Jeunes sourds et jeunes aveugles : sortir les instituts de leur isolement (inspections générales)
Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 18 septembre 2018.
L’Institut national des jeunes aveugles de Paris et les quatre instituts nationaux de jeunes sourds de Paris, de Bordeaux, de Metz et de Chambéry ne manquent pas d'atouts, notent les deux inspections générales de l'Education nationale et l'inspection générale des affaires sociales dans un rapport qui vient d'être publié, mais qui fait état d' "un bilan contrasté".
Du côté positif, les rapporteurs font état d' "un savoir-faire reconnu (...) en matière de scolarisation des enfants déficients sensoriels". Ils prenaient d'ailleurs en charge, à la rentrée 2017, 1 014 d’élèves (841 déficients auditifs et 173 déficients visuels) et disposaient d’un personnel de 780 équivalents temps plein (ETP). Ils ont "d’excellents taux de réussite aux examens" de niveau V (CAP) pour les jeunes sourds majoritairement, et de niveau IV (bac) pour les élèves de l’INJA. Mais leur offre est "traditionnellement tournée vers la scolarisation en interne des élèves les plus aptes à suivre un parcours scolaire", alors que "la demande de ce public tend à diminuer, en raison du souhait prioritaire des familles d’une inclusion individuelle en milieu ordinaire", mais aussi des évolutions médicales qui "tendent à la réduction de la prévalence des troubles les plus graves de cécité ou de perte auditive chez le jeune enfant".
Or le secteur médico-social "voit progresser les demandes de prise en charge plus complexes d’enfants déficients sensoriels avec troubles ou handicaps associés", qu' il faudrait donc que les INJ (A et S) accueillent davantage. Mais les personnels formés par l’Université de Savoie–Mont-Blanc au niveau master connaissent mal les besoins spécifiques des TSLA (troubles spécifiques du langage et des apprentissages). D'autre part, les inspecteurs généraux s’interrogent "sur la pertinence d’associer dans les mêmes unités d’enseignements des enfants aux besoins différents".
Mais surtout, ils soulignent "le manque de coordination, d’une part, entre le secteur médico-social et le monde de l’éducation nationale, et, d’autre part, entre les INJ et les autres acteurs du médico-social : les MDPH, l’ARS et les autres établissements de la région". Ces instituts "ne s’insèrent pas dans le mode de planification régionalisée de l’offre médicosociale sous l’égide de l’ARS (...) Il n’existe pas non plus de véritable travail en réseau entre les INJ ni au plan pédagogique, ni en matière de recherche" tandis que le mode de financement dérogatoire des INJ "se traduit par la déconnexion entre les moyens octroyés (au total, 51,3 millions d’euros) et la réflexion sur l’offre régionale qui relève de l’ARS".
Le rapport demande donc que les INJ (A et S) adaptent leur offre, qu'ils prennent "le tournant du numérique pour permettre aux enfants de maîtriser l’utilisation des outils les plus modernes", que soit mis en place un programme de recherche inter-instituts "avec des équipes universitaires". Les INJ doivent de plus s'inscrire "dans une planification régionale" avec les autres acteurs, "rectorats, MDPH, ARS, autres établissements médicaux sociaux". La mission "recommande que la tutelle de ces instituts soit transférée aux directeurs généraux des ARS" et propose "une intégration des personnels non enseignants à la fonction publique hospitalière et des personnels enseignants dans les corps de l’éducation nationale", tout en reconnaissant que "ce dernier point, compte tenu de sa sensibilité, ne paraît toutefois pas prioritaire".
Le rapport "Scénarios d’évolution des instituts nationaux des jeunes sourds et des jeunes aveugles" ici