Evaluation des systèmes scolaires: Lutter contre l’instrumentalisation politique des enquêtes. (colloque Education et Devenir)
Paru dans Scolaire le mercredi 17 mars 2010.
A quoi sert de réussir à l’école? Et peut-on qualifier et mesurer cette réussite? Sur ces questions, Jean Claude Emin, ancien responsable de la mesure de la performance au ministère de l'Education nationale, intervenait dimanche 14 mars dans le cadre du colloque 2010 Education et Devenir. "Je note une première dérive ministérielle qui consiste à passer sous silence les résultats qui dérangent. J’observe des tendances à l’instrumentalisation politique des enquêtes. Enfin, je m’inquiète de la tendance à camoufler des options idéologiques sous des évaluations présentées comme objectives".
Comment évaluer l’efficacité d’un système? "Il faut évaluer l’école sur sa capacité à garantir à tous les élèves la maîtrise de la langue française", et l'évaluation passe d’abord par l’évaluation de la maîtrise des programmes d‘enseignement. Les évaluations du ministère montrent que si 25% des élèves en fin de collège ont un bon, voire excellent, niveau de maîtrise des compétences affichées par le programme, 15% n’ont aucune ou une faible maîtrise de ces compétences. Entre les deux, 60% en ont une maitrise diverse. "Ces résultats interrogent l’utilité de mettre en place des programmes qui veulent tirer les élèves vers le haut, mais ne sont possédés que par une minorité. L’idée que les élèves maitrisent les compétences définies par les programmes nationaux est illusoire."
L’évaluation éclaire en filigrane l’impact des politiques éducatives nationales sur la réussite des élèves. Les services statistiques ont mesuré l’évolution sur 20 ans (1987-2007) des performances en lecture et écriture des élèves en fin d’école. "L’enquête souligne nettement une baisse du niveau, en particulier sur les dix dernières années: 1997-2007. Cette baisse a touché les élèves les plus faibles, elle ne concerne pratiquement pas les enfants de cadres. Le système éducatif semble avoir des difficultés de plus en plus nettes à conduire les élèves des milieux populaires à l’acquisition de la lecture". Il rappelle que l’Education Nationale n’a pas souhaité rendre publics et encore moins commenter ces résultats, que corrobore l'enquête PISA menée dans tous les pays de l'OCDE. Celle-ci s’intéresse aux compétences, et non aux connaissances en elles-mêmes, ce qui fait varier la méthodologie. "Elle montre que la France fait partie des pays où une génération a accumulé le plus de retard dans son parcours scolaire. Par ailleurs, d’une enquête sur l’autre, elle pointe la baisse continuelle du niveau en lecture dans l‘hexagone", insiste Jean-Claude Emin qui appelle de ses vœux la capitalisation et la confrontation méthodologique d’évaluations menées à diverses échelles.