Education et sexualité, et non pas "à la sexualité", thème de la revue Dialogue (GFEN)
Paru dans Scolaire le dimanche 04 novembre 2018.
"L'école est le lieu où tous les enfants peuvent avoir la chance d'entendre un discours vrai et beau sur la sexualité; ne les en privons pas", écrit Geneviève Guipain (ESPE de Créteil) dans le dernier numéro de Dialogue, la revue du GFEN dont le dossier est titré "Eros et logos, Education et sexualité". Il ne s'agit pas, insiste dans son éditorial Patrick Raymond, d'une éducation à la sexualité, mais d'une prise en compte de la sexualité dans les enseignements : "Il s'agit d'éduquer à un rapport au monde, émancipateur", sans oublier que "sexe et apprentissage sont étroitement liés" puisque "le désir de savoir se noue dans la continuité entre curiosité intellectuelle et curiosité sexuelle (...). Découvrir, comprendre, créer, est jouissif, à tous les sens du terme."
Il ne faudrait pas non plus oublier qu'à l'heure "de la banalisation de la pornographie (...), les jeunes éprouvent le désir de parler mais craignent souvent de faire état de leurs questionnements", que ces sujets "sont devenus à ce point explosifs qu'il n'est pas rare que certains enseignant.e.s admettent redouter d'enseigner certains savoirs". Leur demande de formations témoigne surtout de leur désarroi.
La littérature riche d'érotisme
Et pourtant, comme l'écrit Valérie Sultan, "l'omerta systématique peut s'avérer aussi dévastatrice que la surabondance d'informations" dans des classes qui fonctionnent aussi comme "des espaces de séduction". De plus, en cours de français, les élèves sont confrontés à des textes littéraires "où peuvent s'exprimer les pulsions, les désirs, les pensées les plus intimes", "où peuvent se côtoyer les transgressions, les délices de la passion amoureuse, mais aussi les questionnements sur la norme, la sexualité, la domination, le pouvoir, la perversion (...). Le comble de l'absurde consisterait justement à laisser tous ces sujets à la porte de l'école."
Et si, finalement, la parole était plus facile que le silence ? C'est l'expérience de Damien Sage en maternelle. "Un élève avait apporté une encyclopédie pour enfants sur le corps humain" avec "un dessin représentant un foetus dans le ventre de sa mère". Un élève prend alors la parole : "Maître, comment on fait les bébés ?" L'enseignant raconte : "il fallait que je prenne une décision. Vite. Me lancer dans une discussion ou éluder la question. La tentation d'éluder a été très forte." Mais finalement, il répond, commence par la différence entre les filles et les garçons, remplace les mots zizi et zézette par pénis et vulve, et ajoute que, quand deux adultes veulent avoir un enfant, "ils se font un câlin avec tout le corps et que, à ce moment là, le pénis de l'homme entre dans la vulve de la femme", qu'un liquide sort du sexe de l'homme pour aller dans le ventre de la femme, il explique les spermatozoïdes et l'ovule... Aucun trouble dans la classe, aucun trouble dans les familles, un père le remercie même.
Le dossier croise ainsi les témoignages d'enseignants, l'argumentation théorique et l'analyse des textes officiels.
Dialogue n° 170, 54 p., 8€, www.gfen.asso.fr