Violences scolaires extrêmes : quelle protection pour les enseignants ? (CAA de Nantes)
Paru dans Scolaire le dimanche 04 novembre 2018.
Un enseignant a été victime en 2009 dans l'établissement où il était affecté d'une agression par un élève. La violence de l'agression est manifeste à la lecture des "considérants" de la Cour administrative d'appel de Nantes qui évoque "son déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, son préjudice esthétique permanent et son préjudice sexuel" ainsi qu' "une rupture conjugale" et "une absence de reprise de relations intimes". Le fonds de garantie l'a indemnisé pour un somme totale de 400 000 euros environ.
La CAA rend dans cette affaire deux décisions. La première porte sur la responsabilité de l'Etat : L'établissement était informé des tentatives de suicide de l'élève et de son suivi psychologique mais "il ne résulte pas de l'instruction que l'élève en question ait manifesté, antérieurement aux agissements en cause, un comportement agressif envers d'autres élèves ou le personnel éducatif de l'établissement. Dans ces conditions, l'agression résultant des troubles psychiatriques de l'élève (...) présentait un caractère imprévisible." Quant au fait qu'il ait pu introduire des couteaux dans l'enceinte de l'établissement, "cette circonstance ne révèle pas, par elle-même, une négligence fautive de l'établissement et l'agression ne peut être regardée comme le résultat d'un défaut de surveillance et d'organisation du service".
La CAA calcule que l'enseignant "a été indemnisé de ses pertes de revenus à hauteur de 314 539 euros et bénéficie d'une allocation temporaire d'invalidité dont la valeur viagère s'élève à 78 029 euros" auxquels s'ajoute "une indemnisation au titre de son préjudice professionnel à hauteur de 10 000 euros". En ce qui concerne d'autres demandes relatives à "la perte de certains revenus au titre de primes ou de travaux supplémentaires, la perte d'évolution de carrière ou la perte de retraite", l'enseignant "ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations".
La seconde décision porte sur la protection fonctionnelle qui lui a été accordée. Sont contestés par l'Education nationale quelque 9 800 € de complément de prise en charge des honoraires de son avocat, "l'administration n'étant pas tenue de prendre en charge les primes de résultat, de surcroît non connues à l'avance, que s'octroient les avocats dans les affaires qu'ils défendent".
La CAA considère, à l'inverse, qu' "il ne ressort d'aucun texte ni d'aucun principe que l'administration pourrait limiter a priori le montant des remboursements alloués à l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle". Certes, l'administration "peut décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif", mais la note d'honoraires de l'avocat "correspond à des diligences effectivement accomplies" et "aucune règle n'avait été établie au préalable, entre l'administration et son agent, quant au montant des honoraires pris en charge", soit près de 25 000 € dont près de 19 000 correspondent à "un pourcentage de 5 % de l'indemnité" que l'enseignant a obtenue, un montant qui "n'apparaît pas manifestement excessif" et qui est conforme "aux pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, aux prestations effectivement accomplies" au vu "de la complexité particulière du dossier".
Les décisions n° 17NT02375 et 17NT02381 du lundi 29 octobre 2018 ici et ici