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Philippe Meirieu propose une défense et illustration de l'institution scolaire (ouvrage)

Paru dans Scolaire le mardi 28 août 2018.

"En dépit des agacements des uns et des insultes des autres, je ne battrai pas en retraite. Je ne reculerai pas (...) Je reste profondément pédagogue, convaincu que l'apprentissage ne se décrète pas et qu'on n'a jamais fini d'explorer les moyens pour le rendre possible." Philippe Meirieu publie La Riposte, un ouvrage dans lequel il dénonce tous les "remèdes miracles" pour réformer l'école, qu'ils soient promus par les "antipédagogues" ou par les "hyperpédagogues", qu'ils se revendiquent des neurosciences ou des "lois naturelles de l'enfant" et de son désir spontané de savoir. Il se situe, dit-il, sur "une ligne de crête" et sur le terrain de l'éthique. "Nous devons faire le pari que tout être est éducable (...). Que transmettre aux générations qui arrivent ce que l'humanité a élaboré de plus exigeant est un devoir absolu (...) Que nous ne pouvons jamais apprendre à la place de l'autre, mais l'autre a besoin de nous pour apprendre(...)."

L'universitaire ne cache pas son agacement devant la pauvreté du débat, les politiques qui ne cessent "de bégayer le même catéchisme de banalités convenues", ou les polémistes qui manient "l'ignorance, la mauvaise foi, la calomnie". Il se fait historien et retrace à grands traits l'histoire de la pédagogie et de l'éducation nouvelle, dont il ne cache pas les limites et les apories. Ses militants doivent-ils construire une école idéale, hors système, et donc réservée à une certaine classe sociale, ou doivent-ils rester dans le service public et tenter de le faire évoluer de l'intérieur, au risque de s'épuiser ?

La différenciation n'est pas l'individualisation

Il reprend les principaux concepts sur lesquels il a plus particulièrement travaillé, nomment "la pédagogie différenciée" qui "n'a rien à voir avec l'individualisation systématique d'un système d'enseignement qui, après une batterie de tests initiaux, placerait chaque individu devant un écran lui fournissant exactement les situations correspondant à ses besoins".

Il dénonce l'inculture des "antipédagogues", mais aussi la "naïveté confondante" de ceux qui s'imaginent que les enfants sont "naturellement libres et bons, avides d'apprendre et désireux de grandir", au risque de leur dénier le droit à l'éducation. Pour lui, "l'hyperpédago" est "dans le même bateau que son adversaire, "ils aiment l'entre-soi et cherchent à protéger leur progéniture des mauvaises fréquentations".

Le scientisme évacue la question des finalités

Mais surtout, Philippe Meirieu, qui ne conteste pas l'intérêt de la psychologie cognitive ni des neurosciences, s'en prend à ceux "qui, écartant toute réflexion sur les finalités, prétendent fonder les pratiques pédagogiques sur les seules données scientifiques", car il ne faut pas confondre "une méthodologie scientifique parfaitement légitime, qui isole délibérément certains déterminants, avec la réalité dans sa complexité; c'est faire de l'ontologie avec de l'épistémologie". Stanislas Dehaene écrivait d'ailleurs en 2007 que "les neurosciences n'ont pas vocation à se substituer à la psychologie expérimentale et à la pédagogie" ... avant d'affirmer, quelque 10 ans plus tard, que "l'enseignement doit devenir une science". Le philosophe dénonce plus globalement "la neuropédagogie telle qu'elle est vulgarisée aujourd'hui" et qui est "soit insignifiante, soit effroyable" ainsi qu' "un scientisme sommaire" qui évacue "la question des finalités".

A l'inverse, il insiste sur plusieurs fondamentaux. L'Ecole est une institution qui est faite pour "apprendre ensemble", qui doit résister à la tentation de la vitesse car "la pensée, pour se développer, requiert aussi des formes de décélération élaborées", qui doit former à l'attention, amener l'élève à s'engager "dans l'élaboration de véritables œuvres de longue haleine", qui doit réinscrire les savoirs "dans une histoire" et mettre au jour "leurs enjeux proprement humains", accepter "toutes les différences sans renoncer à créer du commun" et qui ne "renonce pas à transmettre". Car c'est en réalité ce que proposent les "antipédagogues", et au-delà tous ceux qui "se contentent de juxtaposer des finalités et des pratiques sans regarder de près (...) si leurs pratiques sont bien en mesure d'incarner leurs finalités".

"La Riposte", P. Meirieu, éditions Autrement, 303 p., 17 €

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