Toxicomanie : tendance à la baisse chez les jeunes, même si la consommation de cannabis reste parmi les plus élevées en Europe (OFDT)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 02 octobre 2018.
Le tabagisme comme la consommation de cannabis sont aux niveaux les plus bas depuis 2000, l'expérimentation et la consommation d'alcool continuent de baisser alors que l'expérimentation d'autres produits "illicites" stagne à 4 % : telles sont les principales tendances, en 2017, concernant le comportement des jeunes de 17 ans face aux drogues, selon la dernière enquête ESCAPAD menée par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Ces tendances, fortes notamment pour les consommations de tabac et de cannabis, respectivement -7 et -9 points entre 2014 et 2017, s'appuient sur l'analyse de près de 40 000 questionnaires considérés comme exploitables pour cette enquête, parmi tous ceux réalisés auprès des jeunes convoqués à la JDC (journée défense et citoyenneté) entre le 13 et le 25 mars 2017, qu'ils soient scolarisés ou non. Néanmoins, l'enquête relève que le niveau de consommation régulière de cannabis (au moins 10 usages dans les 30 derniers jours précédant l'enquête) demeure supérieur à celui de 2011 et fait toujours partie des plus élevés en Europe. De même, les jeunes sont nombreux à déclarer des consommations intensives d'alcool, telles que des alcoolisations ponctuelles importantes.
Au-delà des tendances générales, l'enquête met d'abord en valeur des tendances liées au genre, aux origines socio-économiques, aux parcours scolaires et à l'habitat. Ainsi, "les garçons sont plus souvent engagés dans des consommations fréquentes (sauf dans le cas du tabac)", "les jeunes en apprentissage et ceux qui sont sortis du système scolaire présentent, pour les usages réguliers notamment, des niveaux bien supérieurs à ceux des lycéens" et ceux qui vivent dans une commune rurale (moins de 2000 habitants) ont des niveaux d'usage régulier d'alcool plus élevés que ceux vivant dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants. Quant à la consommation de cannabis, elle touche davantage les jeunes issus de milieux favorisés et ceux qui vivent en familles recomposées ou monoparentales.
Des disparités selon les régions
De même, elle permet de cerner des disparités régionales. Ainsi, si "les niveaux d'usage quotidien de tabac présentent un gradient similaire entre les régions" et que la baisse du tabagisme est enregistrée partout, en revanche les adolescents du quart Nord-Est de la métropole sont moins nombreux à expérimenter le tabac, les régions Île-de-France, Hauts-de-France et Grand Est affichant des taux respectifs de 51,1, 55,1 et 56,6 % contre 59 % au niveau national. À l'inverse, ce sont les régions de Bretagne et de Nouvelle-Aquitaine, qui concentrent le plus grand nombre de consommateurs (non réguliers) avec des niveaux supérieurs de plus de 5 points à la moyenne française.
Concernant l'alcool, les adolescents des régions de la façade atlantique se révèlent toujours "sur-consommateurs" d'alcool, que ce soit en usage régulier ou ponctuel, par rapport à leurs homologues du reste du territoire et les API (alcoolisation ponctuelle importante ou "Binge drinking") y sont également plus fréquentes qu'ailleurs. De la Bretagne à la Nouvelle-Aquitaine, l’expérimentation d’alcool concerne plus de 92 % des adolescents, contre 85,7 % à l'échelle de la France métropolitaine. À ces trois régions s'ajoutent l’Occitanie et la Corse, où l'expérimentation déclarée est également supérieure de plus de 3 points à la moyenne nationale.
Concernant l'expérimentation du cannabis, et si on fait abstraction de la Bretagne et de la Corse, les jeunes se distribuent "selon un gradient nord-sud marqué", les jeunes du Sud présentant des niveaux d'expérimentations plus marqués que ceux du Nord, les plus nombreux à expérimenter cet usage ayant été recensés également en Bretagne.
Une stabilisation de la consommation de substances illicites autres que le cannabis
Concernant les substances illicites autre que le cannabis (cocaïne, MDMA/ecstasy, amphétamines, champignons hallucinogènes, LSD, crack, héroïne), l'enquête observe un maintien, concernant l'expérimentation, entre 3 et 4 % pour les plus élevés (MDMA/ecstasy) et à moins de 1 % pour les plus faibles (héroïne). De 2014 à 2017, aucune région ne présente des expérimentations en hausse : elles sont en baisse dans 9 et stables en Bretagne, en Normandie, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Corse.
Enfin, l'enquête observe que, globalement, les jeunes résidant dans les territoires ultra-marins étudiés (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion) présentent des niveaux de consommation en dessous de ceux mesurés en Métropole, notamment pour les usages fréquents et intensifs de tabac. L'expérimentation d'alcool s'avère être la "seule exception notable", plus importante en Guadeloupe (90,8 % des jeunes), en Martinique (94,1 %) et en Guyane (89,5 %) contre une part de 85,7 % sur le reste du territoire, même si les API y sont généralement moins répandues. Mais ces résultats, préviennent les auteurs de l'étude, doivent être lus avec "circonspection" pour les territoires d'outre-mer comme pour la Corse, du fait des faibles taux de répondants.
Rappelons que cette étude des consommations de drogues à l'échelle régionale, réalisée depuis une quinzaine d'années, doit permettre notamment aux acteurs de terrain d'avoir "une compréhension plus globale des phénomènes sociaux qui touchent leur territoire, afin d'y adapter les politiques de santé et actions de prévention".
L'enquête ESCAPAD 2017 ici
Camille Pons