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Le SNALC a le sentiment de s'être "fait avoir" par le ministre de l'Education nationale (interview exclusive)

Paru dans Scolaire le mardi 25 septembre 2018.

Le SNALC avait bien accueilli la nomination de Jean-Michel Blanquer dont les propos sur les fondamentaux ou le respect dû aux enseignants étaient "snalco-compatibles". Aujourd'hui, "on se sent floués", explique à ToutEduc Jean-Rémi Girard, qui a accédé à la présidence du syndicat FGAF des lycées et collèges fin mai.

ToutEduc : Comment se porte le SNALC ?

Jean-Rémi Girard : Bien. Sur l'année scolaire dernière, nous avons augmenté de quelque 10 % le nombre de nos adhérents, + 1 400 alors que nous attendions 900. C'est en partie due à l'ouverture de notre champ de syndicalisation aux enseignants du 1er degré, mais surtout aux contractuels et aux AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap), peut-être parce que nous avons développé notre service juridique et les compétences de nos structures académiques pour la défense des droits de ces personnels précaires. Nous continuons également de progresser chez les professeurs du second degré.

ToutEduc : Et comment se portent ses adhérents enseignants ?

Jean-Rémi Girard : ils ne sont pas contents. Comme du temps de Najat Vallaud-Belkacem, ils ont le sentiment d'un fort décalage entre les beaux discours et les réalités. Et Jean-Michel Blanquer multiplie les déclarations. Il annonce par exemple 1/2h de plus pour le français en 3ème, consacrée à "l'art oratoire". Mais où la prend-il ? Comment voit-il ce nouvel enseignement ? Ses premières annonces, sur les fondamentaux, la transmission, le respect dû aux enseignants leur convenaient bien, elles étaient "snalco-compatibles", tout comme les aménagements de la réforme du collège, mais là, ils se sentent floués et nos instances ont décidé d'appeler à la grève le 9 octobre, un mouvement qui s'ajoute à la grève du 27 septembre pour la voie professionnelle.

ToutEduc : Qu'est-ce qui a provoqué ce basculement ?

Jean-Rémi Girard : Au-delà des agacements dus à la politique de communication du ministre, avec la réforme du lycée au printemps dernier, on est rentré dans le dur. Jusque là, mis à part les dédoublements de CP, il avait surtout aménagé les réformes de ses prédécesseurs.

ToutEduc : Quels sont les principaux griefs que vous adressez à la réforme du lycée ?

Jean-Rémi Girard : Tout d'abord, elle ne touche pas à la classe de seconde, qui est en quelque sorte une 3ème bis, et qui dysfonctionne gravement. Par ailleurs, cette réforme oblige les élèves à abandonner en terminale l'un des trois enseignements de spécialité qu'ils ont choisis en 1ère. Il sera recommandé à ceux qui visent une école d'ingénieurs ne ne pas prendre "sciences de l'ingénieur". Les élèves qui veulent faire une classe préparatoire véto devront laisser tomber ou les maths, ou physique-chimie, ou SVT. Nous savons déjà que ce sont ceux qui auront conservé maths - physique-chimie qui seront sélectionnés. Et quels lycées offriront réellement au choix chacune des trois doublettes possibles ? Même chose en littérature et philosophie, langues vivantes, histoire-géographie...

Cette réforme organise de plus la concurrence entre les options. On sait déjà que l'option "maths complémentaires" va être très demandée. Elle sera prise sur la LV3 ou sur latin-grec, d'autant que ces enseignements ne rapporteront presque plus de points au bac. Les langues anciennes étaient jusqu'à présent en facultatif, coefficient 3, et seuls étaient pris en compte les points au-dessus de la moyenne. Maintenant, ils seront pris pour une part, 10 % environ, des notes du bulletin scolaire, qui compteront elles-mêmes pour 10 % de la note finale, soit 1 %. Ce n'est pas très incitatif... En réalité, cette réforme, c'est l'organisation de la guerre entre les disciplines.

ToutEduc : Comment comprenez-vous certains libellés d'enseignements de spécialités, comme "Humanités, littérature et philosophie" ?

Jean-Rémi Girard : Mal ! Que recouvre le terme "humanités", combien d'heures pour littérature, combien pour philosophie ? Quand nous avons demandé au ministère s'il y avait bien deux enseignants pour cet enseignement, un de français, un de philo, on nous a répondu "oui, mais si un enseignant se sent en mesure d'assurer les deux disciplines, pourquoi pas ?". Pour la voie technologique, on a de même des recompositions disciplinaires surprenantes, sans précisions sur leur mise en oeuvre.

ToutEduc : Quel est, pour vous, le principe qui fonde la cohérence des réformes mises en oeuvre par Jean-Michel Blanquer ?

Jean-Rémi Girard : C'est le concept d'autonomie, mais c'est l'autonomie des personnels de direction ou des recteurs. La multiplication des "postes à profil" va dans ce sens, et rappelle ce que avait été tenté par les collèges "ECLAIR" sous la présidence de Sarkozy. Par exemple, pour l'aide personnalisée ou pour les 54h dévolues à l'orientation, c'est si on veut bien et dans la limite des moyens. Nous avions demandé qu'avec les ajustements des programmes soient mis en place des repères annuels, ils le seront, nous a-t-on promis, mais dans une note de service, donc pas dans un texte réglementaire, que chacun mettra en oeuvre comme il l'entendra. Cette mesure qui va dans notre sens est en quelque sorte facultative, alors que celles avec lesquelles nous sommes en désaccord sont obligatoires. D'où le sentiment de se faire avoir...

 

Propos recueillis par P. Bouchard, relus par J-R. Girard

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