Le tâtonnement dans les filières d‘orientation: Une réévaluation des aspirations familiales. (Revue)
Paru dans Orientation le jeudi 18 mars 2010.
Les bifurcations dans l’orientation sont-elles une perte de temps? Pas nécessairement répondent Cyril Coinaud et Céline Vivent (Céreq), dans une contribution au n°109 de la Revue Française de Sciences Sociales, intitulée L’orientation scolaire et professionnelle dans un monde incertain. Ces tâtonnements pourraient permettre la maturation de certains projets personnels ou familiaux.
Il s’agit pour eux d’interroger l’idée répandue selon laquelle un parcours scolaire chaotique serait lié à des performances scolaires faibles, des aides à l’orientation insuffisantes et des projets personnels mal définis.
Si le parcours d’orientation dépend du niveau scolaire, il est fortement corrélé à l’origine sociale des élèves, montrent les auteurs dont l’analyse se concentre sur les enquêtes de suivi d’élèves entrés en 6ème en 1995 (DEPP, 1998 puis 2002).
Le suivi des élèves de 6ème montre que les jeunes qui accèdent au bac général ont un parcours globalement linéaire, les seuls écarts étant les redoublements au collège ou lycée. Dans cette catégorie, les enfants de cadres ou de professions intermédiaires sont majoritaires.
Les orientations menant au bac technologique sont également le plus souvent linéaires. Les lycéens de bac technologique qui se réorientent en bac général sont d’origine sociale favorisée. Le bac technologique est un enjeu de réorientation principalement pour des élèves des filières professionnels issus de classes ouvrières. Les réorientations du bac général vers le bac technologique concernent davantage les enfants d’ouvriers que les professions de cadres ou intermédiaires, sans corrélation avec les résultats en 6ème. "Autrement dit, leurs parcours d’orientation les conduisent vers un diplôme plus proche des aspirations familiales".
Les BEP-CAP sont ceux qui connaissent le plus de bifurcations dans leur orientation. Les élèves des voies professionnelles qui ont un parcours linéaire sont majoritairement issus de familles ouvrières. "On peut parler de parcours d’orientation plus proches des aspirations familiales. A l’inverse les réorientations sont plus présentes parmi les élèves d’origine sociale plus favorisée. (…)". L’orientation dépendrait du niveau scolaire de l’élève, mais aussi de la distance entre la formation de l’élève et le monde professionnel des parents de celui-ci. "La réussite dans la filière professionnelle dépend aussi de l’existence d’un projet mûri, du soutien familial et d’une connaissance du milieu professionnel envisagé."
Au final, les bifurcations ne se réduiraient pas à des errances dans le système éducatif, mais seraient fortement liées à la réévaluation des aspirations initiales des familles.
Revue Française de Sciences Sociales, Formation Emploi, n°109, Janvier-mars 2010, La documentation Française.