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Najat Vallaud-Belkacem : en matière d'éducation, "les mythes l'emportent sur les résultats de la recherche"

Paru dans Scolaire le dimanche 17 juin 2018.

Comment éviter de manquer les rendez-vous entre politiques et intellectuels ? L'ancienne ministre de l'Education nationale était invitée, ce 16 juin, par l'IREA. L'institut de recherche du SGEN-CFDT organisait deux jours de débats sur le thème "Sciences et prise de décision en éducation" et c'était l'occasion pour Najat Vallaud-Belkacemn de revenir, pour la première fois publiquement, sur son action "rue de Grenelle" et sur le rôle qu'elle a donné alors aux chercheurs, mais aussi pour souligner que cela reste pour elle une préoccupation: c'est le sens de la collection qu'elle crée chez Fayard, mettre à la disposition de ceux qui sont en charge des politiques publiques les travaux des chercheurs et les réflexions des intellectuels.

Si les politiques portent une part de la responsabilité dans les errements des politiques publiques, les chercheurs ont aussi la leur. Ils se défendent d'agir en politiques et leurs efforts pour vulgariser et médiatiser les résultats de leurs travaux ne sont pas toujours bien vus de leurs collègues. A l'inverse, leurs travaux irriguent-ils la réflexion en amont de la prise de décision politique ? On peut en douter. Patrick Weil a dû attendre 2013 pour que sa proposition, faite en 2005, d'accueillir dans les filières sélectives les meilleurs bacheliers de chaque lycée trouve une traduction. Le dispositif "devoirs faits" qu’on pourrait accueillir comme une mesure bienvenue, a fait fi de ce que disent les travaux de chercheurs sur "l'auto-censure" des élèves en difficulté, à savoir que ce type de dispositif, dès lors qu’il prend la forme du volontariat, ne peut que manquer sa cible prioritaire que sont les élèves les plus défavorisés ou les plus en difficulté.

Des choix éclairés par la recherche ne donnent pas de légitimité au politique

En revanche, la semaine de 4,5 jours, les nouveaux programmes, la mise en place du Cnesco, le découpage en cycles, la scolarisation précoce, le "plus de maîtres que de classes", la lutte contre le décrochage, la réforme du collège, témoignent, estime l'ancienne ministre, du souci de la précédente mandature, de voir ses décisions éclairées par la recherche. De même, "les portes du ministère était très ouvertes aux chercheurs" quand il s'est agi de lancer des expérimentations et de prendre des décisions sur la sectorisation des collèges et améliorer la mixité sociale. L'étude de Yann Algan sur les effets de la mixité sociale, aussi bien au plan des résultats scolaires des élèves, les bons comme ceux qui sont en difficulté, que sur les autres acquis, en termes de compétences psychosociales, devrait sortir "prochainement".

Les choix politiques ont donc été inspirés par la recherche, et les décideurs ont accepté d'être évalués par ces mêmes chercheurs. "Cela leur a-t-il permis de gagner en légitimité ? Non. Les voix conservatrices recouvrent les voix des chercheurs dès qu'on cherche à venir à bout du déterminisme social." Najat Vallaud-Belkacem évoque à ce sujet Alain Finkielkraut et "le syllogisme" qu'il déploie pour expliquer que la démocratisation de l'enseignement, si elle avait commencé avant guerre, aurait empêché un Camus d'avoir un jour le prix Nobel. Au-delà du cas particulier, elle déplore qu'en matière d'éducation, l'expertise ne soit pas reconnue comme elle peut l'être en médecine par exemple, et les attaques contre les sciences de l'éducation, le fait que tout un chacun ait un avis, par exemple sur "le prédicat", témoignent de la force des "mythes" qui "l'emportent" sur la science. Il est donc "de la responsabilité du politique de faire connaître les résultats de la recherche" pour que "l'opinion publique cesse de se fourvoyer". Mais cela suppose, ajoute-t-elle de n'avoir pas "de filtre idéologique".

 

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