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Autorisations d'absence des enseignants : le Conseil d'Etat précise les règles (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le vendredi 08 février 2019.

Un fonctionnaire est aussi un individu comme les autres dont la vie peut être embellie ou assombrie par des événements privés sans rapport avec sa vie professionnelle : mariage, décès d’un proche, perturbations familiales. C’est aussi un citoyen qui peut être soucieux de participer aux affaires de la Cité, par exemple en se présentant aux élections ou en prenant part aux débats politiques. Enfin, il est un travailleur et toute l’évolution qui s’est produite depuis la fin de la première guerre mondiale a tendu à gommer en partie les spécificités de la fonction publique pour la rapprocher de plus en plus du milieu du travail ordinaire.

L’existence d’un régime d’autorisations d’absence dans le droit de la fonction publique tend à prendre en compte ces autres aspects de la personnalité du fonctionnaire, en lui permettant de mettre un temps sa vie professionnelle entre parenthèses et de faire exceptionnellement et provisoirement prédominer ces autres aspects de sa personnalité au cours de ce qui devrait constituer des périodes de travail. Ce régime constitue un élément de son statut et il lui confère certains droits. C’est pourquoi, lorsqu’il est fixé par circulaire, le Conseil d’Etat, comme il vient de le faire le dans un arrêt du 30 janvier 2018, considère, en application de la jurisprudence Mme Duvignères de 2002, que celle-ci comporte des dispositions impératives à caractère général de travail, qu’elle fait donc grief et qu’elle peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Un recours du SNES

Cet arrêt concerne une circulaire prise le 15 mars 1017 par la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, relative à l’amélioration du dispositif de remplacement des enseignants et qui a fait l’objet d’un recours du SNES. Le Conseil d’Etat commence par rappeler les limites de l’action de ce dernier : d’une part, les seules dispositions attaquées sont celles qui, en annexe de la circulaire, concernent les autorisations d’absence. De l’autre, en vertu de ses statuts, le SNES n’a vocation à défendre que les intérêts des enseignants du second degré. Sa requête est donc irrecevable lorsqu’elle porte sur des dispositions ne concernant que ceux du premier degré

Parmi les autorisations d’absence susceptibles d’être accordées aux fonctionnaires, certaines sont de droit et ne peuvent être refusées ; d’autres sont simplement facultatives pour l’administration.

Parmi les premières, figurent celles qui permettent de se présenter aux élections politiques. Elles sont prévues par le code du travail, mais, en vertu d’une disposition expresse de ce dernier, elles s’appliquent aussi aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de l’Etat, lorsqu’ils ne bénéficient pas de dispositions plus favorables. Elles vont jusqu’à vingt jours pour les élections législatives et sénatoriales et dix jours pour les élections locales et européennes. Elles peuvent être accordées en une ou plusieurs fois en fonction des besoins de l’agent. Le même code dispose que le salarié en bénéficie "à sa demande", à condition que chaque absence soit au moins d’une demi-journée et que la hiérarchie ait été prévenue au moins 24 heures à l’avance..

Des "facilités"

Les autorisations d’absence accordées à ce titre ont été transformées en facilités de service par une circulaire du 10 février 1998. Dans ce cas, le code du travail prévoit que l’employeur aménage le temps de travail avec l’accord du salarié ou que les heures fassent l’objet d’une récupération a posteriori. Mais il est aussi possible qu’elles soient déduites des congés annuels ou des heures de RTT ou tout simplement non rémunérées.

Le Conseil d’Etat constate qu’aux termes de ces dispositions, seules trois restrictions peuvent être apportées au choix du salarié candidat à une fonction publique élective : les limites apportées au crédit global d'heures d'absence autorisées, les délais de prévenance du chef de service et la durée minimale de chaque absence. En l’espèce, la circulaire en ajoutait une, non prévue par les textes en vigueur, en indiquant que les autorisations d'absence peuvent être accordées en une ou plusieurs fois, "en fonction des besoins de l'agent sous réserve des nécessités du service". En prévoyant que d'éventuelles nécessités du service puissent limiter la liberté de l’agent, la circulaire ajoutait donc illégalement aux dispositions existantes ; elle était donc illégale sur ce point et le Conseil annule les mots "sous réserve des nécessités du service". Le fait que la circulaire autorise la déduction des durées d’absence des jours de RTT, alors que les enseignants n’en disposent pas est sans incidence sur sa légalité.

Les congrès d'organisations syndicales

Relèvent aussi de la catégorie des autorisations de droit celles accordées pour la participation à des congrès d’organisations syndicales, même si elles le sont sous réserve des nécessités du service. Celles-ci, prévues par un décret du 28 mai 1982, précisé par une circulaire du 3 juillet 2014, sont accordées, rappelle la circulaire, aux représentants des organisations syndicales dûment mandatés pour participer à des congrès ou à des réunions d'organismes directeurs de syndicats, quel que soit le niveau de ces syndicats. Les refus éventuels d'autorisation d'absence opposés à ce titre font l'objet d'une motivation de l'administration. La durée de cette absence est de 20 jours par an et par agent pour les réunions ou congrès des organisations syndicales internationales ou représentées, directement ou par affiliation, au conseil commun de la fonction publique et de 10 jours par an et par agent pour les réunions ou congrès des organisations non représentées à ce conseil. S’agissant de la participation à des congrès ou réunions d’organismes directeurs des organisations syndicales internationales, la durée de l’absence est portée uniformément à 20 jours pour les agents mandatés de toutes les organisations syndicales, représentées ou non au conseil commun. Le juge constate que la circulaire de 2017 s’est contentée de rappeler ses dispositions.

Relèvent enfin de la même catégorie les autorisations d’absence accordées aux représentants syndicaux pour participer aux instances de concertation de la fonction publique (par exemple le conseil commun de la fonction publique, le Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, le Conseil supérieur de l’Education, les comités techniques, les commissions administratives paritaires ou les conseils d'administration des établissements d'enseignement). Elles sont accordées sur simple présentation de la convocation.

Les instances de concertation

Le décret de 1982 prévoit que, pour chaque département ministériel, la liste des instances de concertation dont les réunions peuvent justifier des autorisations d'absence peut être complétée par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique et du ministre intéressé. Mais, dit le Conseil d’Etat, cette habilitation ne permettait à une simple circulaire ministérielle ni de se substituer à ces instances, ni de plafonner la durée des autorisations d’absences autorisées. En décidant que les autorisations d’absence en cause seraient "accordées de droit dans la limite de deux à trois jours par an" aux représentants syndicaux appelés à siéger au sein des instances de concertation énumérées par la circulaire du 3 juillet 2014, la circulaire de 2017 méconnaissait les dispositions réglementaires en vigueur en y ajoutant une précision nouvelle. Le juge annule donc les mots "dans la limite de deux à trois jours".

Les autorisations pour évènements familiaux, tels un mariage ou la conclusion d’un PACS (5 jours en principe), le décès du conjoint ou d’un proche (3 jours augmentés des délais de route en ligne directe, un jour pour des parents collatéraux), la maladie grave du conjoint, les soins ou la garde d’enfants, ont au contraire traditionnellement un caractère facultatif pour l’administration : ce sont des mesures de bienveillance auxquelles le fonctionnaire n’a pas droit. De telles absences sont prévues par le code du travail, mais, à la différence des précédentes, ces dispositions ne sont pas étendues par un texte aux agents liés à l’administration par un lien de droit public.

Cela n’empêche des circulaires, telle que celle attaquée, de prévoir des autorisations d’absence pour ces motifs, mais, édictées par cette catégorie de texte, elles n’ont pas de valeur réglementaire et sont simplement indicatives. Le fait pour la circulaire de rappeler leur caractère facultatif n’est donc pas illégal, pas plus que ne l’est le fait de fixer des durées d’absence ou de délais de route différentes entre agents titulaires et contractuels.

La décision n° 410518 du 30 janvier 2019 ici

 

 

André Legrand

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