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"Les chercheurs sont là pour éclairer, pas pour prescrire" (C. Moisan, colloque de l'IREA)

Paru dans Scolaire le dimanche 17 juin 2018.

"On croule sous la prescription", estime Catherine Moisan. L'ancienne directrice de la DEPP intervenait ce 16 juin en conclusion du colloque de l'IREA sur le thème "sciences et prise de décision en éducation". Pour elle, la formation continue des enseignants est "bouffée" par les prescriptions qui doivent passer dans les pratiques. Quant au politique, il peut très bien se fonder sur d'autres critères que la science. Elle donne l'exemple d'un algorithme très performant pour définir des districts des collèges de manière à améliorer la mixité sociale. Elle l'a présenté à des élus. Elle admet parfaitement que l'un d'eux lui réponde : "la ségrégation sociale ne me dérange pas". "Il a sa cohérence, et il assume son choix, mais on ne dit pas qu'on s'appuie sur la science pour prescrire des pédagogies pour légitimer des choix idéologiques."

A l'inverse, Najat Vallaud-Belkacem qui était alors ministre, lui demande quels effets peut avoir la mixité sociale sur les résultats scolaires des élèves. Sur ceux qui sont en difficulté, ils sont positifs, mais que dit la science des bons élèves ? Catherine Moisan consulte l'Ecole d'économie de Paris qui lui rapporte la synthèse de la littérature mondiale : aucun effet, la mixité ne les fait pas progresser mais ne leur nuit pas. La ministre tranche alors sur un critère politique, "je veux une société du vivre ensemble".

La recherche en éducation est plurielle

Après la distinction du scientifique et du politique, l'ancienne inspectrice générale en introduit un autre : il ne faut pas parler de la recherche, mais des recherches en éducation. "On ne peut pas faire l'impasse sur les apports des neurosciences ou de l'économie de l'éducation", de nouveaux domaines scientifiques font leur entrée dans le champ de l'éducation. Mais la performance en éducation est "multifactorielle" et les politiques "evidence based" ont leurs limites : peut-on jamais être sûr d'avoir isolé chacun des facteurs ? Et "où sont les lieux de confrontation des différentes disciplines, des sociologues avec les neurosciences ? Ils sont chacun dans leur tunnel."

Autre question posée par Catherine Moisan, le ministère fait-il suffisamment appel à la recherche ? "Où est l'appel à projet sur le niveau en mathématiques des élèves de cours moyen ? Et sur le poids des déterminismes sociaux, plus important en France que dans des pays comparables ? Et sur le collège ? Et sur les réformes successives du lycée ? Et sur les causes des échecs dans l'enseignement supérieur ?"

Quels "passeurs" de la recherche aux enseignants ?

Et quand les résultats de la recherche sont là, comment les communiquer aux enseignants ? Il faut trouver des "synthétiseurs" pour les présenter sous une forme assimilable, et des "passeurs", ce qui devrait être le rôle de la hiérarchie intermédiaire qui a mieux à faire que de noter les enseignants, ce qui "ne sert à rien". Mais que la formation, initiale et continue, soit professionnelle, suppose que soit reconnu le fait que l'enseignement est "un vrai métier", avec un vocabulaire spécifique. On ne reproche pas aux informaticiens ou aux juristes de parler un langage qui n'est pas compréhensible du grand public, pourquoi le reproche-t-on aux sciences de l'éducation ? Sans doute parce que les universitaires ne pensent pas que ce qu'ils font, enseigner, suppose des compétences autres que disciplinaires.

Présidente de l'AFAE (l'association française des acteurs de l'éducation), elle perçoit toutefois de nouvelles tendances. D'une part, la logique du "bottom-up" progresse et l'on voit des établissements scolaires aller chercher des formations, ou organiser la formation entre pairs. Se met en place, d'autre part, "une logique de marché", avec des "semi-formations", la production d'outils proposés aux enseignants, parmi lesquels "il y a à boire et à manger". L'Université se met-elle sur ce marché ? et comment éclaire-t-on les enseignants qui vont "faire leur marché" ?

Les enseignants, qui sont dans leur classe "dans un espace privé" et qui sont très solitaires, ont besoin de repères. Mais qu'a-t-on fait des résultats de la conférence de consensus sur la lecture de 2003 ? Et la haute administration souhaite-t-elle s'en nourrir ? Catherine Moison se souvient d'une thèse sur la mobilité des enseignants du second degré qui développait un algorithme donnant plus de fluidité au mouvement, et plus de satisfaction aux enseignants, "mais la DGRH a jeté le truc". Sans aller plus loin, l'ancienne directrice de la DEPP lève un coin du voile sur la façon dont l'administration centrale veille sur ses pouvoirs.

 

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