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Scolarisation des enfants en situation de handicap : faire de leur accompagnement un "nouveau métier" (inspections générales)

Paru dans Scolaire le vendredi 20 juillet 2018.

"L’inclusion scolaire ne s’arrête pas au seul accueil des enfants en situation de handicap dans les classes et à l’aide humaine éventuellement apportée (...), la réussite de l’inclusion scolaire suppose à la fois de tenir compte des spécificités des types de handicap et des besoins extrêmement différents entre individus"; "les réponses à apporter aux situations de handicap par l’institution scolaire" doivent être fondées "sur les compétences professionnelles des enseignants avec le soutien des professionnels des secteurs médicaux, médicosociaux et sociaux." Ces formules sont tirées du rapport des trois inspections générales (IGAS, IGEN, IGAENR) sur l' "Evaluation de l’aide humaine pour les élèves en situation de handicap".

Les auteurs évoquent l'aspect quantitatif : "La scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents en situation de handicap a connu une forte augmentation depuis 2006, passant de 100 000 élèves accueillis, à plus de 320 000 en 2017." De plus, "le nombre d’élèves bénéficiaires d’une aide humaine a été multiplié par cinq pendant la même période, atteignant plus de 156 000 élèves en juin 2017", soit 45,8 % des élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire contre 43,8 % en 2015.

Des orientations socialement inégalitaires

Mais si leur rapport met l'accent sur les "aides humaines", AVS et AESH qui accompagnent bon nombre d'enfants en situation de handicap, il met en évidence un changement de paradigme pour l'école puisque c’est à elle "de s’adapter aux besoins spécifiques de l’enfant ou de l’adolescent en situation de handicap et non l’inverse". C'est "un choix de société" mais en tire-t-on toutes les conséquences ? "En créant les MDPH, avec une instance indépendante la CDAPH, la loi de 2005 souhaite instituer une obligation de réponse de l’éducation nationale à des compensations décidées, sans préjuger des moyens de gestion." 

Or la question des moyens se pose. De nombreux enseignants souhaitent "une réduction des effectifs de la classe lorsqu’un élève en situation de handicap est pris en charge (...) C’est une réflexion qui serait à conduire au niveau national mais en mesurant précisément toutes les conditions d’une application." Se pose aussi la question du succès de ces enfants. Ceux qui sont "catégorisés dans les troubles psychiques et cognitifs et qui représentent environ 40 % de la population totale des élèves en situation de handicap, ne sont que 1 % à parvenir en classe de 3ème, à quatorze ans (8 % en CM2 à l’âge de dix ans)", alors que 57 % des enfants avec "troubles visuels" sont "à l'heure" en 3ème (61 % au CM2 à dix ans). De plus, "l’orientation en classe ou en établissement spécialisés montre un différentiel non négligeable selon l’origine sociale" et "l’inclusion en classe ordinaire est plus fréquente pour les catégories favorisées". S'y ajoutent des inégalités territoriales.

Quel métier pour les AVS ?

En ce qui concerne l'objet même de leur mission, les inspecteurs soulignent que "l’intégration dans les classes de plus de 80 000 AVS pour accompagner des élèves handicapés à la rentrée 2017 est un remarquable succès". Ils ajoutent que la DGESCO estime que l’augmentation de l’aide humaine "avoisinerait les 20 000 emplois" de 2018 à 2022: "Le nombre de personnels accompagnants atteint un niveau qui oblige à réfléchir à un statut plus pérenne et construit (...) dans un marché de l’emploi qui devient plus concurrentiel". Il faut donc y penser comme à un "nouveau métier", il faut "améliorer leurs perspectives professionnelles" et leur formation "sur les troubles de l’enfant à accompagner", sur la place de l’AESH dans la classe, "ainsi que la relation avec les parents". Quant à la diversité des sigles, AVS, AESH, CUI-CA, elle "correspond à une diversité de contrats et d’employeurs. La récente mise en œuvre du nouveau dispositif parcours emploi compétences (PEC) apportant, au moins temporairement, un peu de complexité supplémentaire".

Mais surtout, les rapporteurs constatent que "les acteurs de terrain tendent à privilégier l’accompagnement humain comme étant une solution immédiate et générale à l’ensemble des situations rencontrées" tandis que les MDPH "n’ont pas suffisamment les moyens d’une évaluation critique des demandes". Elles peinent à "promouvoir le refus de cette aide dès lors que la famille et les professionnels de l’éducation qui accompagnent l’enfant le demandent. (...) Le taux d’accord pour un accompagnement humain en 2014 était de 88,4 %. Mais ce taux peut atteindre 20 % dans certains départements."

Accompagnement individuel, mutualisé, affecté à l'établissement ?

Autre difficulté, les aides pour des accompagnements individuels sont "insuffisamment adaptables aux besoins effectifs de l’élève dans l’établissement. Les quotités horaires ont créé un système rigide, inadapté aux besoins de souplesse de l’organisation au sein d’un établissement (...) Quelle est l’utilité de l’AVS qui est disponible pendant le temps de chorale de l’école ?" Plusieurs départements n'ont que deux systèmes d’accompagnement : l’aide individuelle à temps plein et l’aide mutualisée. Certains souhaiteraient "gérer l’aide humaine au niveau de l’école ou de l’établissement plutôt que de l’affecter à un seul élève" ce qui serait plus souple mais aurait "également pour conséquence une stabilisation des personnes dans leur emploi et leur affectation et une participation accrue au projet d’école".

En ce qui concerne bon nombre d'enseignants, la mission les a trouvés "très convaincus de l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap", mais précise aussitôt "sans que ce soit encore un état d’esprit entièrement généralisé". Les réponses éducatives doivent être apportées aux élèves en fonction de leurs besoins, "et non pas à partir d’une réponse préétablie en fonction d’une caractérisation médicale". D'où l'importance de l’enseignant référent qui devrait intervenir "en amont de la première demande afin qu’il puisse recentrer les échanges sur l’évaluation des besoins de l’élève". Encore faudrait-il que leur charge de travail soit limitée. Le nombre d’élèves suivis "peut aller de 120 à 350".

Des établissements "tête de réseau" ?

Les enseignants disposent de la documentation du site de l’INSHEA (institut national d'enseignement supérieur, de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés), mais "la création d’un maillage des ressources pédagogiques à la portée de tous les enseignants serait un appui pour résoudre des problématiques auxquels ils peuvent être confrontés quotidiennement". La mission suggère "la création de réseaux d’établissements selon les troubles", avec un établissement "tête de réseau" qui bénéficierait "d’une dotation supplémentaire pour entreprendre des recherches, renseigner les collègues des autres établissements de ce réseau".

La mission préconise d' "organiser l’intervention régulière de professionnels du secteur médicosocial dans des 'pôles établissement' pour améliorer le suivi des élèves en inclusion scolaire et prévoir l’intervention de professionnels libéraux". Elle propose aussi de "développer les conventions entre établissements scolaires et ESMS [établissement social ou médicosocial] afin que leurs professionnels puissent intervenir auprès des élèves sans que ceux-ci aient à se déplacer. En outre, cette organisation favorise[rait] les échanges et collaborations entre professionnels."

Le rapport "Evaluation de l’aide humaine pour les élèves en situation de handicap" ici

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