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La GRH de l'Education nationale peut évoluer pour une meilleure reconnaissance des parcours des enseignants (rapport des inspections générales)

Paru dans Scolaire le dimanche 27 janvier 2019.

Comment passer d'une "gestion quantitative à une gestion qualitative des enseignants" ? C'est la question à laquelle répondent les deux inspections générales de l'Education nationale dans un texte court, une trentaine de pages, mais dru, qui se garde bien de condamner l'attachement des personnels à un système parfois décrit comme archaïque : "Le système éducatif français se caractérise par l’identification très forte des enseignants à sa construction et à ses buts", avec pour moment fondateur la création en 1806 de l’Université impériale et d' "un corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publics". C'est pourquoi l’État doit rester fidèle à "l’engagement moral qu’il a souscrit en rattachant le corps enseignant contemporain à la tradition universitaire" et respecter "sa dignité, son autonomie et son statut". C'est aussi ce qui explique "la crainte souvent exprimée de voir revenir le temps de l’arbitraire, lorsqu’on évoque une place plus grande accordée aux chefs d’établissement dans le choix des équipes enseignantes".

Autre élément remarquable souligné par les auteurs, "les instances paritaires ne sont pas vécues, pour la plupart des syndicats enseignants, comme un lieu de la lutte des classes entre salariat et patronat mais comme une instance de régulation entre l’État et des fonctionnaires qui le servent et le constituent. Ce rapport particulier à l’État employeur est là encore un élément culturel dont il convient de tenir compte dans la manière d’envisager les réformes de la gestion des enseignants."

Enfin, la gestion quantitative des 884 000 enseignants de l’enseignement public et privé sous-contrat est "efficace et efficiente". Elle est capable, "au premier septembre de chaque rentrée scolaire, de permettre d’affecter chacun d’entre eux devant une classe et d’effectuer, sans incident notable, tous les actes nécessaires au suivi de leur carrière, de leur recrutement jusqu’à leur retraite, en passant par leurs affectations, mutations, rémunérations et promotions" alors qu'une académie comme celle de Montpellier "possède un ratio d’un gestionnaire pour 324 agents".

Des éléments de gestion qualitative sont pourtant bien présents. Pour l’enseignant qui a acquis "une stabilité, dans ses pratiques et son lieu d’exercice, l’essentiel de la gestion quotidienne se fait au sein de l’établissement" et "elle se révèle particulièrement qualitative", qu'il s'agisse des classes attribuées, du nombre d’heures supplémentaires, de l’emploi du temps, des "responsabilités éventuelles (professeur principal, tuteur, coordonnateur disciplinaire...)", de la création de clubs... Mais "l’idée de relier directement une partie des rémunérations des enseignants aux progrès enregistrés par les élèves, testée dans plusieurs pays dans les années quatre-vingt, a fait l’objet de nombreuses études qui ne permettent pas de conclure à un effet clairement positif sur la performance globale du système, tout en mettant en lumière une série d’effets indésirables (triche, activité éducative restreinte aux compétences testées au détriment de compétences plus complexes ou transversales, compétition et affaissement du travail collectif). Une piste plus prometteuse consiste à encourager (par des primes, mais surtout des évolutions de carrière) les pratiques vertueuses (travail collectif, investissement dans la formation)."

Les inspecteurs notent pourtant un certain nombre de difficultés qui imposent une évolution. "La gestion de masse à laquelle les acteurs du système sont confrontés génère un sentiment général d’insatisfaction, qui ne porte pas nécessairement sur les mêmes points et qui n’a pas nécessairement la même intensité, selon les interlocuteurs et selon le lieu où ils exercent leur activité."

Dans le premier degré, certains territoires sont confrontés à une crise d’attractivité. Dans le second degré, ce sont certaines disciplines qui sont en difficulté et la mission propose de faire évoluer les concours "tout en gardant un schéma de recrutement national majoritaire", mais pourquoi pas des concours nationaux "à affectation académique"?

Afin de combler ces déficits, l’administration a utilisé "la voie des troisièmes concours". Mais leur calibrage se fait "presque partout" en fonction du rendement des concours externes et internes "et non pas dans l’objectif qualitatif de diversifier le recrutement". Par ailleurs "une fois que ces candidats, en réalité très souvent forts diplômés et très motivés, sont lauréats du concours, ni leur formation, ni leur affectation ne tire profit de leurs expertises diverses (...). Il n’est pas davantage tenu compte de leurs faiblesses ou des insuffisances qui ont pu être identifiées, en matière pédagogiques ou didactiques, afin d’individualiser leur parcours." Quant aux personnels contractuels, ils doivent "être considérés comme une ressource pérenne et le processus de leur recrutement doit donc systématiquement faire une part à la validation par les personnels de direction, qui pourraient y associer les enseignants du champ disciplinaire concerné".

Les auteurs n'évoquent qu'en passant la formation initiale, mais s'inquiètent des premières années d’exercice qui constituent "une épreuve", laquelle peut s’avérer "déstabilisatrice, voire destructrice". C'est pourquoi "développer l’accueil, dans tous les sens du terme, constitue un chantier prioritaire", accueil dans l'académie et dans l'établissement qui gagnerait à être cadré "par un guide auxquels puissent se référer responsables d’établissement et enseignants". Mais également "accueil plus symbolique dans la fonction même : "aucun moment véritablement solennel ne marque l’entrée du néo-titulaire dans son corps de carrière et aucun document ne symbolise la forme de 'contrat' qui s’établit entre lui et la Nation."

En ce qui concerne la formation continue, le rapport évoque une particularité française, "elle ne relève pas de la DGRH, mais de la DGESCO, "comme si elle constituait un élément détachable du reste de la gestion des ressources humaines", ce qui explique qu'il lui manque "une dimension de développement professionnel et personnel. Comment évoluer professionnellement, comment changer de voie, quelles conditions pour revenir après avoir exercé quelques années dans le privé, quel lien entre formation continue et carrière ? Autant de questions, banales pour une GRH classique, mais difficilement traitables par une formation continue pensée autour des besoins pédagogiques et de la mise en place des réformes éducatives." Il souligne aussi, après la Cour des comptes, "la difficulté de penser la formation continue dans la perspective de la carrière d’un enseignant (...) Y a-t-il une pensée de cette construction, une trace de cette évolution ? Un enseignant avec vingt ans de carrière est-il considéré autrement qu'un enseignant débutant lorsqu’une formation liée à un changement de programme est mise en place ?"

De même, l’engagement des enseignants prend de multiples formes, "tutorat, coordination, formation, participation à des conceptions de sujets, création et animation de partenariats..." dont la reconnaissance "demeure très fragile" car elle n'est pas pensée "dans la durée, ni systématiquement relié(e) aux bénéfices espérés pour le système". Le rapport propose d'envisager sous le nom de "missions" une amplification de ce que permettent les IMP et "on peut imaginer que ces missions permettent d’ouvrir le champ des possibilités professionnelles : avoir en temps partagé des responsabilités au sein de l’équipe de direction tout en gardant une charge d’enseignement" par exemple. Autre proposition, mettre en place "des d’échelles de carrière" avec "différentes voies d’évolution", une voie d’expertise pédagogique, une voie menant peu à peu vers des fonctions d’organisation et de direction, et une voie d’expertise disciplinaire, ce qui aurait "pour mérite de permettre à l’enseignant d’avoir une reconnaissance pérenne des compétences acquises, de lui ouvrir la voie d’un développement professionnel nouveau, d’attirer des profils ambitieux et de permettre à l’institution de valoriser des compétences qu’elle estime nécessaires à la réussite des élèves".

Autre piste de réflexion, "la poursuite, voire l’achèvement, de la déconcentration des actes de gestion" des personnels du second degré. La mission pense notamment "au calibrage académique des recrutements", à la première affectation des néo-titulaires ou à la gestion des promotions des personnels agrégés, à propos desquels "il convient d’être attentif" au fait que "supprimer la gestion nationale pourrait être vécu comme une perte symbolique à ne pas sous-estimer". Il faudrait "que ce transfert s’accompagne d’une redéfinition de la place des agrégés dans le système éducatif".

Le maillage du territoire constitue un autre thème du rapport, "il n’y aurait que des avantages" à harmoniser "les délimitations entre premier degré et second degrés afin de constituer un ensemble cohérent ouvert à tous les enseignants, de la maternelle aux sections d’enseignement supérieur des lycées, par agrégation d’un certain nombre d’écoles, de collèges et de lycées". Encore faudrait-il que les services académiques puissent y déployer un minimum d’agents.

Plus généralement, souligne le rapport, "la première condition de réussite (d'une réforme) tient dans la participation des acteurs à l’élaboration des évolutions", la deuxième "tient dans la capacité à relier les évolutions à la pratique quotidienne des acteurs et aux valeurs qu’ils associent à cette pratique". Il ne suffit pas qu’une évolution ait pour but "l’amélioration du système pour qu’elle soit ressentie comme telle par les acteurs". La troisième "tient dans la reconnaissance et la considération accrue qui doivent naître de la réforme, et de l’engagement qu’elle doit valoriser et encourager : reconnaissance des chefs d’établissements en tant que premiers responsable ressources humaines (RH), des acteurs de la gestion en académie comme concourant au bien être des enseignants, des enseignants comme professionnels reconnus et valorisés comme tels." A noter que, si ces conditions sont respectées, le service des PLP pourrait être "adapté à une organisation du temps des élèves (de lycée professionnel) qui est fortement annualisée", ce qui ne serait pas le cas pour les autres enseignants du second degré, dont les élèves ont un emploi du temps hebdomadaire.

Le rapport "De la gestion quantitative à la gestion qualitative des enseignants" ici

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