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EXCLUSIF : "Clivé et fragilisé" : l'autopsie du Conseil supérieur des programmes par Roger-François Gauthier

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 05 décembre 2018.
Mots clés : CSP, Gauthier

Parce qu’il vient tout juste de prendre sa retraite du Conseil supérieur des programmes (ainsi que de l’IGAENR), Roger-François Gauthier use de sa liberté de parole pour dresser le bilan, en dix pages, d’une instance, "créature de la loi de Refondation de l’école", qui "ne semble pas avoir trouvé encore son point d’équilibre" cinq ans après ses débuts, en octobre 2013.

Avant tout, la "définition légale" du CSP interroge, car ses missions sont triples : "il est demandé au conseil de jouer son rôle en matière de programmes d’enseignement, mais aussi d’évaluation des élèves et d’examens et encore de formation des enseignants et de profilage des concours", rappelle Roger-François Gauthier, qui en fut membre dès l’origine. "On aurait voulu mettre en place un organe inviable qu’on ne s’y serait pas autrement pris !", relève-t-il. Total : des trois compétences, "le Conseil s’est saisi de la première, a été illico contesté dans l’exercice de la deuxième et n’a strictement rien fait ni dit qui corresponde à la troisième".

L’exemple le plus flagrant de cette défiance ministérielle apparaît lorsque le CSP propose que la validation du socle commun soit identifiée au brevet des collèges. Najat Vallaud-Belkacem et Florence Robine, la directrice de l’enseignement scolaire, "s’opposèrent à l’idée que la définition d'un examen ne fasse plus partie de leur compétence exclusive, comme si on arrivait là à quelque chose de sérieux, sur quoi on n’attendait plus la fonction, même de conseil, du CSP", relate l’ancien membre du Conseil.

Emergence d’un clivage entre "Anciens et Modernes"

Peu de temps après, c’est la réforme des collèges, pensée "à l’ancienne", qui enfoncera dans les sables le socle commun, "œuvre principale d’un Conseil qui avait essentiellement été formé pour cela, comme le nouveau référentiel autour duquel les scolarités devraient s’organiser et les cultures professionnelles des professeurs s’ordonner". Ce qui éveille un profond regret chez Roger-François Gauthier, un tel conseil n’ayant à ses yeux d’intérêt "que s’il pose des questions au-dessus des fragmentations disciplinaires, et s’il les pose dans un langage qui soit à la portée de tous (il n’est pas certain, par exemple, que "prédicat", en tant que mot, devait faire irruption dans des programmes scolaires de façon abrupte, même si les questions que cette catégorie grammaticale propose de traiter sont importantes)".

L’arrivée au ministère de Jean-Michel Blanquer ne fera que parfaire les choses, la nouvelle présidente Souâd Ayada "participant à l’émergence d’un clivage entre Anciens et Modernes, les premiers étant porteurs de l’opprobre d’avoir travaillé au "socle commun" dont le nom même était devenu imprononçable".

Une nouvelle période s’ouvre alors, des plus périlleuses pour le CSP, dont il ne s’agit plus d’assurer l’indépendance mais la protection envers "des sectarismes". "Un CSP inutilement clivé est une institution qui se fragilise, qui s’est fragilisée en 2018", observe sobrement Roger-François Gauthier.

Saisi par le ministre pour élaborer les programmes du lycée, "le CSP a donné l’impression d’ignorer les étapes antérieures à la fois du travail du Conseil et de la scolarité des élèves, s’étonne l’ancien membre. Au lieu que le socle commun serve de référence pour partir de cette culture attendue des élèves, on se préoccupa des programmes des lycées comme s’ils naissaient tout armés au début de la seconde." La question de savoir si on répondra aux carences éventuelles d’élèves qui n’auraient pas validé tous les domaines du socle "n’a jamais été posée", illustre-t-il.

Opacité des relations entre le CSP et le Conseil scientifique 

Le "nouveau lycée" voulu par Jean-Michel Blanquer se mettra donc en place sans même que le CSP ait organisé un débat originel, répondant à cette question : "A quoi servent les enseignements en lycée ?", déplore Roger-François Gauthier. Et de poursuivre : "La réforme proposée par le ministre parlait de vision et nécessitait une vision, en effet, pour expliciter aux acteurs où l’Etat se proposait de les conduire : il n’est pas certain que, sans quelque miracle rare, une vision émerge facilement de l’empilement de programmes disciplinaires constitués séparément."

Le coup de grâce pourrait venir d’un autre irritant, créature cette fois du ministre Jean-Michel Blanquer en janvier 2017 : le Conseil scientifique de l’éducation nationale. "Il semblerait capital soit de fondre les deux conseils, soit de baliser avec précision les rapports de l’un et de l’autre" car "un CSP ne peut pas être la même chose avec ou sans un tel Conseil scientifique", estime l’inspecteur général honoraire. Or, "cela n’a pas été fait et on peut même se demander si l’apparition du Conseil scientifique n’a pas paradoxalement été contemporain d’un virage du CSP vers un appel encore moindre fait aux sciences de l’éducation et aux discours autres que ceux des seules disciplines". La conclusion est sans appel : "S’il s’agissait de mettre quelque clarté dans les jeux des rôles et des idées, on est loin du compte."

Lire le texte dans son intégralité (cliquez ici)

Soazig Le Nevé

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