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Laïcité : un climat scolaire "très tendu" pour 1 % des enseignants

Paru dans Scolaire le mercredi 13 juin 2018.

"La question laïque se pose différemment selon les territoires et les contextes culturels et sociaux", estime le CNAL au vu des résultats du sondage que le Comité national d'action laïque a commandé à l'IFOP. L'institut de sondage a interrogé au mois de janvier dernier quelque 650 enseignants, et les militants du CNAL ont conduit un millier d'entretiens "qualitatifs" sur les mêmes questions. Le Comité constate d'emblée "un clivage fort entre les établissements, puisque près d'un tiers des enseignants travaillant en éducation prioritaire ou en LP estiment que leurs collègues ne s'accordent pas sur une même définition de la laïcité, contre 6 à 12 % ailleurs. C'est sans-doute que "la question est plus sensible et les débats entre adultes vraisemblablement plus vifs" en éducation prioritaire que dans les autres établissements, clivage qui se retrouve entre les lycées professionnels et les autres établissements du 2nd cycle.

Pour beaucoup d'enseignants, c'est "un sujet de tous les jours", dans "la vie quotidienne", et certains estiment d'ailleurs "qu'on ne peut plus enseigner comme avant". La difficulté ne vient pas tant de l'élève qui conteste que de celui qui s'enferme dans le mutisme. Seules des pédagogies coopératives peuvent l'amener à s'exprimer, à bouger, à évoluer.

Dans 97 % des cas, le dialogue permet de régler le problème

Car les contestations ouvertes sont assez limitées. Seuls 3 % des enseignants déclarent que la loi de 2004 sur le port de signes religieux est "régulièrement" contestée par des élèves, 12 % "de temps en temps", soit au total 15 % mais 34 % en REP (26 % en lycée professionnel). De même, hors éducation prioritaire, seuls 9 % des enseignants évoquent des contestations d'enseignements, "régulièrement" ou "de temps en temps", un pourcentage qui monte à 22% en REP, où les "jamais" ne sont que 44%. Le plus souvent, "le dialogue permet de régler le problème", déclarent 97 % des enseignants (95 % en éducation prioritaire) : "les élèves sont demandeurs de débats sur ces sujets et apprécient de pouvoir s'exprimer et échanger", notait déjà la "mission flash sur la prévention de la radicalisation à l'école". Un chef d'établissement ajoute toutefois : "ce dialogue peut être chronophage, voire épuisant". Et la question du dialogue ne se pose pas lorsqu'il s'agit d'un point du programme ou de la visite d'un bâtiment.

Quant aux procédures disciplinaires, elles sont assez rares. Seuls 7 % des enseignants (18 % de ceux qui déclarent que la loi de 2004 est contestée) disent qu'elles sont parfois engagées. A noter toutefois que certains évitent les difficultés, tel cet établissement "où toutes les demandes sont systématiquement acceptées : dérogations à l'éducation à la sexualité, à la piscine, absences en période de ramadan..." Dans l'ensemble pourtant, les enseignants récusent le terme d'auto-censure, mais disent qu'il faut "bien choisir ses mots".

La montée des intolérances

Peut-être faudrait-il aussi davantage associer les parents à des activités de formation à la laïcité, puisque seuls 8 % des enseignants interrogés (3 % dans le Sud-Ouest, 17 % en Rhône-Alpes) disent qu'ils le sont dans leur école ou leur établissement, par exemple à l'occasion d'une "fête de Noël multiculturelle" ou d'un "colloque laïcité". Mais un enseignant qui a organisé une rencontre sur ce thème rapporte que "personne n'est venu". Quant à la "journée de la laïcité" le 9 décembre, elle est "très peu l'occasion de mener une action spécifique", sauf dans les lycées professionnels (43 % de réponses positives)

Alors quel le principe de laïcité "semble faire consensus" même si "seul un tiers des enseignants estime qu'une culture commune de la laïcité est en train de se construire", même si, "sauf en REP, l'école semble préservée des pressions extérieures qui empêcheraient la mise en application du principe de laïcité", l'enquête révèle d'autres difficultés liées à la montée des intolérances entre élèves (80 %, 43 % régulièrement ou "de temps en temps"), du racisme (72 %), de pressions à l'égard des filles (62 %), de revendications identitaires (50 %), du communautarisme (48 %), d'antisémitisme (31 %), de prosélytisme religieux (28 %, dont 2 % régulièrement). Les enseignants dénoncent également des formes d'intolérance à l'égard des élèves scolarisés en ULIS, des élèves obèses...

La question de la formation n'est pas résolue

Le sondage porte aussi sur les outils dont disposent les enseignants. La charte de la laïcité est affichée dans l'école (77 % des réponses) ou dans le collège ou lycée (66 %) et elle est "un bon support pour l'action pédagogique" (68 et 5 8%). En ce qui concernent ceux qui travaillent dans les quelque 10 % d'établissements "où des contestations d'enseignement se produisent régulièrement ou de temps en temps", ils se réfèrent d'abord à leur propre documentation (63 %) et la charte de la laïcité (54 %), puis à la documentation proposée par le ministère sur Eduscol ou par Canopé. La "réserve citoyenne" n'est pas considérée comme utile, le livret laïcité (une trentaine de pages) est "très peu utilisé" et on peut se demander ce qu'il en sera du vademecum (80 pages). Quant aux "référents laïcité des rectorats", leur action "n'est pas connue" et le CNAL suppose "que c'est parce que 97 % des enseignants disent que les contestations se règlent par le dialogue".

La question de la formation est plus préoccupante. "Les trois quarts des enseignants déclarent n'avoir jamais reçu de formation pour enseigner le principe de laïcité", et pour la majorité des 26 % qui en ont reçu une, elle était "d'assez mauvaise" ou de "très mauvaise qualité"; elle est, dans les ESPE, au mieux de 3 heures. Quant à la formation continue et aux actions engagées depuis 2013 avec la Charte et 2015 après les attentats, elles n'ont concernées que 6 % des enseignants (4 % de ceux qui enseignent en REP), mais le taux de satisfaction est supérieur (60 %), peut-être parce qu'elles portent davantage sur des cas concrets et apportent des réponses aux problèmes rencontrés que sur les principes généraux. "Je manquais d'arguments pour défendre la laïcité" dit l'un quand un autre demande une aide "à la gestion de cas les plus couramment rencontrés".

La misère et la pauvreté

La question de la laïcité fait toutefois "l'objet de peu d'échanges" lors des réunions des instances de l'école ou de l'établissement (conseil des maîtres, conseil pédagogique, conseil d'administration) peut-être parce que seuls 9 % des enseignants font état d'un climat scolaire "tendu" autour de la laïcité (dont 1 % "très tendu"), plus souvent en éducation prioritaire et en collège.

Au total, "les trois quarts des enseignants sont confiants" lorsqu'on les interroge sur l'adhésion des élèves et des parents aux valeurs de la République, mais c'est beaucoup moins vrai en REP, quand "la misère et la pauvreté des gens les amènent à vivre dans des conditions telles que la République, ce n'est pas quelque chose qui les concerne" et qu'ils "vivent en clan, avec leurs propres règles".

Cela n'empêche pas 93 % des enseignants de considérer que "la laïcité est un élément important de l'identité de la France, contre 79 % de l'ensemble des Français". Ils sont moins inquiets que leurs concitoyens quand on leur demande si la laïcité est en danger, mais mettent davantage en cause la montée des communautarismes.

Sur ces questions, voir aussi sondage IPSOS réalisé pour la Fondation du judaïsme français (ToutEduc ici)

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