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Dans et hors l’école, réussir, ils en sont tous capables (Groupe français d’éducation nouvelle)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le dimanche 27 janvier 2019.

Deux citations : "Si tout se joue dès l’âge de 3 ans, si tout n’est qu’affaire de dons, de talents ou d’ADN, à quoi peuvent bien servir celles et ceux qui contribuent à l’éducabilité du genre humain ?" et "On en arrive ainsi à se poser la question, comme le font souvent les élèves pour qui le rapport à l’école n’est pas si évident : mais alors à quoi ça sert d’éduquer et d’enseigner ?". Ces deux phrases sont extraites des paroles d’ouverture des 11èmes Rencontres nationales sur l’accompagnement organisées par le Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN) dont le numéro de janvier 2019 de sa revue, Dialogue, titré "Dans et hors l’école. Réussir, ils en sont tous capables", publie les actes.

Penser les différences comme handicap socioculturel, c’est penser en termes de manques, d’insuffisances "héritées" de sa famille : pauvreté culturelle, manque de références, de vocabulaire, de logique, d’autonomie… Regard de dominant jugeant depuis ses propres catégories de perception, réification faisant l’impasse sur les modalités de la socialisation initiale et sur les ressources des élèves, tant présentes que potentielles. C’est le propos que tient Jacques Bernardin, président du GFEN, "mouvement de recherche et de formation en éducation", dans le cadre de ces 11èmes Rencontres qui ont eu lieu en mai dernier en région parisienne, à Ivry.

De la maternelle au lycée

Pour Jacques Bernardin, l’approche en termes de rapport au savoir substitue à une lecture en négatif – les handicaps - une lecture en positif des élèves, posture épistémologique et méthodologique qui s’attache à comprendre leur logique face à l’école, aux savoirs et à leur mode d’appropriation. Ensemble de recherches conduites aux divers segments de la scolarité - de la maternelle au lycée - qui, en spécifiant les processus par lesquels se constitue la réussite ou se perpétuent les difficultés scolaires, renouvelle la compréhension des postures et comportements des élèves en classe et, ce faisant, actualise le pouvoir d’agir des professionnels.

Selon lui, les élèves ne manquent pas de vocabulaire : ils ont un rapport pragmatique au langage, dû à la manière dont ils l’ont jusqu’alors pratiqué et exercé. Curiosité, attention, autonomie: leur façon d’être au monde et avec les autres relève de ce que les conditions de vie leur ont imposé, résulte des apprentissages réalisés au sein de la famille, de la place qui leur a été accordée, des sollicitations et conseils adressés.

Le président de l’association poursuit : manière d’être, de faire et de penser progressivement incorporée, sans leçon - habitus, dit Bourdieu -, qui sera le filtre d’appréhension des situations à venir. L’école sera perçue par les uns comme un espace familier, pour d’autres comme étrange et radicalement distante. C’est dans la rencontre entre ce que les modalités de leur socialisation familiale ont contribué à construire et ce que le mode de socialisation scolaire exige que se joue la scolarité. Elle n’est jamais jouée d’avance: c’est dire l’importance de l’expérience scolaire, de la façon dont elle va "mettre en travail" le rapport au monde et au langage initial des élèves. Développer la curiosité, interroger les impensés et les évidences, provoquer et stimuler les échanges, l’argumentation, contribuer à la compréhension partagée, viser l’appropriation critique et raisonnée des savoirs: cela peut d’autant mieux se faire que l’on prend en compte le rapport au savoir des élèves, toujours singulier, néanmoins à penser comme rapport social au savoir. Certes construction du passé mais cependant non immuable et susceptible de remaniements.

Jacques Bernardin le rappelle : le principe d’éducabilité est désormais inscrit dans la loi d’orientation qui stipule que "tous les enfants sont capables d’apprendre et de progresser". L’enfant fragile doit sentir que l’éducateur le voit autrement, "au-delà de lui-même", l’inscrit dans une historicité ouverte au changement. Dédramatiser les erreurs et difficultés, saluer et valoriser les progrès, chercher les points d’accroche, centres d’intérêt et zones d’expertise: autant d’appuis qui l’aident à progresser.

Des situations-défis et une pédagogie anthropologique

Le responsable du GFEN insiste sur les pratiques. Pédagogie du projet, ateliers d’écriture et de création, démarches d’auto-socio-construction des savoirs: telles sont les pistes explorées depuis de nombreuses années dans les divers domaines disciplinaires et à tous niveaux. Outre la façon d’apprendre ensemble qui les caractérise au-delà de leur diversité, quelles dimensions apparaissent particulièrement opératoires ? D’abord, ce qu’il appelle les situations-défis. Pour l’intervenant, la reconquête de la confiance en soi "ne se satisfait pas de victoires faciles". C’est par ce qui est vécu comme véritable "mise à l’épreuve", par la réussite contre toute attente d’une activité d’une certaine complexité, "par le dépassement de l’obstacle et de soi-même", que le sujet peut "se redresser". Si toute activité réussie appelle à de nouvelles audaces, fait sens sur le plan identitaire, renforçant ou restaurant l’estime de soi… sur les plans culturel ou cognitif, beaucoup d’apprentissages ne font guère de sens pour certains élèves. Ce qui interroge leur légitimité, au-delà de leur présence dans les programmes : "à quoi ça sert ?" se demandent les élèves. C’est ce qui a amené le Groupe français d’éducation nouvelle à creuser la genèse des contenus, afin de pouvoir en restituer la valeur opératoire et la portée émancipatrice. Imaginer des situations recréant les contextes problématiques originels et baliser le cheminement intellectuel en phase avec le processus historique passé qui les a constitués : tels sont les éléments d’une approche anthropologique.

Pour le GFEN et son président, il est important, notamment pour les élèves pouvant être piégés dans un conflit de loyauté, de "vivre le savoir comme aventure humaine". Manière de contribuer à une compréhension approfondie et durable des notions, œuvres et concepts "tout en les affiliant à une communauté qui déborde l’ici et maintenant, transcende les frontières et les époques, rejoue le rapport aux origines". Il cite également Jacques Lévine, docteur en psychologie et ancien assistant d’Henri Wallon: "Il n’y a pas d’enfants, aussi inhumains paraissent-ils, qui ne pensent à l’humain. À nous d’en tirer les conséquences. La pédagogie anthropologique est probablement la seule qui vaille". Jacques Bernardin réaffirme la conviction de l’association : à l’heure où d’aucuns perdent pied dans une école qui peine à tenir ses promesses, rejettent ce qui les disqualifie et les humilie, se sentant désaffiliés au point de s’abandonner à des prophètes mortifères, inscrire les jeunes générations dans cette perspective, "c’est les inscrire dans une commune humanité".

Le site ici

Arnold Bac

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