué. Il met devant lui des attributs qui ne sont pas réels. Ce qui compte n’est pas le contenu du message transmis mais le contact social."
Si les jeux vidéos présentifient des éléments refoulés de la culture contemporaine, sublimant en particulier les instincts violents, Benoît Virole s’est refusé à tout optimisme forcené: "Tout n’est pas rose, car ces rituels actualisés se font dans un contexte historique et culturel précis, celui de la société de marché, avec comme écueil potentiel la réduction de la relation humaine à une relation de marché".