Profession "professeur des écoles" (Ouvrage)
Paru dans Scolaire le jeudi 14 juin 2018.
Interrogé sur la crise de recrutement des enseignants, lors de la séance de questions au gouvernement du 13 juin, par Géraldine Bannier, députée Modem de Mayenne, le ministre de l’éducation nationale a réaffirmé sa volonté de "faire évoluer le recrutement et la carrière des enseignants en France", ajoutant qu’un "pré-recrutement pourrait avoir lieu après le baccalauréat et en tout cas après la licence".
Cette intervention fait écho au nouveau livre d’André D.Robert et Françoise Carraud, enseignants-chercheurs en sciences de l’éducation à l’université Lumière Lyon 2, intitulé "Professeurs des écoles au XXIe siècle". Vingt-cinq ans après la création du corps de professeurs des écoles, les auteurs dressent leurs "portraits socioprofessionnels" et s’intéressent notamment à leur formation.
Une amélioration de la reconnaissance
Ils soulignent : "le projet professionnel des enseignants du premier degré porte depuis plusieurs décennies une volonté d’universitarisation de la formation, considérée comme le gage d’une amélioration décisive de leur reconnaissance par la société". Retraçant les "multiples étapes, plus ou moins confuses" de l’évolution de leur formation depuis 1945, les auteurs constatent néanmoins que "l’élévation continue du niveau requis pour accéder aux fonctions d’enseignant du premier degré, désormais équivalent à celui de leurs collègues du second degré, semble immanquablement devoir être versée au registre de l’amélioration du statut, des gains matériels et symboliques et des bénéfices identificatoires, c’est-à-dire d’une très nette avancée en termes de processus de professionnalisation".
S’intéressant aux conditions de travail, André D.Robert et Françoise Carraud constatent que les professeurs des écoles ont un sentiment de "trop", de "surcharge administrative" et de "succession trop rapide des réformes sans possibilité de vraiment les assimiler". Très attachés à leur liberté pédagogique, ils "doivent en permanence composer avec une pluralité de normes et d’injonction surplombantes, parfois paradoxales".
Privilégier l’environnement local
"Le" professeur des écoles est aujourd’hui "une femme d’un peu plus de 40 ans, issue de, et alliée à, la classe moyenne (voire la classe moyenne supérieure), fortement diplômée de l’université, ayant opté pour un métier de professorat polyvalent de préférence à une orientation disciplinaire, soit par choix initial déclaré, soit par reconversion après expérience dans un autre milieu professionnel, déclarant son goût de l’activité avec les jeunes enfants et son dévouement au service de ceux-ci…".
Les auteurs remarquent que "cette personne, PE type, tend à privilégier l’environnement local, à se reconnaître dans une politique du proche qui la conduit à ne pas compter sur, voire à se méfier de l’instance lointaine qu’est le ministère mais aussi de la hiérarchie représentée par les IEN perçus comme les relais de décisions réformatrices incessantes et inassimilables, ainsi que généralement trop peu à l’écoute des difficultés réelles."
Cette première synthèse sur la profession de professeur des écoles qui fait apparaître la diversité d’exercice de ce métier suivant les publics, les fonctions, les lieux d’enseignement et qui traite aussi de leur représentation syndicale et de leurs rapports au politique, pourra certainement alimenter le débat qui va s’ouvrir sur le recrutement des enseignants.
"Professeurs des écoles au XXIe siècle", André D.Robert, Françoise Carraud, Puf, 24€.
Colette Pâris