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Yves Durand, ancien rapporteur de la loi Peillon juge sévèrement le projet de loi "pour une école de la confiance" (tribune)

Paru dans Scolaire le dimanche 14 octobre 2018.

Yves Durand, ancien député, ancien rapporteur de la "loi Peillon" dont il présidait le comité de suivi (voir ToutEduc ici), nous adresse cette tribune, que nous publions bien volontiers. Selon la formule consacrée, ses termes n'engagent que son auteur qui juge sévèrement le projet de loi dit "Pour une école de la confiance".

A son arrivée au ministère rue de Grenelle, Jean-Michel Blanquer avait affirmé qu'il n'y aurait pas de "lol Blanquer". On pouvait y voir la volonté de ne pas soumettre l'Ecole à une nouvelle rupture et de poursuivre les grandes orientations définies dans les trois grandes lois précédentes: les cycles en 1989, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture en 2005, la priorité au primaire, la formation des enseignants et l'évaluation en 2013. Tous les outils sont là pour assurer dans la durée la réussite des élèves

Certes la nécessité d'inscrire dans le code de l'éducation l'obligation de la scolarisation des enfants de trois ans oblige à passer devant le Parlement. Mais cela ne nécessite qu'un article pour rendre cette décision légale et applicable à la rentrée 2019.

C'est donc avec surprise que l'on découvre un projet de 24 articles qui abordent des sujets tellement divers qu'il est bien difficile d'en trouver la cohérence. De plus l'absence totale de concertation avant le passage du projet de lol devant le Conseil supérieur de l'éducation peu de temps après la révélation par la presse des différents sujets abordés dans le texte (voir ToutEduc ici et ici) ne favorise pas le rassemblement des acteurs qui auront la tâche de le mettre en oeuvre.

La concertation aurait pu apporter des réponses à des interrogations qui peuvent provoquer des incompréhensions et des suspicions.

1) La nécessité d'une formation professionnelle des enseignants fait aujourd'hui consensus après le constat partagé des ravages dus à sa suppression.

Les Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation créées en 2013 en constituent l'outil. Certes elles devaient être améliorées dans leur fonctionnement, dans leurs relations avec l'Université, le cahier des charges du ministère employeur devait être précisé, l'organisation des études pouvait être revue avec la question de la place du concours.

Mais cela nécessite-t-il de supprimer les ESPE pour les remplacer par des "instituts" dont on ne connaît pratiquement rien si ce n est qu'une simple audition par le recteur et le président d'université est préférée à l'avis du conseil d Ecole pour le choix du directeur.

2) L'évaluation des politiques publiques est, à juste titre au centre des préconisations, que ce soit de la Cour des comptes ou du Parlement. Le ministre lui-même en a fait une priorité. La lol de 2013 a créé le Conseil national d'évaluation du système scolaire qui réunissait des dizaines de chercheurs et d'acteurs de l'éducation. Par ailleurs, le Cnesco pouvait s'autosaisir et la présence de 4 parlementaires élus par leurs pairs lui donnait une certaine indépendance. Sur ce sujet aussi, des améliorations auraient pu être apportées : comment accorder une indépendance réelle au Cnesco ? quelle place aux côtés du ministre ? doit-on aller jusqu'à la création d'une agence totalement extérieure comme c'est le cas dans certains pays, la Grande-Bretagne par exemple ?

Le tout dernier rapport du Comite d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale a émis des préconisations dont le ministre aurait pu se saisir et s'inspirer.

Alors pourquoi créer un nouveau conseil de l'évaluation uniquement chargé de faire des synthèses de travaux existants, sans possibilité de s'autosaisir et dont la composition (10 personnes dont 8 nommées directement par le ministre et deux parlementaires désignés par le président de chaque chambre) ne reflète pas la volonté d'indépendance ?

On ne peut pas s'empêcher d'y voir une évaluation "maison" où le ministère s'évalue lui-même.

3 ) Tous les acteurs de l'éducation reconnaissent la nécessité d'un prérecrutement des enseignants afin de commencer leur formation plus tôt et reposant sur une bonne connaissance du métier. En dehors de l'aspect social, le prérecrutement est un élément important de la professionnalisation des futurs enseignants.

Cela n'a rien à voir avec l'utilisation des assistants d'éducation et des candidats aux concours qui seront lâchés devant des élèves sans aucune formation. Il faut craindre que cette initiative n'apparaisse comme une économie sur le dos de l'Ecole.

Un débat parlementaire va s'ouvrir. L'Ecole est une chose trop sérieuse pour que ce débat soit bâclé. Il doit être l'occasion d'ouvrir le dialogue entre les représentants de la nation et le ministre.

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