Entre adophilie et adophobie: L'adulte ambivalent? (revue)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice, Orientation le dimanche 14 mars 2010.
L'âge adolescent fait à la fois l'objet d'un culte et d'une répulsion. Il incarne la beauté, la liberté, l'ouverture de tous les possibles, et il cristallise les peurs de l'adulte par son pouvoir de contestation, son désir de changement. Cette ambivalence du monde adulte envers la jeunesse est au centre du n°13 de la revue Culture et Sociétés.
Sébastien Dupont et Jocelyn Lachance, psychologue et sociologue, soulignent que l'enfance a historiquement exercé cette fascination dévolue aujourd'hui à la jeunesse: "Mais cet engouement pour l'enfance a fini par déchanter. L'individu contemporain retrouve dans l'enfant les anciens démons dont il croyait s'être affranchi: dépendance, relation de hiérarchie, soumission à l'autorité, impuissance...".
L'adolescence incarnerait plus fidèlement l'idéal contemporain de puissance individuelle, de performance, de flexibilité. "Un autre âge fascine les contemporains: la petite enfance, voire la période fœtale, soit le seul âge de la vie qui puisse encore être idéalisé, (…) dissocié des exigences de la vie sociale", soulignent les auteurs. Dans le même temps, l'adolescence incarnerait parfaitement la complexité de l'individu hypermoderne aspirant au changement tout en nourrissant une peur de perte de repère, jusqu'à en devenir l'allégorie.
L'amour-haine que porte la société à l'adolescent peut faire de lui le symbole du pire et du meilleur: l'origine de toutes les violences et désordres sociaux, comme la source créative de tout renouvellement culturel. Selon les auteurs, cette dualité trouverait aussi son explication dans un sentiment d'envie: "Très souvent, les adolescents réalisent, à leur insu, des mutations culturelles qui ont été désirées et préparées secrètement par leurs aînés (…) Certains adultes sont ainsi tiraillés entre jugement moral, fascination, identification, désir, frustration."
Les auteurs de l'article n'hésitent pas à employer le terme "d'adofolie", lorsqu'ils constatent que le marketing et la politique nourrissent cette ambivalence pour la jeunesse.
"Adophilie, adophobie, … adofolie?", Revue Culture et Sociétés, n°13, janvier 2010.