L’importance de la dimension relationnelle de l'enseignement dans les LP (Revue)
Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 07 septembre 2018.
"Je pense qu’en pro, même si les élèves de base, ils sont perturbateurs, ils le deviennent encore plus en pro parce qu’ils veulent montrer que ce ne sont pas encore des adultes, qu’ils [les enseignant-e-s] ne vont pas les faire changer comme ça", affirme Clara, élève de bac pro SPVL dans la région toulousaine, qui a participé en 2017 à une enquête sur les conditions de vie et les rapports à la formation en lycée professionnel.
Les principaux résultats de cette enquête menée en région parisienne et en Occitanie, en zones urbaine et rurale, sont analysés et commentés dans un article qui vient de paraître dans la Revue française de pédagogie dont le dossier est consacré au baccalauréat professionnel. Les auteures, Julie Jarty et Prisca Kergoat, toutes deux enseignantes à Toulouse 2-Jean-Jaurès, relatent notamment leurs rencontres avec des enseignants et des élèves "dans les lycées professionnels ségrégés du bâtiment et du soin à la personne".
Une mixité inexistante
Dans ces LP, "non seulement les élèves sont enfermés dans des spécialités de formation genrées (le domaine de formation "Services aux personnes" regroupe 90% de filles contre 9% pour les domaines du "Bâtiment" et "de l’Energie, génie climatique") mais ils et elles préparent des métiers différents sur des lieux séparés". Pour Julie Jarty et Prisca Kergoat, "ce n’est pas seulement que la mixité [à l’école] est inachevée mais bien plutôt qu’au sein de l’enseignement professionnel, elle est quasiment inexistante".
Dans cet "univers fortement ségrégué, marqué par des divisions de genre, de classe et d’origine ethnique", la dimension relationnelle entre les élèves et les enseignants s’avère fondamentale. "Dans leurs réponses au questionnaire, les élèves se disent plus respectés qu’avant", soulignent les auteures. "Ils nous aident, ici c’est beaucoup mieux, je sais pas… Jamais, jamais, j’ai jamais eu un prof qui me dit bonjour en me serrant la main", témoigne Mehdi en bac pro Bâtiment.
Des relations genrées
"Néanmoins, ce travail relationnel n’annule pas, loin s’en faut, les pratiques de transgression des élèves comme les injonctions des enseignant-e-s", insistent Julie Jarty et Prisca Kergoat. Côté élèves, "les transgression permettent tour à tour de se faire respecter par les enseignant-e-s, de se reposer, de vaincre l’ennui et de s’amuser". Côté enseignant-e-s, les injonctions ne visent pas seulement à maintenir l’ordre mais surtout à transmettre un "savoir être" indispensable à l’entrée dans l’emploi.
Les relations entre élèves et enseignant-e-s sont aussi genrées : "dans les lycées à forte prédominance numérique masculine, les enseignant-e-s ont connaissance des situations familiales souvent difficiles de leurs élèves, notamment sur le plan économique et social, mais la proximité et, ce faisant, l’empathie, apparaissent moins structurantes que dans les lycées à surreprésentation numérique féminine". Et même si dans ce cas, "les enseignantes conservent une notable distance sociale" avec leurs élèves, "en tant qu’enseignantes, adultes, insérées sur le marché du travail, elles offrent néanmoins aux filles les perspectives d’une possible émancipation par l’emploi, devenu aujourd’hui symbole (d’un minimum) d’autonomie financière et de réalisation personnelle".
Revue française de pédagogie, N°198, 17€
Colette Pâris