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Enseignement du code à l'école : même si les enseignants sont globalement convaincus de son intérêt, ils jugent les objectifs peu clairs et les connaissances difficiles à transmettre (recherche, CREN)

Paru dans Scolaire le mardi 14 août 2018.

"Alors que l'intérêt de la programmation est perçu plutôt positivement, sa facilité de mise en œuvre recueille principalement des avis négatifs". Tel est l'un des principaux constats issus d'une recherche menée au sein du CREN (Centre de recherche en éducation de Nantes), autour de la mise en œuvre de la sensibilisation au code, introduite dans les programmes de l'école depuis la rentrée 2016. Cette recherche, menée par Marine Roche, Colin de la Higuera et Christophe Michaut, vise à observer la façon dont les professeurs des écoles ont vécu l'introduction du code à l'école alors qu'ils ne sont pas spécialistes de la matière, la façon dont ils se sont formés et les rapports qu'ils entretiennent avec sa mise en œuvre. Les premiers résultats de cette recherche, menée d'abord sur la première année de déploiement de cet enseignement, ont été livrés dans le numéro 27 des "Notes du CREN", publié en février 2018. Ils sont issus de l'analyse quantitative de questionnaires qui ont été envoyés aux enseignants du premier degré des académies de Bordeaux, Grenoble, Nantes et Poitiers entre avril et juin 2017. 578 enseignants du CP au CM2 ont répondu à l'intégralité du questionnaire, qui comportait quatre thèmes : l'utilité perçue de l'enseignement de la programmation, la facilité perçue de mise en œuvre, le contexte et des caractéristiques individuelles. La réalisation d'entretiens avec des professeurs des écoles doit permettre, dans un second temps d'approfondir ces résultats.

Ainsi, observent les trois chercheurs, 78 % des professeurs des écoles considèrent que le programme d'enseignement est difficile à mettre en œuvre, 75 % que les objectifs de cet enseignement ne sont pas suffisamment clairs et 73 % se disent "mal à l'aise avec les connaissances à transmettre". Pourtant, ils sont majoritaires à être convaincus de l'intérêt de l'enseignement de la programmation informatique et à avoir un avis positif sur cet enseignement, même s'ils sont néanmoins plus de 40 % à ne pas être "pleinement convaincus". En effet, 55 % d'entre eux "considèrent que les élèves développeront des capacités de résolution de problème et, dans une moindre mesure, amélioreront leur chance d'insertion professionnelle". Ils pensent également, pour 48 % d'entre eux, que c'est un enseignement utile aux apprentissages dans les autres matières.

Manque de formation et d'expérience en programmation

Deux grands facteurs peuvent expliquer le fait que ces enseignants se sentent majoritairement non compétents pour enseigner le code : le manque de moyens (57 % des répondants considèrent qu'ils n'ont pas le matériel nécessaire) et le manque de formation. Ainsi, "seulement 24 % ont été formés au code informatique", même si, "paradoxalement", notent les chercheurs, 43 % ont déjà écrit un programme informatique (apprentissage qui peut se faire néanmoins dans des tiers lieux, fablabs ou encore via l'autoapprentissage en ligne). À ce sujet, les auteurs rappellent d'ailleurs que l'Académie des Sciences préconisait, dès 2013, de former les enseignants aux notions de programmation dès la formation initiale et en formation continue pour les enseignants déjà en poste.

Le manque de formation est d'autant plus dommageable que les professeurs des écoles sont "majoritairement issus de cursus en Lettres ou en Sciences humaines", observent encore les auteurs, et qu'il est "probable qu'il s'agisse de la première approche de la discipline pour un grand nombre d'entre eux".

L'influence de l'environnement

Les chercheurs identifient aussi un effet environnement "marquant": "une influence très positive" dans l'établissement des professeurs qui enseignent la programmation, puisque "toutes choses égales par ailleurs, les enseignants qui ont un collègue ayant déjà réalisé cet enseignement ont quatre fois plus de chance de le faire également". L'absence de présence de ces derniers peut donc constituer également un frein au déploiement de cet enseignement.

Les chercheurs ont établi des corrélations entre la présence de ces facteurs et la motivation mais aussi la mise en place effective de cet enseignement. Ainsi, les enseignants les plus dynamiques en la matière, les "enthousiastes", ont plus souvent suivi une formation en informatique (55 %), généralement en dehors de leur formation initiale et déclarent posséder les conditions matérielles et techniques pour réaliser l'enseignement et ont des collègues qui enseignent également le code. Et la mise en œuvre de l'enseignement est effectivement plus fréquente pour les enseignants ayant reçu une formation initiale ou continue en informatique, et maîtrisant a minima le codage et les concepts de la pensée informatique (59 % ont déjà écrit un programme informatique et enseignent le code). À l'inverse, chez les plus "hostiles", ils ne sont que 10 % à avoir suivi une formation et déclarent avoir peu de matériel ou peu de collègues pour appuyer l'introduction de la programmation.

Enfin, autre facteur qui peut jouer sur la motivation, le niveau d'enseignement puisque l'enquête montre que les enthousiastes, comme les "attentistes", ceux qui sont moins convaincus de l'intérêt de l'enseignement mais ne le rejettent pas, enseignent un peu plus souvent en cycle 3, "niveau où les instructions apparaissent plus précises qu'en cycle 2".

Pas d'effet d'âge ou de genre sur la mise en oeuvre de l'enseignement

Résultat, la première année, les "enthousiastes" étaient au final ceux qui avaient le plus enseigné le code et un quart d'entre eux l'avait déjà réalisé avant son inscription dans les programmes scolaires, alors que les enseignants "hostiles" déclaraient pour 84 % d'entre eux ne pas vouloir mettre en œuvre l'enseignement cette année scolaire. Au moment de l'enquête, au total seuls 39% déclaraient avoir déjà déjà réalisé des activités autour du code, 16 % envisageaient de le faire d'ici la fin de l'année scolaire et 45 % ne le souhaitaient pas. Les auteurs concluent donc à la nécessité, non seulement de faire acquérir aux enseignants des "compétences informatiques basiques", mais aussi de soigner l'environnement matériel et social "pour favoriser l'instauration de cet enseignement".

À noter que certaines variables, l'âge ou le genre, n'ont en revanche "aucun effet significatif sur la probabilité de réaliser l'enseignement" puisque "les enseignantes ont autant enseigné la programmation que leurs collègues masculins" et que "les enseignants expérimentés déploient tout autant cet enseignement que les jeunes enseignants".

La note du CREN n°27 ici

Camille Pons

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